À quoi sont dus les calculs rénaux, et comment les éviter ?
Une douleur violente, insupportable, qui évoque un coup de poignard, et irradie depuis le milieu du dos vers l’aine ou le ventre… La colique néphrétique (ou lithiase rénale, du grec « lithos », pierre) met à l’épreuve même les personnes les plus résistantes
Cette affection résulte de la présence dans les reins de « calculs » (du latin « calculus », « petits cailloux »), qui sont en réalité des cristaux constitués de substances normalement dissoutes dans l’urine. Dans notre pays, 10 % des hommes et 5 % des femmes y seront confrontés au cours de leur vie.
Considérée comme la « maladie de l’ascension professionnelle », car généralement due à un mode de vie et d’alimentation inadaptés, la colique néphrétique est généralement bénigne (au-delà de la souffrance qu’elle engendre…). C’est la raison pour laquelle la survenue d’un calcul est souvent banalisée. À tort, car elle témoigne d’un déséquilibre majeur, qui peut parfois révéler un trouble affectant la totalité de l’organisme.
Pour cette raison, et pour éviter les récidives, il est important d’en identifier correctement les causes.
Un problème de cristallisation
Les calculs se forment dans les voies urinaires à partir de sels solubles : quand la concentration de ces derniers dépasse une valeur appelée « seuil de cristallisation », des cristaux solides commencent à se développer. C’est exactement le même phénomène que l’on observe dans les marais salants, où l’on récupère les cristaux de chlorure de sodium solides après évaporation de l’eau de mer.
Le processus de formation des calculs commence par un phénomène appelé nucléation, puis les cristaux poursuivent leur croissance jusqu’à devenir un calcul détectable, pour peu que persistent les conditions favorables à leur formation (la « lithogenèse »).
C’est la migration du calcul dans l’uretère, le conduit qui amène l’urine depuis le bassinet du rein jusqu’à la vessie, qui va provoquer les violentes douleurs ressenties lors de la colique néphrétique. Le calcul bloque en effet le flux urinaire, entraînant une dilatation, en amont, des voies excrétrices du rein.
On sait que 80 % des calculs rénaux sont de nature calcique, tandis que 10 à 20 % sont des calculs phospho-ammoniaco-magnésiens (ou « struvite »), qui surviennent suite à une infection chronique des voies urinaires par certains germes. Pourquoi ce phénomène se produit-il dans les urines, en particulier en l’absence d’infection ? Tout est une question d’équilibre entre deux forces existant au sein de notre organisme : la force pro-lithogène, qui favorise la cristallisation, et la force anti-lithogène, protectrice, qui s’y oppose.
Soigner son alimentation
Lorsque les reins concentrent les urines, le taux des substances solubles qu’elles contiennent s’élève à un niveau où elles devraient théoriquement cristalliser. Ce n’est habituellement pas le cas, car les urines contiennent des inhibiteurs naturels de la cristallisation. Certains de ces anti-lithogènes sont apportés par l’alimentation, d’autres sont des protéines produites par l’organisme. Mais divers facteurs peuvent favoriser la production de calculs en déplaçant l’équilibre vers la force lithogène.
C’est notamment ce qui se produit lorsque les urines sont trop concentrées, si l’on ne boit pas assez par exemple. Parmi les autres facteurs, on peut mentionner les variations du pH urinaire, autrement dit de l’acidité urinaire. Un pH trop acide (inférieur à 5,5) favorise la transformation de l’urate de sodium, très soluble, en acide urique, beaucoup moins soluble. À l’inverse, un pH trop alcalin (supérieur à 6,5) réduit la solubilité des cristaux de phosphate.
Dans la plupart des cas, le déséquilibre entre force lithogène et force anti-lithogène résulte du mode de vie moderne : on estime que plus de 60 % des calculs rénaux sont dus à un excès de consommation d’aliments contenant des éléments pro-lithogènes. Les aliments riches en protéines animales et en sel sont par exemple deux facteurs très importants dans la formation de calculs, le plus souvent composés d’oxalate.
La formation de calculs d’oxalate peut aussi être favorisée par une consommation excessive de glucides simples (les « sucres rapides », contenus par exemple dans la farine blanche, les gâteaux, les bonbons, les sirops, etc.) et de graisses, présents en quantité dans l’alimentation industrielle.
Consommés en excès, les abats, la charcuterie, les gibiers, les anchois ou les sardines favorisent de leur côté la formation de calcul à base d’acide urique. C’est aussi le cas du fructose retrouvé dans le miel et les fruits, qui peuvent avoir une influence pro-lithogène au-delà de 3 par jour.
En revanche, contrairement à certaines idées reçues, l’excès d’apport en produits laitiers, et surtout de produits laitiers mal répartis sur la journée, est en réalité une cause assez rare de survenue de calculs. De la même façon, la consommation d’aliments riches en oxalate (cacao, chocolat, oseille…) n’est généralement pas seule en cause dans la formation de calculs, sauf en cas d’excès importants. En effet, les oxalates urinaires résultent de la production endogène (fabriquée par notre organisme) et non pas exogène (alimentation). Toutefois, il faut se méfier des gélules de curcuma consommées sur de longues périodes comme compléments alimentaires.
