Comment la chirurgie bariatrique restaure la sécrétion d’insuline : une découverte importante pour le traitement du diabète de type 2
La chirurgie bariatrique est un traitement efficace de l’obésité sévère mais améliore également les co-morbidités associées dont le diabète de type 2 (DT2). Certaines techniques de chirurgie ont la capacité de normaliser en quelques jours la glycémie de patients sévèrement diabétiques indépendamment de la perte pondérale. Cet effet aigu de la chirurgie est expliqué par une restauration de la sécrétion d’insuline déficitaire avant l’opération chez ces patients. Les mécanismes sous-jacents sont mal connus. Une signature moléculaire de cette réparation est néanmoins observée après une chirurgie bariatrique à la fois dans le sang circulant d’un modèle murin diabétique mais également chez les patients DT2 opérés dont la glycémie s’est normalisée. Telles sont les conclusions de l’étude dirigée par le Pr Fabrizio Andreelli (Sorbonne Université/Inserm/ hôpital Pitié-Salpêtrière AP-HP) publiée dans EBioMedicine le 30 juillet 2020 et correspondant aux travaux de thèse du Dr Chloé Amouyal.
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Fabrizio Andreelli (UMRS 1269 Nutriomics Sorbonne Université)
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Chloé Amouyal (UMRS 1269 Nutriomics Sorbonne Université)
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Marion Valzy, service presse Sorbonne Université
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01 44 27 37 12
Le diabète de type 2 (DT2) est une pathologie de plus en plus fréquente et dont la prise en charge est complexe. Cette pathologie, dont le développement est parallèle à celui de l’obésité, comporte essentiellement une réduction de la sécrétion d’insuline endogène qui reste difficile à améliorer. Ainsi, malgré un panel assez large de thérapeutiques hypoglycémiantes (capables de diminuer la glycémie), de nombreux patients restent déséquilibrés. Trouver de nouveaux traitements pour améliorer l’équilibre du diabète au long cours et en particulier la sécrétion d’insuline est un objectif important en diabétologie.
Dès les années 1990, il a été prouvé qu’un type de chirurgie bariatrique, le bypass gastrique selon la méthode du Roux-en-Y ou RYGBP (technique qui exclut la majeure partie de l’estomac, le duodénum et le jéjunum proximal du circuit alimentaire) pouvait en quelques jours, avant toute perte de poids significative, améliorer voire faire disparaître le DT2. Cet effet aigu du RYGBP sur la glycémie n’est pas retrouvé dans les techniques sans changement anatomique de l’intestin (comme l’anneau gastrique), ce qui suggère que le montage chirurgical effectué durant le RYGBP a des effets spécifiques sur la sécrétion d’insuline indépendamment d’une perte de poids.
Pour comprendre comment la sécrétion d’insuline était restaurée par la chirurgie bariatrique, les chercheurs ont analysé l’évolution de la glycémie et de la sécrétion d’insuline dans un modèle murin adapté.
De façon aussi intéressante que surprenante, l’équipe a découvert que dans ce modèle, le diabète disparaissait en post-opératoire malgré la persistance de l’obésité grâce à une hausse de la quantité d’insuline dans les îlots pancréatiques (cellules du pancréas qui produisent l’insuline) et une amélioration significative de la sécrétion d’insuline. Ces résultats montraient ainsi in vivo et in vitro une amélioration de la fonctionnalité des îlots pancréatiques.
Les auteurs ont identifié des pistes mécanistiques pour expliquer cette restauration de la sécrétion d’insuline en analysant l’expression des gènes dans les îlots pancréatiques. Ils ont ainsi montré qu’environ 193 gènes importants pour la régulation de la sécrétion d’insuline avaient une expression normalisée après la guérison du diabète.
Corriger l’expression des gènes par la chirurgie
De nombreux facteurs peuvent réguler l’expression des gènes et parmi ceux-ci des petites molécules appelées microARNS non codants (mIRs). Chaque type cellulaire (mais également le sang circulant) contient des centaines de mIRs qui interagissent en permanence avec les gènes et modulent leur expression selon les besoins de l’organisme. Une analyse des 400 mIRs détectables dans les îlots pancréatiques a permis de montrer que 27 d’entre eux étaient régulés différemment par la chirurgie bariatrique et que 4 d’entre eux étaient fort probablement des régulateurs principaux de l’expression d’une grande partie des 193 gènes.
Il était alors important d’examiner si de tels mécanismes étaient mis en jeu chez l’homme. C’est pourquoi l’équipe a déterminé, dans le sang circulant des patients ayant un diabète résolu après bypass gastrique, les 4 mIRs fondamentaux identifiés comme centraux dans la régulation des gènes des îlots pancréatiques.
Les résultats de cette étude permettent de conclure que la chirurgie bariatrique peut rétablir la sécrétion d’insuline, indépendamment de toute perte de poids, en restaurant des fonctions clés impliquées dans la sécrétion d’insuline grâce à 4 mIRs fondamentaux identifiés également chez l’homme. Cette signature traduit probablement des mécanismes de réparation des cellules β pancréatiques localisées dans les ilôts sans doute similaires dans ces deux espèces.
Les travaux continuent actuellement dans le cadre d’un projet soutenu par l’Agence nationale de la recherche (ANR-Bari mice) pour comprendre quels signaux issus de l’intestin opéré sont capables d’agir sur ces facteurs de régulation (mIRs) exprimés dans les cellules β pancréatiques. L’enjeu clinique futur est ainsi de pouvoir mimer les effets bénéfiques de la chirurgie bariatrique sur la sécrétion d’insuline par l’administration de composés issus de l’intestin.
Référence:
A surrogate of Roux-en-Y gastric bypass (the enterogastro anastomosis surgery) regulates multiple beta-cell pathways during resolution of diabetes in ob/ob mice. Chloé Amouyal, Julien Castel, Claudiane Guay, Amélie Lacombe, Jessica Denom, Stéphanie Migrenne-Li, Christine Rouault, Florian Marquet, Eleni Georgiadou, Theodoros Stylianides, Serge Luquet, Hervé Le Stunff, Raphael Scharfmann, Karine Clément, Guy A. Rutter, Olivier Taboureau, Christophe Magnan, Romano Regazzi, Fabrizio Andreelli. EbioMedicine 2020 Jul 30;58:102895.
DOI : 10.1016/j.ebiom.2020.102895