Gaëlle Bruneteau

Neurologue et investigateur principal dans le projet SONOSLA visant à « ouvrir la barrière sanguine pour traiter la maladie de Charcot » soutenu par MSDAvenir

La réussite de cette étude pourrait ouvrir de nouvelles perspectives de traitement pour la SLA, en offrant la possibilité d'améliorer la délivrance de médicaments dans le système nerveux.

Le Professeur Gaëlle Bruneteau est neurologue spécialisée dans la sclérose latérale amyotrophique (SLA). elle est l’investigateur principal dans le projet soutenu par MSDAvenir visant à « ouvrir la barrière sanguine pour traiter la maladie de Charcot », projet porté par le Professeur Alexandre Carpentier, chef de service en neurochirurgie et clinicien chercheur en neurosciences.

Alors que l’étanchéité des vaisseaux du cerveau complique l’administration de médicaments pour le traitement de maladies du système nerveux central, le Professeur Carpentier a mis au point en 2012 un dispositif permettant de perméabiliser temporairement la barrière hémato-encéphalique par 4 minutes d’émission d’ultrasons pulsés à faible intensité.

1) Pouvez-vous, dans un premier temps, vous présenter et nous présenter votre parcours ?

Je suis neurologue et j'ai effectué la totalité de mon internat en neurologie à Paris. Pendant cette période, j'ai eu l'opportunité de réaliser un stage dans le centre de référence pour la sclérose latérale amyotrophique (SLA). À cette époque, le centre expert à la Pitié Salpêtrière était dirigé par le Professeur Meininger. Mon objectif principal était de mieux comprendre cette maladie, qui n’est que peu traitée lors des études de médecine. Cette expérience a marqué le début de mon engagement dans ce domaine, et je n'ai jamais réellement quitté cette voie.

Après avoir achevé mon internat, j'ai été réintégrée en tant que cheffe de clinique, toujours au sein de l'équipe du Professeur Meininger. À cette époque, la SLA demeurait largement méconnue et il existait un besoin crucial de recherche clinique. C'est cet aspect qui a suscité mon intérêt et j'ai rapidement été impliquée en tant qu'investigateur sur des protocoles de recherche thérapeutique. Le Professeur Meininger, en tant que co-découvreur du Riluzole, le seul traitement approuvé en France pour la SLA, incarnait l'engagement de notre équipe dans la recherche clinique depuis ses débuts.

Au fil du temps, j'ai eu l'occasion de développer mes propres projets de recherche sur la physiopathologie de la maladie avant de me concentrer sur la recherche thérapeutique, une démarche qui s'inscrit dans la continuité de nos efforts actuels.

Actuellement, je travaille en tant que neurologue au centre expert pour la maladie de Charcot, au sein du département de neurologie de la Pitié Salpêtrière. Parallèlement, je coordonne un réseau de recherche clinique national sur la SLA au sein de la structure F-CRIN, une initiative française visant à promouvoir la recherche clinique thérapeutique sur le territoire national.

2) Pourriez-vous nous expliquer ce qu’est la maladie de Charcot ?

La sclérose latérale amyotrophique (SLA) est une maladie classée parmi les maladies neurodégénératives, affectant les motoneurones, les neurones spécialisés dans le contrôle des muscles, présents dans le cerveau et la moelle épinière. Dans la plupart des cas, la maladie est dite sporadique, ce qui signifie qu'elle n'a pas de cause génétique et n'est pas transmissible de génération en génération, mais sa cause demeure inconnue.

Cette absence de compréhension des mécanismes sous-jacents de la maladie constitue un défi majeur pour le développement de traitements efficaces. Il est probable que la SLA soit en réalité non pas une maladie mais un syndrome, avec des mécanismes physiopathologiques distincts selon les formes cliniques. Par conséquent, il est crucial de mener des recherches physiopathologiques pour mieux comprendre ces mécanismes, car cela constitue la base du développement de nouveaux traitements. Identifier les mécanismes en cause au niveau des neurones est essentiel pour pouvoir les cibler de façon thérapeutique. Il y a un énorme besoin de développer la recherche thérapeutique et c’est ce que l’on tente d’organiser avec le réseau ACT4ALS-MND, qui apporte un soutien méthodologique et opérationnel précieux, Ce réseau offre également un soutien essentiel pour les demandes de financement, notamment dans le cadre de projets tels que le Programme Hospitalier de Recherche Clinique (PHRC).

3) Pourriez-vous nous décrire quel est votre travail dans le cadre de ce projet de recherche et quels en sont les principaux enjeux ?

En tant qu'investigateur coordonnateur, je suis responsable du protocole de recherche thérapeutique, donc je me charge de garantir le respect méthodologique et la conduite de l'étude. Cela implique de veiller à ce que l'étude suive scrupuleusement le protocole établi et qu'elle se déroule dans le respect des bonnes pratiques cliniques, un ensemble de normes mondiales visant à garantir la sécurité et la liberté des participants. Les protocoles sont extrêmement détaillés à chaque étape pour assurer la sécurité des patients et fournir des réponses précises aux questions posées.

De plus, mon implication dans ce projet se concentre principalement sur la recherche clinique et la spécificité de la SLA. Alors que le dispositif du SonoCloud (dispositif médical permettant l’émission d’ultrasons pulsés pour ouvrir temporairement la barrière hémato-encéphalique du cerveau) a déjà été testé avec succès dans le traitement des tumeurs cérébrales, son application dans le domaine de la SLA représentera une première mondiale. Cette initiative, bien qu'inscrite dans un seul et même projet, complète notre vision globale de la recherche et du traitement dans ce domaine.

4) Quels sont les objectifs que vous espérez atteindre à l’issue de ce projet ?

