Alexandre Carpentier

Chef de service en neurochirurgie et porteur du projet SonoSLA

Nous poursuivons nos recherches avec enthousiasme, espérant offrir de nouvelles perspectives thérapeutiques à ceux qui en ont le plus besoin

Le projet SonoSLA

Le projet SonoSLA, soutenu par le Ministère de la Santé et MSDAvenir, vise à "ouvrir temporairement la barrière sanguine du cerveau pour traiter la maladie de Charcot". Ce programme de recherche représente le premier essai clinique au monde sur des patients atteints de la maladie de Charcot.

Alexandre Carpentier

Après ses études au lycée Louis le Grand, le Professeur Alexandre Carpentier se consacre à la médecine, obtenant sa thèse à Paris VI, suivie d'une thèse de sciences entre Paris VI et Yale University. Ses activités cliniques à l’hôpital Pitié Salpêtrière – AP-HP.Sorbonne Université sont principalement dédiées au traitement des tumeurs cérébrales et de l’épilepsie. Il réalise près de deux cents interventions neurochirurgicales par an au sein de la plus grosse équipe française dont il a la charge depuis 2017. Ses activités de recherches fondamentales et translationnelles se concentrent à l’interface de la physique et de la biologie. Ses recherches incluent des études pionnières en IRM fonctionnelle diagnostique et l’exploration des interactions entre la lumière laser et le tissu cérébral. En 2006, il fonde son propre laboratoire, réalisant les tous premiers traitements Laser au monde de tumeurs cérébrales à crâne fermé. Dès 2010, le Professeur Alexandre Carpentier explore l'utilisation des ultrasons pour ouvrir la barrière hémato-encéphalique, aboutissant à des avancées significatives publiées dans des revues renommées telles que Science Translational Medicine, Clinical Cancer Research et The Lancet Oncology. Il fonde également la start-up universitaire CarThera pour valoriser ses découvertes et les rendre accessibles aux patients du monde entier. Il a été élu Président de la Commission Recherche et Innovation du groupe hospitalier Pitié Salpêtrière en 2011 et siège au board de l'International Society for Therapeutic Ultrasound, tout en participant activement à de nombreux congrès internationaux. Aujourd'hui, il poursuit ses recherches sur les ultrasons appliqués à d'autres pathologies cérébrales, comme la Sclérose Latérale Amyotrophique (SLA), convaincu que l'innovation et la collaboration sont essentielles pour avancer en neurochirurgie.

1) Pourriez-vous nous expliquer en quoi consiste le protocole novateur proposé par le projet de recherche SonoSLA et comment diffère-t-il des approches pharmaceutiques traditionnelles pour traiter la maladie de Charcot/SLA ?

Avec ce protocole, nous explorons une approche novatrice dans le traitement de la SLA : la perméabilisation temporaire des vaisseaux cérébraux par des ultrasons de faible intensité. Les vaisseaux du cerveau jouent un rôle crucial, par leur fonction d’étanchéité, mais ceci limite la pénétration de nos défenses immunitaires et de la plupart des médicaments dans notre cerveau, ce qui pose un défi majeur dans le traitement des maladies neurologiques. Grâce à seulement quatre minutes d'émission ultrasonore, nous parvenons à perméabiliser ces vaisseaux pendant 2 à 3 heures de manière réversible et non toxique.

Cette approche a déjà été testée avec succès sur plus de 100 de nos patients atteints de tumeurs cérébrales, où elle a amélioré la survie en facilitant la pénétration des chimiothérapies. Dans le cas de la maladie de Charcot, nos études préliminaires sur des souris SLA ont montré que cette perméabilisation temporaire des vaisseaux cérébraux entraînait une meilleure survie en permettant l'entrée de lymphocytes régulateurs, réduisant ainsi l'inflammation associée à la maladie. A terme, nous pourrons coupler cette action avec la pénétration jusqu’alors impossible de médicaments.

Nous avons donc entrepris de débuter un essai clinique pour étendre cette approche à la SLA. Nous commencerons par une étude sur 12 patients pour confirmer l'absence de toxicité, puis sur 11 patients supplémentaires pour évaluer l'efficacité sur les symptômes cliniques, la survie et les biomarqueurs de la maladie. Les ultrasons pulsés de faible intensité que nous utilisons n'endommagent pas les tissus et ne les chauffent pas, mais ils ouvrent temporairement la barrière hémato-encéphalique, permettant ainsi l'entrée de notre système immunitaire et de substances thérapeutiques. Cette approche biophysique, associant biologie et ultrasons, représente une avancée potentiellement majeure dans le traitement des maladies neurologiques.

En développant cette méthode, nous avons montré que perméabiliser temporairement la barrière hémato-encéphalique ne présentait pas de risques toxiques, ouvrant ainsi la voie à de nouveaux traitements pour un large éventail de maladies neurologiques. Nous poursuivons nos recherches avec enthousiasme, espérant offrir de nouvelles perspectives thérapeutiques à ceux qui en ont le plus besoin.

