Vers des formes de zooplancton plus diversifiées dans une Méditerranée en changement
Il est communément admis que les zones pauvres en ressources nutritives sont les plus riches en biodiversité. Grâce à une analyse biologique novatrice, basée sur l’étude de plus de 800 000 images d’organismes planctoniques, une équipe de recherche de l’Institut de la Mer de Villefranche (Sorbonne Université/CNRS) montre que c’est également le cas au cours du temps, au sein d’une mer Méditerranée qui s'appauvrit en nutriments. Leur article a été publié dans la revue Proceedings of the Royal Society B le 29 novembre 2023.
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Jean-Olivier Irisson, maître de conférences à Sorbonne Université
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06 21 05 19 90
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Sakina-Dorothée Ayata, maîtresse de conférences à Sorbonne Université
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06 17 90 30 17
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Marion Valzy, service de presse de Sorbonne Université
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Claire de Thoisy-Méchin, service de presse de Sorbonne Université
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La biodiversité est un enjeu majeur de la recherche scientifique et des politiques publiques actuelles.
Elle influence directement le fonctionnement des écosystèmes, les services qu’ils rendent aux populations humaines et leur réaction aux forçages climatiques. Cette diversité biologique est souvent réduite à un dénombrement d’espèces – on parle alors de diversité taxinomique – mais le terme couvre en réalité bien d’autres aspects, comme la divergence évolutive entre espèces (appelée diversité phylogénétique) ou la diversité de leurs fonctions dans l’écosystème (producteur de matière, prédateur, etc. ; appelée diversité fonctionnelle).
Le zooplancton, c'est-à-dire les animaux dérivant au gré des courants, regroupe des organismes aux formes très diverses : il s’agit de petits crustacés, de méduses et autres organismes gélatineux, ou encore des larves de poissons. Leur morphologie est en partie déterminée par leurs rôles respectifs dans l’écosystème (leur « fonction »). Décrire leur diversité morphologique revient donc à décrire une nouvelle facette de la biodiversité, capturant à la fois les variations entre espèces et leurs fonctions.
Dans une étude publiée dans la revue Proceedings of the Royal Society B, des chercheuses et chercheurs de l’Institut de la Mer de Villefranche (Sorbonne Université/CNRS) ont analysé plus de 800 000 images d’organismes planctoniques afin de décrire leur diversité morphologique. Ces images ont été prises avec un scanner à plancton, à partir d’échantillons prélevés chaque semaine sur un même site en Méditerranée, au large de l’Institut de la Mer de Villefranche, pendant douze ans. Leur analyse souligne que le plancton est plus diversifié morphologiquement durant les saisons les plus pauvres en ressources nutritives, l’été par exemple. Si ce lien entre diversité morphologique et oligotrophie – c’est-à-dire faible teneur en nutriments – était déjà connu entre différents endroits du globe, il est retrouvé ici, sur un même site, au cours du temps. De plus, son apparition en quelques semaines seulement démontre qu’il est associé à des mécanismes écologiques rapides.
Sur le long terme, la Méditerranée se réchauffe et s’appauvrit en divers éléments nutritifs. La concentration de zooplancton baisse, mais sa diversité varie encore une fois en sens inverse : elle augmente. Ce processus est plus facilement détectable dans la diversité morphologique que dans la diversité taxonomique. Bien que la période de douze ans soit trop courte pour associer ces variations au changement climatique global, elles correspondent néanmoins aux tendances prédites pour le futur par les modèles climatiques.
En plus de vérifier des attendus d’écologie théorique sur le terrain, pour la première fois de façon saisonnière et à long terme, cette étude propose une approche novatrice qui pourrait être appliquée aux nombreuses images de mammifères sauvages, de plantes ou de leurs fleurs prises de façon systématiques dans d’autres contextes écologiques.
Références :
Morphological diversity increases with decreasing resources along a zooplankton time series, Miriam Beck, Caroline Cailleton, Lionel Guidi, Corinne Desnos, Laetitia Jalabert, Amanda Elineau, Lars Stemman, Sakina-Dorothée Ayata and Jean-Olivier Irisson, Proceedings of the Royal Society B, 29 November 2023
DOI : https://doi.org/10.1098/rspb.2023.2109