Qui es-tu Christophe Cros ? Une enquête signée Sorbonne Université
Sorbonne Université vous propose une immersion au cœur d’une enquête passionnante, à la croisée des expertises et des disciplines.
Fruit d'une collaboration entre la Bibliothèque de Sorbonne Université et l'Institut des sciences du calcul et des données (ISCD), ce documentaire réalisé par la Direction de la communication de l’université et projeté le 22 novembre dernier dans le cadre d'un ciné-débat, plonge les spectateurs dans le processus de reconstitution du visage d’un soldat napoléonien dont le crâne repose depuis des décennies dans les collections d'anatomie pathologique Dupuytren.
Tout commence avec le crâne d'un soldat napoléonien, officiellement nommé Christophe Cros et décédé en mars 1806 des suites de ses blessures au retour de la bataille d'Austerlitz. Marqué par une baguette de fusil qui transperce son front, son cas fut étudié par Dominique-Jean Larrey, pionnier de la chirurgie de bataille et futur chirurgien en chef de la Grande Armée. Cependant, le visage et l’identité de ce soldat sont demeurés un mystère, jusqu'à ce que le pôle Collections scientifiques et patrimoine de la Bibliothèque de Sorbonne Université, dirigé par Rémi Gaillard, décide de lui redonner vie.
Ce crâne est devenu le point de départ d'une initiative audacieuse. L’équipe de Rémi Gaillard a uni ses forces à celles de l'ISCD pour reconstituer le visage de ce soldat et lever le voile sur sa véritable identité en mobilisant des compétences diverses allant de l'expertise historique à la modélisation 3D en passant par la balistique et l’anthropologie. « C'est un projet majeur car il applique à une pièce historique des méthodes scientifiques pointues », explique Rémi Gaillard.
Une approche pluridisciplinaire
L'ISCD a apporté son expertise à travers une approche scientifique et des techniques innovantes. En utilisant la méthode développée lors de la chaire FaciLe, l'équipe de visualisation de l'institut a réalisé un maillage numérique 3D du visage du soldat.
Ce processus a été complété par un travail artistique méticuleux. L’utilisation du logiciel Mesh to Metahuman d'Epic Games a offert de nouvelles fonctionnalités de rendu photo-réaliste, permettant d’affiner la représentation du visage. « Grâce au travail d'identification réalisé par l'équipe de la BSU, nous avons pu avoir des données historiques retrouvées dans les registres des soldats de l'époque qui mentionnaient sa couleur d'yeux, de cheveux et son âge, informations importantes pour reconstituer le visage du soldat », précise Chloé Guennou, ingénieure en visualisation à l’ISCD.
Parallèlement à cette démarche scientifique, la Bibliothèque de Sorbonne Université a entrepris des recherches historiques pour identifier qui était vraiment Christophe Cros et retracer son parcours grâce à des investigations approfondies dans les archives et les sources iconographiques. Elle a également fait appel à un expert en balistique pour mieux comprendre les circonstances de la mort du jeune homme.
Redonner vie à un soldat oublié
« C'est un projet émouvant car il a permis par le biais de la reconstitution faciale menée par l'ISCD de redonner une identité et un visage à ce crâne », ajoute Eloïse Quétel, conservatrice-restauratrice de restes humains et matériaux organiques, responsable des collections médicales et de la collection Dupuytren.
Tout en incarnant la puissance de la collaboration interdisciplinaire, ce projet s’inscrit dans une démarche éthique de « désanonymisation » des individus et des trajectoires personnelles représentés dans les collections d’anatomie pathologique de Sorbonne Université.
Révéler le passé pour mieux servir l’avenir
Loin d’être une simple rétrospective sur la vie du soldat, le documentaire nous plonge en temps réel dans le processus de découverte, des premières recherches historiques à la modélisation numérique.
Au-delà de l'aspect historique, le film dévoile les implications futures possibles de cette initiative comme en témoignent les invités du débat animé par le journaliste Daniel Fiévet qui a suivi la projection. Durant cet échange très riche, six experts dont Chloé Bertolus, cheffe de service de chirurgie maxillo-faciale à l'hôpital de la Pitié Salpêtrière, et Jacques-Olivier Boudon, professeur d’histoire contemporaine de Sorbonne Université, ont partagé leur point de vue sur ce projet qui a su croiser les savoirs, en explorant les possibilités offertes par la technologie au service des sciences humaines.