Mieux comprendre l’océan face au changement climatique : 21 millions d’euros pour renforcer le réseau d’observation Argo France
Observer, comprendre et prévoir le rôle de l’océan sur le climat de la planète. C’est tout l’enjeu du programme international Argo, le premier réseau global d’observation in situ des océans.
Pour soutenir et développer la contribution française Argo France, 21 millions d’euros seront investis sur 8 ans à travers trois nouveaux projets portés par l’Ifremer, Sorbonne Université, le CNRS, le Shom et l’Université de Bretagne Occidentale. À la clé : l’achat de 80 flotteurs par an, le développement de nouveaux capteurs qui enrichiront l’éventail de données recueillies et des flotteurs capables de plonger jusqu’à 6 000 mètres.
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Marion Valzy, service de presse de Sorbonne Université
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Julie Danet, service presse de l'Ifremer
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Depuis le début des années 2000, le lancement du programme international Argo a permis de faire un pas de géant dans la connaissance de l’océan. L’observation en temps réel est désormais réalisée par des flotteurs Argo déployés in situ aux quatre coins des mers du monde. Le principe : largués depuis des navires, ces instruments sous-marins autonomes dérivent pendant 6 ans au gré des courants et prennent le « pouls » de l’océan à différentes profondeurs, en surface et dans la colonne d’eau. Les données recueillies sont ensuite transmises via satellite à la communauté scientifique.
4 000 flotteurs surveillent déjà les océans du monde
On compte aujourd’hui 4 000 flotteurs Argo actifs, qui suivent les liens étroits entre océan et climat. Selon leur modèle, les flotteurs mesurent soit uniquement la température et la salinité des deux premiers kilomètres de l’océan (flotteurs “standards”), soit également l’acidité (le pH), la quantité d’oxygène dans l’eau, la chlorophylle, la lumière ou le nitrate (flotteurs biogéochimiques, dits “BGC”). Les flotteurs dits “profonds” sont, quant à eux, capables de mesurer la température, la salinité et la quantité d’oxygène jusqu’à 4 km voire 6 km de profondeur.
ONEARGO : une nouvelle phase à l’appareillage à travers 3 projets
Aujourd’hui, le programme international Argo entre dans une nouvelle phase, appelée OneArgo, pour répondre à de nouveaux enjeux scientifiques sur le rôle de l’océan profond sur le climat, la désoxygénation et l’acidification des océans, ou encore le cycle du carbone. Pour atteindre ces objectifs, OneArgo a pour ambition de densifier le réseau et de maintenir 4 700 flotteurs (2 700 standards, 1 200 profonds et 1 000 BGC) en opération dans l’ensemble des océans, ce qui nécessite un déploiement de 800 nouveaux flotteurs par an. Argo France y contribuera à travers :
• Le projet ObsOcean du Contrat de plan Etat-Région (CPER) Bretagne (2021-2027) ;
• Le projet Piano du plan d’investissement exceptionnel de l’Ifremer (2021-2025) ;
• L’Equipex+ Argo 2030 géré par l’Agence nationale pour la recherche - ANR (2021-2029).
Ces trois projets vont permettre l’achat de flotteurs - classiques, BGC et profonds - pour étoffer le réseau Argo. Ils vont également contribuer à développer et tester des flotteurs plus perfectionnés avec une fiabilité et une durabilité améliorées. Au total, ce sont environ 80 flotteurs par an qui devraient être mis à l’eau à l’initiative d’Argo France durant la prochaine décennie, soit 10 % des efforts internationaux et de l’ordre de 30 % des efforts visés par l’Europe via l’Euro-Argo ERIC.
Des données en direct de la twilight zone* et des abysses
« Les nouveaux flotteurs profonds Deep Arvor capables de recueillir des données jusqu’à 6 000 mètres vont nous aider à quantifier et comprendre comment l’excès de chaleur absorbé par l’océan dû au réchauffement climatique se répartit dans les couches profondes au-delà de 2 000 voire 4 000 mètres de profondeur, explique Virginie Thierry, océanographe physicienne à l’Ifremer. Nous pourrons ainsi évaluer l’impact de la dilatation de l’océan profond en réponse à ce réchauffement sur l’élévation du niveau de la mer ».
« La mise au point de ces flotteurs profonds exige des améliorations technologiques majeures notamment en termes de résistance à la pression, qui est 600 fois plus forte à 6 000 m de profondeur qu’à la surface, précise Xavier André, ingénieur en instrumentation marine à l’Ifremer. Et nous devons également développer de nouveaux capteurs acoustiques et d’imagerie dédiés à la recherche écologique marine ».
« Ces nouveaux capteurs nous permettront de mieux mesurer la quantité de zooplancton et de petits poissons présents dans la Twilight Zone*, avance Fabrizio D’Ortenzio, directeur de recherche CNRS au laboratoire d'océanographie de Villefranche - LOV (CNRS-Sorbonne Université). Encore méconnue, cette zone joue pourtant un rôle fondamental aussi bien dans la chaîne alimentaire marine que comme pompe à carbone de l’océan, enjeu crucial pour la régulation du climat ».
Ces avancées technologiques ouvriront le champ d’application d’Argo à l’écologie marine et jusque dans les couches profondes de l’océan.
* La twilight zone est la zone dite crépusculaire de la colonne d’eau située entre 100 et 1 000 m de profondeur.