Les effets pro-lithogènes de ces aliments sont encore renforcés lorsque les apports en aliments contenant des éléments anti-lithogènes (légumes, crudités, fibres…) sont faibles. Un défaut d’apport en calcium peut aussi favoriser la survenue de calculs, car celui-ci est impliqué dans la réabsorption des oxalates au niveau du tube digestif.
Au-delà de l’alimentation, certains facteurs liés au mode de vie ou à certaines maladies favorisent également la formation de calculs.
La maladie de l’ascension professionnelle
La survenue de calculs rénaux, dont l’incidence est en croissance partout dans le monde, touche surtout les hommes jeunes, entre 30 et 50 ans.
On considère parfois qu’il s’agit de la « maladie de l’ascension professionnelle », car dans près des deux tiers des cas, cette affection résulte d’une hygiène de vie déséquilibrée. Outre une alimentation inappropriée, le manque d’activité physique, la sédentarité, la prise de poids et le stress augmentent en effet le risque lithogène.
Les autres raisons de la formation de calculs sont multiples. Dans environ 10 % des cas, les calculs résultent de maladies acquises. C’est par exemple le cas de l’hyperparathyroïdie primaire, très fréquente à partir de 50 ans, ou de la sarcoïdose, une maladie inflammatoire qui peut entraîner des désordres du métabolisme du calcium. L’hyperacidité urinaire résultant du diabète de type 2 (diabète non insulino-dépendant) peut, elle aussi, aboutir à la formation de calculs d’acide urique.
Dans environ 10 % des cas, les calculs peuvent résulter d’infections urinaires et intestinales, en particulier celles dues à des bactéries à uréase, une famille d’enzymes capables de transformer l’urée en ammoniaque et de diminuer l’acidité des urines, ce qui provoque la cristallisation des phosphates. Il peut alors s’avérer nécessaire de stériliser les urines avec un traitement antibiotique au long cours.
Les malformations de l’appareil urinaire (ou uropathies congénitales), expliquent elles aussi environ 10 % des calculs. Cette possibilité est en particulier à considérer lorsqu’un calcul urinaire survient toujours du même côté, au même endroit. On parle alors de « lithiase d’organe », par opposition à la « lithiase systémique ».
Les calculs dus à des maladies génétiques, qui surviennent la plupart du temps très tôt dans la vie, parfois même in utero, représentent 5 % des cas. Certaines pathologies digestives peuvent aussi, dans 1 % des cas, entraîner la formation de calculs. C’est le cas de la maladie de Crohn, de la rectocolite hémorragique ou de la malabsorption post-bypass qui, en accroissant l’inflammation et en modifiant la physiologie intestinale entraînent une perte des facteurs anti-lithogènes et de l’hyperabsorption des oxalates au niveau de l’intestin.
Enfin, divers désordres vitaminiques (en particulier les excès d’apport en vitamine C ou D, ou le déficit en vitamine B12) expliquent environ 3 % des calculs rénaux, tandis que la prise de certains médicaments, qui cristallisent parfois dans les voies urinaires, est responsable de 1 % des calculs rénaux environ.
Identifier correctement les causes pour éviter les récidives
Outre la colique néphrétique, la présence de calculs rénaux peut se manifester par d’autres symptômes. C’est par exemple le cas de l’émission, lorsque l’on urine, de « boue urinaire », un amas de microcristaux sans conglomérat. Cette émission peut parfois être douloureuse, provoquant des brûlures lors de la vidange de la vessie, voire des lombalgies fugaces. La présence de sang dans les urines, qui n’est jamais anodine, peut aussi être le signe de calculs, ou accompagner une colique néphrétique.
Il est crucial de comprendre les raisons pour lesquelles les calculs à l’origine de coliques néphrétiques se sont formés, car, dans 10 % des cas, la maladie est récidivante : la moitié des personnes ayant développé une lithiase sont susceptibles d’être victimes d’une récidive dans les 5 ans, en l’absence de diagnostic en établissant la cause.
Sachant que 97 % des lithiases récidivantes ont une origine identifiable et que, dans la majorité des cas, un traitement approprié est susceptible de réduire les récidives, on mesure à quel point il est crucial de se donner la peine de déterminer l’origine précise de la maladie !
Cela peut littéralement changer la vie, comme en témoigne le cas de cette patiente de 38 ans, opérée chaque année pour soulager ses coliques néphrétiques. Grâce à une prise en charge adaptée elle a enfin pu passer une année entière sans intervention chirurgicale, ce qui ne lui était plus arrivé depuis 24 ans…
Pour en savoir plus :
- Le site de l’association Lithiases UriNaires NEtwork ;
- I. Tostivint, P. Jungers (2021) « Calculs rénaux : les aliments à éviter… ou pas ! », Edition Alpen ;
- P. Jungers, O. Traxer, M. Daudon (2012) « La lithiase urinaire » 2e édition, Flammarion Médecine et science.
Cet article a été écrit en partenariat avec la chaîne santé de l’université de Paris, Pour une meilleure santé (PuMS).
Isabelle Tostivint, Néphrologue préventive, groupe de recherche clinique sur les calculs urinaires GRC20, Sorbonne Université
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.