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Karine Lacombe : « Le projet PROACT vise à mieux préparer l’Europe face aux pandémies futures »

Karine Lacombe, experte en maladies infectieuses, est aussi professeure à la faculté de Santé de Sorbonne Université et cheffe du département des maladies infectieuses et tropicales de l’hôpital Saint-Antoine. Elle nous parle du projet EU-PROACT (European PROactive Adaptive Clinical Trials network) et de son importance pour faire face aux défis posés par les pandémies.

Qu'est-ce que le projet EU-PROACT ?

Karine Lacombe : C'est un projet européen visant à mieux préparer l’Europe face aux pandémies futures grâce à la recherche, en particulier à l’évaluation de nouveaux médicaments. Les objectifs incluent la compréhension des maladies causées par de nouveaux agents infectieux potentiels, la mise en place d’une réponse rapide et coordonnée face aux menaces pandémiques, ainsi que l’évaluation efficace de nouveaux traitements pour les rendre disponibles rapidement aux patients.

Le projet établit des partenariats dans la recherche clinique et des réseaux de laboratoires à travers l’Europe pour garantir une réponse coordonnée et efficace aux futures pandémies.

Ce projet est-il une conséquence de la COVID-19 ?

K.L. : Tout à fait ! EU-PROACT est né de la nécessité d'anticiper les prochaines crises sanitaires. La pandémie de COVID-19 a mis en évidence des lacunes dans notre réponse initiale, notamment des délais importants pour lancer les essais cliniques. Initialement, l’Union européenne a créé et financé un rés de patients et de citoyens, participent désormais au projet pour mieux comprendre et combattre la désinformation.

Comment lutter contre la désinformation grâce à la communication ?

K.L. : Le "pré-bunking" est une approche proactive au cœur de la stratégie de PROACT contre la désinformation. Elle consiste à préparer le public à résister aux fausses informations avant qu'elles ne se répandent plutôt que de tenter de les corriger après coup. Cela passe par l’analyse des médias sociaux pour détecter les signaux précoces de désinformation et la collaboration avec des associations de patients et de citoyens pour élaborer des messages fondés sur des preuves scientifiques.

Des enquêtes seront menées dans toute l’Europe pour comprendre les facteurs sociologiques qui favorisent l’adhésion aux fausses informations. Ces recherches alimenteront des stratégies pour contrer la désinformation de manière proactive.

Votre rôle dans PROACT se concentre sur les soins hospitaliers. Pouvez-vous nous en dire plus ?

K.L. : L’essentiel de PROACT est la création d’un réseau de recherche clinique pour répondre aux pandémies dans les hôpitaux. Le projet met l’accent sur les soins aux patients hospitalisés, englobant la recherche microbiologique et la méthodologie des essais thérapeutiques.

Quel est le rôle de la santé numérique dans PROACT ?

K.L. : Dans le cadre de PROACT, la santé numérique est exploitée grâce à l’intelligence artificielle pour prédire les réponses aux traitements en fonction de paramètres médicaux, sociodémographiques et liés aux agents pathogènes. Cette approche vise à identifier rapidement les traitements les plus efficaces. L’IA sera également utilisée pour personnaliser les approches de "pré-bunking" en fonction des signaux faibles de désinformation détectés sur les réseaux sociaux.

En dehors de PROACT, un projet parallèle développe une application de santé numérique pour améliorer l’adhésion aux traitements VIH.

Quelles sont les prochaines étapes pour EU-PROACT ?

K.L. : Le projet a obtenu un financement de 17 millions d’euros de l’Union européenne, avec 23 partenaires dans 20 pays. Il sera officiellement lancé le 1ᵉʳ janvier 2025. Les premières actions incluent de renforcer un réseau de centres de recherche clinique hospitaliers, de construire un réseau méthodologique de statisticiens et épidémiologistes, de développer un réseau européen de microbiologie (VIRVOLT), d'effectuer des recherches pour comprendre les obstacles sociologiques à la participation aux essais thérapeutiques ou encore de développer des stratégies de communication et des modules de formation pour améliorer la préparation aux pandémies et contrer la désinformation.

Pourquoi la collaboration internationale est-elle essentielle ?

K.L. : La collaboration est cruciale pour répondre rapidement et efficacement aux pandémies. PROACT s’intègre à des réseaux internationaux tels que STRIVE, PANTHER et RECOVERY. Ces partenariats permettent de renforcer la compréhension des pandémies, l’identification des agents infectieux et les réponses aux traitements.

Que signifie PROACT pour Sorbonne Université ?

K.L. :  Le projet positionne Sorbonne Université comme un leader dans la recherche clinique et en sciences sociales en Europe. Il renforce son rôle dans les partenariats public-privé pour l’évaluation innovante de médicaments, et met en avant l’engagement de l’université pour l’excellence scientifique.