Témoignage sur le recrutement des maitres de conférences
Pauline Beaupoil-Hourdel est maitresse de conférences en linguistique anglaise à l’INSPE (Institut National supérieur du professorat et de l’éducation) de l’académie de Paris qui dépend de Sorbonne Université. Elle a soutenu sa thèse fin novembre 2015 et a réussi le concours en 2018 dans la section 11 (études anglophones) qu’elle passait pour la seconde fois. Elle a été membre de comités de sélection pour le recrutement des maitres et maîtresses de conférences (MCF) en sections 11 et 23 et a accepté de répondre aux questions des doctorantes et doctorants intéressés par le métier, lors d'une conférence digitale qui s'est déroulée mi-décembre 2021.
Pouvez-vous résumer le déroulement de la campagne pour devenir maitre ou maîtresse de conférences (MCF) ?
Tout d’abord, il faut soutenir sa thèse et ensuite être qualifié ou qualifiée. La qualification est ouverte sur le site Galaxie d’octobre à début janvier en fonction des sections. Vous devez candidater à cette qualification selon les attentes de votre section. Généralement vous devez renvoyer les documents de candidatures aux relecteurs et relectrices qui vous sont assignées. Vous les connaitrez en janvier - février. Une fois que vous êtes qualifié ou qualifiée, vous pouvez ensuite candidater à des postes de MCF. La qualification est valable 4 ans. La campagne commence fin février - début mars. Sur le site Galaxie et sur les sites web des établissements d'enseignement supérieur et de recherche, vous pouvez consulter les fiches de poste qui précisent le profil souhaité au niveau de l’enseignement et de la recherche avec la mention du ou des laboratoires auxquels vous pourriez être rattaché ou rattachée. Il faut aller voir les différents laboratoires et vous demander comment vous pourriez vous insérer dans les axes de recherche de ses laboratoires, ce que vous apportez de nouveau. Vous faites votre dossier et vous attendez la réponse des universités. Si vous n’êtes pas retenu ou retenue, vous le savez dès que les documents des relecteurs et relectrices sont mis en ligne. En cas de succès, la date des auditions vous sera communiquée quelques semaines plus tard. Les auditions ont souvent lieu en mai (fin avril-début juin). La composition des comités de sélection est publique. Les candidates et candidats ont la possibilité de la consulter pour se préparer à l’audition.
Les auditions sont à préparer soigneusement. Lors de ma deuxième tentative, je savais qu’il y avait un poste dans ma structure. J’ai essayé de me renseigner sur les besoins et j’ai retravaillé tous les supports que j’avais utilisés lors de ma première campagne. Quand nous passons une audition, nous avons des retours sur la prestation faite et sur notre dossier. Nous pouvons ainsi nous améliorer pour être plus performant ou performante et avoir plus de chance pour être recruté ou recrutée, la fois suivante.
Les postes sont-ils systématiquement affichés sur Galaxie ?
Je pense que tous les postes de MCF sont publiés sur Galaxie, ce qui n’est pas toujours le cas des postes d’'attachés temporaires d'enseignement et de recherche (ATER). Pour les postes d’ATER, il faut faire de la veille de publication de postes. La première année où j’ai fait cette campagne, avec six ou sept doctorantes, nous nous sommes retrouvées en groupe et répartis le travail. Pendant un mois, tous les deux jours, chacune regardait s’il y avait des publications sur les sites des universités. Chacune avait de 5 à 6 universités à vérifier. Nous publiions sur un blog tous les postes quelle que soit la section. Dès que nous voyions une publication de poste, nous la mettions en ligne. Au final, le blog a été suivi nationalement. C’est quelque chose que vous pouvez aussi mettre en place.
Quelle est la différence entre un dossier retenu et un dossier rejeté ?
