Mesurer l'océan #4
Étape 4 du Carnet de bord : à l'écoute de l'Antarctique
Debout sur le pont du S.A. Agulhas II, nous regardons le navire se frayer un chemin à travers l'épaisse glace de mer de l’océan austral. Aussi loin que nos yeux puissent porter, il n'y a rien d'autre à voir que le bleu de l'eau et du ciel qui se mêle aux différentes nuances de blanc. À l'horizon, on distingue un mur de glace. C'est la limite de l'Antarctique, là où l'océan Austral se termine et où le continent blanc commence. Ce paysage vierge nous fait oublier les quatre semaines de quarantaine passées au Cap et nous rappelle l'importance de cette expédition. À bord du navire, nous observons les manchots maladroits qui glissent sur la glace.
Une fois que nous atteignons notre site d'étude au-dessus de la montagne sous-marine Maud Rise, le travail commence, de jour comme de nuit, pour recueillir le plus grand nombre de données. L'une des principales missions consiste à effectuer des mesures CTD (conductivité-température-profondeur), qui fournissent des informations sur la salinité et la température dans toute la colonne d'eau. Durant la journée, nous prenons ces mesures à plusieurs reprises pour fournir des informations sur les propriétés de l'océan à travers différentes zones d'intérêt, dans notre cas aux abords des pentes de Maud Rise.
Pour enregistrer les propriétés de l’océan sur une plus longue période, nous avons également déployé divers instruments autonomes, comme les planeurs. Ces petits véhicules autonomes sont contrôlés à distance et programmés pour plonger jusqu'à une profondeur d'environ 1000 m avant de revenir à la surface pour communiquer leurs résultats.
Nous avons envoyé un véhicule de surface sans équipage qui échantillonne en synergie avec le planeur de plongée, prenant des mesures de l'océan de surface et des conditions atmosphériques au-dessus du planeur. Nous utilisons aussi d'autres instruments qui dérivent avec les courants océaniques, soit en flottant à la surface (dériveurs), soit en plongeant à différentes profondeurs (flotteurs Argo). D’autres sont ancrés au fond de l'océan et resteront au même endroit pendant plusieurs mois.
Les différents instruments mesurent principalement la température et la salinité, mais aussi les courants océaniques, la quantité de carbone et d'oxygène, la production primaire, l'épaisseur de la glace de mer et les flux vers l'atmosphère.
Lorsque nous débarquerons du navire, notre travail n’aura fait que commencer car les données continueront d'affluer pendant plusieurs mois et les pièces du puzzle pourront s’assembler au fil du temps. Ces données permettront notamment de valider les modèles informatiques qui tentent de mieux comprendre et reproduire l'apparition de la polynie (trou dans la banquise) au sein de la glace de mer. Elles serviront aussi à mieux voir comment la polynie impacte le stockage de chaleur et de carbone dans l'océan Austral.