JO 2024, le pari de la sobriété
S’appuyant sur des installations existantes ou déjà programmées, les jeux olympiques Paris 2024 n’auront qu’un impact limité sur l’urbanisme de la capitale. Mais ils contribueront à relancer des projets d’infrastructure régionaux, revitaliseront l’immobilier en Seine-Saint-Denis et stimuleront les initiatives en faveur de l’activité physique des citadins. Explications de Patrizia Ingallina, professeure en urbanisme et aménagement, directrice du master d’urbanisme et aménagement à l’UFR de géographie de Sorbonne Université.
Sans réalisation tapageuse, comme le nid d’oiseau à Pékin ou la tour de Montréal, les jeux olympiques et paralympiques Paris 2024 représentent pour autant une occasion de promouvoir l’image de la France sur la scène internationale. « On en attend des retombées économiques et touristiques considérables (11 millions de spectateurs pour les JO et 3 millions pour les jeux paralympiques), mais l’événement est aussi et surtout envisagé comme stimulateur de formations, d’investissements et créateur d’emplois durables », estime Patrizia Ingallina. Son impact économique a ainsi été estimé à plus de 10 milliards d’euros, soit près de dix fois plus que celui de l’Euro 2016, et le nombre d’emplois créés en lien avec les jeux pourrait s’élever à près de 250 000.
Impact parisien a minima
« La majorité des équipements pour les JO ne vont pas bouleverser l’aménagement de la ville de Paris, prévient la spécialiste. L’un des arguments de la candidature parisienne pour les JO 2024 était en effet de s’appuyer sur les installations sportives existantes ou dont la construction était déjà programmée. » L’enveloppe globale a ainsi été estimée à 6,6 milliards d’euros, soit 5 fois moins que le budget des jeux d’hiver de Pékin en 2008, qui avaient couté 31 milliards, et 2,5 fois moins que celui de Rio en 2018 évalué à 16,5 milliards.
« Il y aura certes des impacts, au moment de leur déroulement, sur le système des transports, sur les circulations (à pied, vélo et voiture) et sur les chantiers en cours qui seront momentanément arrêtés, explique-t-elle. Mais en la matière, les jeux ont surtout été l’occasion de relancer le Grand Paris Express1, un projet de transport en commun de 200 km de lignes de métro automatique qui doit relier les banlieues et les zones périphériques. » Celui-ci permettra à terme de désengorger le réseau de transport actuel largement saturé.
Tropisme séquanodyonisien
La Seine-Saint-Denis va concentrer la plupart des activités sportives organisées hors de la capitale et notamment les deux disciplines majeures : athlétisme et natation. Ce département, le plus pauvre de la région avec 18% d’habitants sous le seuil de pauvreté, selon l'Observatoire des inégalités en 2022, reçoit ainsi les projets les plus importants : le centre aquatique et le village des athlètes. Le premier est situé sur « la plaine Saulnier », à proximité du Stade de France, auquel il sera relié par une passerelle. Équipement sportif d’envergure, construit en matériaux biosourcés, employant des techniques bas carbone, il est destiné à accueillir les épreuves et entrainements olympiques et paralympiques. À terme, il sera ouvert au grand public francilien et pourra accueillir des compétitions nationales ou européennes.
Le second, le village des athlètes, s’étend sur les communes de Saint-Denis, Saint-Ouen-Sur-Seine et l’Île-Saint-Denis, et accueillera 14 500 athlètes et leur staff pendant les JO, et 9 000 pendant les jeux paralympiques. Projet mettant en avant des ambitions de sobriété carbone et financière partagées par Paris 2024 et la Solideo (Société de livraison des ouvrages olympiques), il offrira 2 800 logements neufs, pour 6 000 habitants à l’issue de l’événement.
« Tout le département de la Seine-Saint-Denis se prépare à une revitalisation de l’immobilier locatif avec un impact direct sur le marché de l’immobilier autour des sites sportifs », explique la scientifique. Les villes de Saint-Denis, Pantin et Aubervilliers ont ainsi vu leurs prix augmenter dans les cinq dernières années, respectivement de 18,1 %, 30,3 % et 22,1 %. « Même s’il faut rester prudent face à ces évolutions récentes, il est tout à fait normal de penser que l’amélioration globale de la qualité de vie dans ce secteur (offre en transports et espaces verts) va attirer de nouveaux habitants qui pourront payer le prix fort. Une augmentation des loyers est donc à envisager avec un début de gentrification », estime-t-elle.
1 Ce projet a pris beaucoup de retard : le tronçon sur la ligne 16 Saint-Denis-Pleyel – Clichy-Montfermeil n’ouvrira qu’en 2026. La ligne 17, jusqu’à l’aéroport du Bourget, là où sera situé pendant les Jeux le Village des médias, ne sera prête qu’en 2025 ». En revanche, Emilie Defay nous l’assure, « le prolongement de la ligne 14 devrait arriver juste à temps. Au nord la ligne automatique ira jusqu’au Village olympique à Saint-Denis-Pleyel, au sud, jusqu’à l’aéroport d’Orly, ce qui sera bien pratique pour les visiteurs ! » (podcast de Thomas Etcheberry et Emilie Defay).
Favoriser le sport dans la ville
L’organisation des Jeux olympiques donne un certain écho à la politique menée ces dernières années par plusieurs villes pour inciter les citadins à la pratique sportive. « S’appuyant sur les valeurs inclusives et solidaires des JO et des jeux paralympiques, il s’agit de réunir les citoyens autour d’un même projet pour améliorer la qualité de vie de tous, tout en changeant le regard de la société sur les fragilités, les différences et les personnes en situation de handicap », explique la professeure. Concrètement, ces communes, à la tête desquelles se trouve Saint-Denis, développent des aménagements urbains pour favoriser la « marchabilité » et faire de l’activité physique une priorité de santé publique.
Pour orienter l’action des villes et collectivités qui se saisissent du sujet, et parallèlement à la préparation des JO, Paris 2024 lance un guide opérationnel du design actif : un ensemble de principe de création et de planification de l'architecture urbaine pour favoriser l'activité physique.