Tout d’abord, pensez à répondre aux attentes du profil, au moins partiellement. Montrez que vous avez quelque chose à apporter. Cela ne sert à rien d’envoyer votre dossier si vous n’êtes pas dans le profil. Le comité de sélection reçoit énormément de dossiers. Cela peut être mal vu de candidater à tous les postes. La deuxième chose est l’organisation du dossier. Le dossier doit être bien structuré. Un dossier bien structuré est un dossier dans lequel les relecteurs et relectrices qui vont évaluer votre dossier (normalement deux) peuvent trouver les informations rapidement. Cela veut dire : comprendre votre parcours en un coup d’œil, si vous avez une expérience d’enseignement, quelle est votre recherche. Ils doivent aussi juger de votre productivité scientifique. Vous pouvez faire un tableau qui reprend le nombre, le type de communication (nationale internationale), les publications. Présenter un dossier alors qu’il y a beaucoup de candidatures, c’est comme si vous faisiez un syllabus pour vos élèves, il faut que ce soit vite compréhensible et bien organisé. Organisez le propos de façon à ce que les relecteurs ou relectrices se disent « cela nous intéresse ». Quand vous dites que vous avez enseigné, expliquez quelle a été votre part du travail. Proposez un descriptif de vos enseignements, pensez à préciser si vous avez conçu le matériel du cours, si vous étiez dans le cadre d’une équipe, quel était le niveau (L1, L2, L3, M1, M2), les modalités d’évaluation, les effectifs, le volume horaire. N’hésitez pas à faire des dossiers différents en fonction des postes. Vous êtes sélectionné ou sélectionnée sur un dossier mais ce qui fait la différence c’est l’audition. Une fois que vous avez passé la sélection sur dossier, il faut vraiment préparer son oral. Vous pouvez avoir un excellent dossier, si l’oral n’est pas satisfaisant, vous ne serez pas recruté ou recrutée.
Comment se passe les présentations orales ?
Cela dépend des sections et même des comités. N’hésitez pas à contacter le président ou la présidente du comité de sélection pour connaitre les modalités de présentation : diaporama, possibilité de projeter, distribution de papier. Certains comités vont vous le préciser directement dans le mail d’acceptation ou l’invitation à participer à l’audition. Les temps de présentation et de discussion ne sont pas figés non plus. Ils peuvent varier de 5 à 25 minutes de présentation et de 10 à 40 minutes de discussion. Il faut s’adapter aux demandes des comités. Au niveau du contenu de la présentation orale, reprenez les grandes lignes du CV sans tout redire. Montrez les points de contact entre votre parcours et la fiche de poste, ce que vous pouvez apporter, comment vous pouvez être une personne pertinente pour ce poste. Prouvez que vous serez opérationnel ou opérationnelle dès septembre alors que les auditions ont lieu en mai. Montrez que vous avez des perspectives. Regardez en amont les maquettes d’enseignement et les axes de recherche des laboratoires.
Les postes de maître ou maitresse de conférence sont-ils réservés aux docteures ou docteurs qui ont été contractuels ?
Dans ma section, l’accession aux postes de MCF n’est pas réservée aux contractuelles ou contractuels. En fonction des sections, il y a des prérequis dans les CV qu’il faut prendre en considération pour voir comment vous pourriez pallier un manque éventuel pour réussir la sélection sur dossier. Une fois, que vous êtes auditionné ou auditionnée, vous avez toutes les cartes en mains. Un exemple : je suis certifiée mais pas agrégée. J’ai entendu pendant tout mon doctorat, « si tu n’es pas agrégée, tu n’auras jamais de poste à Paris ». L’agrégation est un gage de qualité de maitrise de l’anglais. Ma directrice de thèse m’a demandé de montrer que je savais manier l’anglais. Je suis allée faire un stage de recherche dans un pays anglophone, j’ai beaucoup publié et communiqué en anglais. Au final, mon dossier a été retenu sur quasiment tous les postes auxquels j’ai postulé. Il ne faut pas vous censurer. Essayez d’identifier les attentes de la section à laquelle vous appartenez pour avoir des éléments de réponses et mettre votre profil en avant.
Un docteur ou une docteure venue de l’étranger, en cotutelle, peut-elle accéder à un poste de maître ou maîtresse de conférence en France ?
Si votre dossier est solide et correspond à la fiche de poste, vous serez auditionné ou auditionnée. En revanche, le comité ne doit avoir aucun doute sur votre compréhension du système universitaire académique français. Proposez des équivalences de statut qui soient cohérentes : renseignez-vous sur les différents statuts (lecteur ou lectrice, maître ou maîtresse de langue, ATER, vacataire, PRAG, PRCE, PREC…). Généralement nous regardons si vous maîtrisez le français, votre CV doit être irréprochable dans la forme au niveau de la syntaxe du français, comme pour les francophones, français et françaises d’ailleurs. Une fois retenu ou retenue à l’audition, venez avec toutes vos qualités. Faites attention à ne pas faire de fautes de français et montrez que vous êtes une personne aussi valable qu’un francophone. Ces conseils sont aussi pertinents pour les candidates et candidats français. Dans ma section, nous recrutons souvent des personnes non francophones.