La première phase de notre étude, portant sur 12 patients, vise à évaluer en priorité la sécurité de ce nouveau dispositif d’ouverture de la barrière hémato-encéphalique, qui normalement isole de manière étanche le cerveau et la moelle épinière par rapport à la circulation du sang et au reste du corps. Comme mentionné précédemment, cette étude représente une première mondiale dans le contexte de la SLA, et bien que des éléments rassurants aient été observés dans le domaine des tumeurs cérébrales, il est impératif de confirmer la sécurité du dispositif dans cette population particulièrement fragile.

La deuxième phase, rendue possible grâce au soutien de MSDAvenir, consistera à étendre le recrutement de notre étude. Plutôt que de se limiter à une simple évaluation de la sécurité (phase 1), nous prévoyons d'inclure 11 patients supplémentaires, ce qui nous permettra de passer à une phase 2a, qui visera à identifier les premiers signaux potentiels d'efficacité du dispositif pour ralentir la dégradation de la fonction motrice associée à la SLA.

Actuellement, aucun traitement curatif n'est disponible pour cette maladie. Le Riluzole, seul médicament ayant actuellement l’autorisation de mise sur le marché en France pour la SLA, a une action modeste sur la survie des patients, sans effet démontré sur la fonction motrice pour ralentir l’extension des paralysies. Nous cherchons donc à évaluer si notre dispositif peut influencer ces paramètres. Nous utiliserons également un biomarqueur sanguin prometteur, le taux de la chaine légère des neurofilaments, pour évaluer l'activité de la maladie et son risque de progression future. Une diminution de ce taux pourrait indiquer une réduction de la neurodégénérescence, ce qui serait prédictif de l'efficacité du traitement. C'est pourquoi ce biomarqueur sera utilisé comme critère de jugement primaire pour la deuxième partie de l'étude et son évaluation se fera par simple prise de sang.

5) Pensez-vous que l’on puisse un jour découvrir les causes de cette maladie neurodégénérative ?

Il est très probable que la SLA ne soit pas une maladie unique, mais plutôt un ensemble de maladies. Environ 10% des cas de SLA sont d'origine génétique, où une mutation pathogène spécifique est responsable de la mort des motoneurones. Cependant, pour la grande majorité des patients, soit environ 90%, la cause de la maladie reste inconnue et pourrait même être différente selon les patients. Il est probable que la SLA soit le résultat de l'interaction complexe entre un terrain génétique particulier et des facteurs environnementaux.

Cette diversité de facteurs contributifs se reflète dans la variabilité des symptômes et de l'évolution de la maladie. Par exemple, la SLA peut initialement affecter la parole et la déglutition chez certains patients, tandis que chez d'autres, elle peut commencer par des difficultés à la marche. De plus, la progression de la maladie peut varier considérablement d'un patient à l'autre, même en l'absence de traitement.

Il est également probable que ces différentes manifestations de la SLA soient influencées par des mécanismes biologiques distincts au niveau des motoneurones. Par conséquent, plutôt que de rechercher une cause unique de la maladie, il est essentiel de progresser dans notre compréhension des mécanismes physiopathologiques sous-jacents. Cela nous permettrait de mieux caractériser les populations de patients en fonction de leur évolution clinique et de leurs mécanismes biologiques spécifiques, ce qui est crucial pour le développement de traitements ciblés.

6) MSDAvenir apporte son soutien au projet SONOSLA. Que représente ce soutien pour votre projet ?

Tout d'abord, nous exprimons notre gratitude envers MSDAvenir pour sa confiance et son soutien à ce projet. L'équipe du Professeur Carpentier est reconnue pour son expertise dans la stratégie thérapeutique des tumeurs cérébrales, mais cette approche est entièrement nouvelle dans le contexte de la SLA. Sans le soutien de MSDAvenir, nous ne pourrions pas mener une étude aussi exhaustive pour évaluer à la fois la sécurité du dispositif et rechercher des premiers signaux d'efficacité. Nous aurions été contraints de limiter la durée de l'étude et le nombre de participants. Cette étude plus vaste et ambitieuse pourrait véritablement métamorphoser la prise en charge de la maladie, tant en termes de sécurité que d'efficacité.

En cas d'absence de signaux d'efficacité, mais avec la confirmation de la sécurité du dispositif, cela constituerait néanmoins une première étape importante pour le développement de nouvelles thérapies. L'un des principaux défis dans le développement de traitements pour les maladies du système nerveux, y compris la SLA, est de permettre aux médicaments d'atteindre leur cible dans le système nerveux.

La plupart des médicaments administrés par voie orale ou par perfusion ont une pénétration limitée dans le système nerveux, ce qui réduit leur efficacité. La réussite de cette étude pourrait ouvrir de nouvelles perspectives de traitement pour la SLA, en offrant la possibilité d'améliorer la délivrance de médicaments dans le système nerveux. Ainsi, ce protocole offre trois perspectives : d'abord, évaluer la sécurité d'utilisation du dispositif, puis identifier d'éventuels premiers signaux d'efficacité en modulant la neuroinflammation, un des mécanismes impliqués dans la mort des motoneurones. Ce protocole posera également les bases pour son association avec d'autres médicaments, améliorant ainsi leur efficacité dans le traitement de la SLA.

Soutenez nos projets en santé

Contribuez à l'avancée de la recherche scientifique dans le domaine de la santé

A lire aussi

Alexandre Carpentier

Chef de service en neurochirurgie et porteur du projet SonoSLA

Nous poursuivons nos recherches avec enthousiasme, espérant offrir de nouvelles perspectives thérapeutiques à ceux qui en ont le plus besoin