2) Quels sont les principaux obstacles thérapeutiques auxquels sont confrontés les patients atteints de la maladie de Charcot/SLA, et pourquoi est-il important de trouver de nouvelles voies thérapeutiques pour cette maladie ?

Les traitements actuels de la SLA sont insuffisants puisque les patients ne vivent en moyenne que 24 à 48 mois après le diagnostic. Ces traitements se concentrent principalement sur la diminution des symptômes plutôt que sur la cause de la maladie, qui reste incertaine et débattue.

Le Riluzole est le seul médicament depuis 1996 dont l’efficacité est reconnue. Son action est une suppléance de neurotransmetteurs, apportant une survie de 2 mois, mais ne possédant pas d’effet thérapeutique sur la cause de la maladie elle-même. D’autres médicaments existent mais leur efficacité reste incertaine.

S’il existe de nombreux médicaments candidats théorique pour traiter la SLA, cette problématique de pénétration des traitements dans le cerveau est très limitante. C’est en effet une propriété bien spécifique des vaisseaux cérébraux que de limiter la pénétration de 99% des médicaments afin de le préserver de toute potentielle toxicité. On parle de barrière hémato-encéphalique (BHE). Effet protecteur, mais barrière infranchissable en cas de besoin d’un traitement ! L’échec des traitements actuels pour nombres de pathologies cérébrales (tumeurs, SLA, Alzheimer…) est en grande partie du a cette BHE.

3) Quels sont les objectifs que vous espérez atteindre au terme de votre projet de recherche sur la maladie de Charcot ?

Nous cherchons d'abord à confirmer que notre technique est non toxique pour les patients fragiles atteints de la maladie de Charcot, en particulier en évaluant la tolérance de la procédure chirurgicale d'implantation de l'émetteur ultrasonore sous anesthésie locale.

Nous espérons observer un signe d'efficacité, que ce soit clinique (survie et la fonction motrice des patients), ou sur les biomarqueurs sanguins. Cela nous permettrait de déterminer le nombre optimal de patients pour une éventuelle phase 3, afin d'obtenir une preuve statistique irréfutable de l'efficacité de notre approche.

En cas d'absence d'efficacité détectée, notre protocole ouvrira néanmoins la possibilité d'envisager une combinaison « ultrasons + médicament » pour potentialiser l'effet du médicament.

4) Si cet essai clinique sur la maladie de Charcot est positif, quelle sera la suite envisagée et que peut-on espérer dans le traitement de cette maladie actuellement incurable ?

Si cet essai est positif alors nous passerons à une phase 3 où les patients seront répartis de manière aléatoire en deux groupes : l'un recevant le traitement avec ultrasons et l'autre non.

Cet essai de phase 3, qui impliquera une grande population de patients, visera à fournir une preuve statistique solide de l'efficacité de notre approche et de son bénéfice pour les patients. Si la phase 3 est concluante à son tour, la technique sera ensuite proposée en pratique courante, avec un suivi régulier.

5) MSDAvenir et le ministère de la Santé (PHRC) apportent leur soutien au projet SonoSLA. Que représente ce soutien pour votre projet ?

C’est une belle marque de confiance. Nous sommes les premiers au monde dans le traitement des tumeurs cérébrales avec ouverture de BHE par ultrasons, avec une preuve de non toxicité et de forts signaux d’efficacité publiés dans d’excellents journaux scientifiques. Il est plaisant de voir qu’un programme aussi disruptif que le nôtre a pu créer l’intérêt des comités de sélection. Nous les remercions vivement pour leur ouverture d’esprit.

Réalisations

• Thèse de médecine à Paris VI, suivie d'une thèse de sciences entre Paris VI et Yale University.

• Mise en lumière du rôle de l'épilepsie dans l'induction de la plasticité cérébrale, grâce à des études pionnières en IRM fonctionnelle diagnostique (NeuroImage 2000, Epilepsia 2001).

• 2006 : Fondation de son propre laboratoire pour son engagement dans la recherche translationnelle. Il y explore les interactions entre la lumière laser et le tissu cérébral (tumeur), innovant avec un contrôle des procédures par l'IRM en temps réel. Cette démarche novatrice lui a permis de réaliser les premiers traitements au monde de tumeurs cérébrales à crâne fermé, en développant une sonde laser dédiée, en partenariat avec l’Université du Texas. Après validation CE et FDA (Neurosurgery 2008), cette technique utilisée en ambulatoire sur patient réveillé est aujourd’hui dans la routine clinique de plus de 50 centres dans le monde.

• 2010 : Lancement d’un programme de recherche ambitieux visant à résoudre un problème persistant : l'étanchéité de la barrière hémato-encéphalique aux médicaments.

• 2011 : Elu président de la Commission Recherche et Innovation du groupe hospitalier Pitié Salpêtrière et siège au board de l'International Society for Therapeutic Ultrasound.

• Chef de service de Neurochirurgie, Hôpital Pitié Salpêtrière – APHP Sorbonne Université.

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