Lorsque le docteur ou la docteure a un âge plus avancé que la moyenne, est-ce un frein ?
Présentez votre parcours en mettant en avant les éléments qui pourront intéresser un comité. J’ai une collègue qui a soutenu en même temps que moi et a été recrutée à l’Université Paris Nanterre la même année que moi. Elle a 20 ans de plus que moi, elle a été hôtesse de l’air, travaillé dans le privé puis a été enseignante dans le secondaire. Son parcours a joué en sa faveur au moment du recrutement parce que le poste sur lequel elle a postulé avait des responsabilités administratives assez lourdes, demandant de savoir gérer une équipe enseignante, de recruter des gens, d’organiser des enseignements inter-départements… Elle a mis en avant ses qualités de gestion d’équipe développées lorsqu’elle travaillait dans le privé. Montrez quelles sont vos qualités !
Comment gérer l’échec ?
Les échecs font partie du métier de chercheur ou chercheuse. Ce n’est jamais facile d’essuyer un échec car il y a de l’investissement et parce que dans le contexte des campagnes de recrutement, nous essuyons plus de rejets que de victoires… Il faut prendre du recul. Faites la part de ce qui est de l’ordre de ce que vous pourriez améliorer et ce qui est de l’ordre extérieur, sur lequel vous n’avez pas de prise. Par exemple, si vous candidatez sur un poste où il y a quelqu’un pressenti, votre prestation, même meilleure, n’aurait peut-être pas aboutie à un recrutement. Ce qui m’a aidé, ce sont les retours des comités sur mes prestations. Je les ai notés et je les ai utilisés lors la deuxième campagne. J’ai vu ce qui était constructif et comment améliorer les choses. Par ailleurs, je ne travaillais pas seule dans tout ce processus. J’ai fait des auditions blanches avec des collègues du laboratoire, enseignants, amis docteurs. Je leur demandais de poser les questions les plus difficiles ou qui pouvaient facilement m’être adressées comme « pouvez-vous résumer les apports scientifiques de votre thèse en une phrase ? ». Ces personnes qui vous accompagnent pour le dossier et les auditions blanches sont là le jour où vous n’avez pas le poste. L’important est d’être bien entouré ou entourée par des collègues et par des proches qui ne sont pas nécessairement universitaires.
Les post-doc sont-ils valorisés dans les campagnes de recrutement ?
Le post-doc n’est pas une condition sine qua non dans les sections que je connais bien : la 11 (étude anglophone), la 7 (sciences du langage), ni en géographie me semble-t-il. Cela dépend vraiment de la section. Renseignez-vous auprès de votre directeur ou votre directrice de thèse pour connaître le profil des gens qui candidatent aux postes de MCF. Montrez que le post-doc a débouché sur des livrables. Le post-doc est là pour entrer dans le processus de publication, dans le travail de recherche.
Comment s’organise le temps de travail entre recherche et enseignement ?
Dans le statut de MCF, vous avez une mission de 192 heures d’enseignement – équivalent TD. Vous avez un mi-temps d’enseignement pour un mi-temps de recherche. Dans les faits, l’université a souvent plus de cours à pourvoir que de forces en interne. Vous pouvez être amené ou amenée à faire des heures complémentaires. Par ailleurs, en tant que titulaire, vous aurez peut-être des tâches administratives : gérer un cours, un parcours, recruter des collègues et vous pourrez avoir une décharge (des heures en moins sur votre mission d’enseignement). Il faut comprendre que lorsque vous montez en charge au niveau des enseignements et/ou des responsabilités administratives, cela prend nécessairement soit sur le temps de recherche, soit sur la vie privée, soit sur la santé… Le tout est de trouver un équilibre acceptable.
Pour en savoir plus sur Pauline Beaupoil-Hourdel
Ce témoignage a été recueilli au cours d'une conférence carrière digital mi décembre 2021. Merci aux doctorantes et doctorants présents d'avoir posé les questions qui les préoccupaient sur le sujet.