Saturne bascule à cause de ses satellites
Deux scientifiques du CNRS et de Sorbonne Université à l’Institut de mécanique céleste et de calcul des éphémérides (Observatoire de Paris – PSL/CNRS) viennent de montrer que l’influence des satellites de Saturne permet d’expliquer l’inclinaison de l’axe de rotation de cette géante gazeuse. Leurs travaux publiés le 18 janvier 2021 dans la revue Nature Astronomy prédisent par ailleurs que cette inclinaison doit encore augmenter dans les prochains milliards d'années.
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Gwenaël Boué - enseignant-chercheur Sorbonne Université
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Melaine Saillenfest - chercheur CNRS
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François Maginiot , service presse CNRS
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01 44 96 43 09
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Marion Valzy, service presse Sorbonne Université
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01 44 27 37 13
Un peu à la manière de David contre le géant Goliath, les satellites de Saturne seraient responsables de la bascule de la planète géante. En effet, de récents travaux menés par des scientifiques du CNRS, de Sorbonne Université et de l’Université de Pise montrent que l’inclinaison actuelle de l’axe de rotation de Saturne est le résultat de la migration de ses satellites, et plus particulièrement du plus grand d’entre eux, Titan.
De récentes observations ont permis d’attester que Titan et les autres satellites s’éloignent petit à petit de Saturne beaucoup plus rapidement que ce que les astronomes estimaient jusqu’alors. En intégrant cette vitesse de migration revue à la hausse dans leurs calculs, les chercheurs ont conclu que ce phénomène agit sur l’inclinaison de l’axe de Saturne : à mesure que ses satellites s’éloignent, la planète s’incline de plus en plus.
L’événement déterminant dans la bascule de Saturne aurait eu lieu relativement récemment. Durant plus de trois milliards d’années après sa formation, Saturne a conservé un axe de rotation faiblement incliné. Ce n’est qu’il y a environ un milliard d’années que la lente action de ses satellites aurait provoqué un phénomène de résonance qui perdure aujourd’hui : en interagissant avec la course de la planète Neptune, l’axe de Saturne a débuté sa longue bascule jusqu’à l’inclinaison de 27° observée aujourd’hui.
Ces résultats remettent en question le scénario établi jusqu’alors. Les astronomes s’accordaient déjà sur l’existence de cette résonance mais ils pensaient qu’elle s’était produite très tôt, il y a plus de quatre milliards d’années, en raison d’une modification dans l’orbite de Neptune. Depuis lors, on pensait l’axe de Saturne stabilisé. En réalité, l’axe de Saturne bascule toujours, et nous n’observons aujourd'hui qu'une étape transitoire de cette évolution. Dans les prochains milliards d'année, l'inclinaison de l'axe de Saturne pourrait plus que doubler.
L’équipe de recherche était déjà arrivée à des conclusions similaires au sujet de la planète Jupiter. Celle-ci devrait connaître un basculement analogue en raison de la migration de ses quatre satellites principaux et d’une résonance avec l’orbite d’Uranus : dans les cinq prochains milliards d’années, l'inclinaison de l’axe de Jupiter pourrait alors passer de 3° à plus de 30°.
Pour aller plus loin :
>>ANIMATION
Animation schématique montrant la migration de Titan et l’entrée de Saturne en résonance. Le repère est tournant, de sorte que l’axe s’immobilise lors de l’entrée en résonance.
© Melaine SAILLENFEST / IMCCE
Référence :
The large obliquity of Saturn explained by the fast migration of Titan. Melaine Saillenfest, Giacomo Lari et Gwenaël Boué, Nature Astronomy, le 18 janvier 2021
https://www.nature.com/articles/s41550-020-01284-x