Zohra Kehli
Escrimeuse de haut-niveau et étudiante en Histoire
L’escrime est un sport de rapidité. Il faut savoir faire les bons choix et surtout ne pas douter.
Sacrée championne d’Afrique de sabre dame en 2022, Zohra Nora Kehli a choisi d’étudier l’Histoire avec pour objectif de poursuivre sa carrière dans les relations internationales. À 22 ans, l’escrimeuse franco-algérienne qui mène de front le sport de haut niveau, ses études et un mandat politique, avance, sabre au clair, vers les prochains Jeux Olympiques de Paris.
Comment est née votre passion pour votre sport ?
Alors que je voulais faire de la lutte, j’ai découvert, à quatre ans, l’escrime lors d’une journée d’initiation à Montreuil. Depuis, je n’ai jamais voulu arrêter. J’ai commencé par le fleuret, l'arme que l’on donne à tous les débutants. Puis j’ai intégré le Cercle d'escrime de Vincennes où j’ai commencé à sept ans mes premières compétitions, entraînée par Guillaume Galvez, maître d’armes qui enseigne également à Sorbonne Université. J’ai alors choisi le sabre, une arme moins connue que le fleuret, mais qui exige une plus grande rapidité et agressivité.
Vous êtes actuellement en troisième année de licence d’histoire. Quel est votre projet professionnel ?
Après mon baccalauréat S, j’ai choisi de faire une licence d’Histoire. C’est une discipline qui me semble essentielle pour avoir un socle de connaissances solide sur notre passé. Et c’est d’autant plus important pour moi qui souhaite poursuivre mes études en master de sciences politiques ou relations internationales.
Comment conciliez-vous vos études et le sport de haut niveau ?
Je consacre la majeure partie de mon temps à l’escrime. Après une période passée au Racing Club de Paris, j’ai rejoint en 2020 l'Académie Christian Bauer à Orléans qui rassemble les top 20 mondiaux, coachés par le meilleur maître d’armes international. Je m’entraîne de 9 heures à 15h, cinq jour sur sept, sans compter les compétition le week-end.
Toutes les compétences acquises avec le sport de haut niveau m’aident aujourd’hui dans mes études. Je révise deux ou trois heures tous les jours, ainsi que le week-end quand je n’ai pas de compétition, les cours que me transmettent les autres étudiants. C’est un équilibre à trouver. L’organisation est essentielle.
Comment Sorbonne Université vous accompagne dans ce double projet ?
Le dispositif sportif de haut niveau me permet d'avoir un suivi sur le plan universitaire et sportif. Je suis dispensée d'assiduité pour les cours. Mon statut administratif permet de sensibiliser plus facilement l’équipe enseignante à ma situation et d’être appuyée par un référent sportif dans l’université. Par ailleurs, je bénéficie du programme de bourse Passeport pour les JO soutenu par Crédit Agricole d'Ile-de-France Mécénat et la Fondation Sorbonne Université qui m'apporte une aide financière dans mon projet.
Que représentent les JO de Paris pour vous ?
C'est une revanche à domicile car j’ai été positive à la Covid-19 la veille des JO de Tokyo. Même si pour l'escrime, les JO sont une compétition plus facile que les coupes du monde et les grands prix qui jalonnent l’année, ça reste les Jeux olympiques ! Le stress est décuplé.
Quand on arrive à un certain stade, on veut tous la médaille. Je ne sais pas de quelle couleur sera la mienne, mais j'espère en décrocher une ! Après, l’idée ce n’est pas de regarder le podium, mais de se concentrer match après match pour réussir à gagner.
Comment vous y préparez-vous ?
Nous avons déjà commencé à intensifier les entraînements, mais à partir de septembre prochain nous allons mettre les bouchées doubles, surtout par rapport au mental. Quand j’ai préparé les jeux de Tokyo, j’ai vu que notre comportement pouvait changer : on est plus agressif, plus anxieux. La préparation mentale est très importante. L’escrime est un sport de rapidité. Il faut savoir faire les bons choix et surtout ne pas douter. Le mental est décisif dans un match.
Avez-vous un rituel avant chaque compétition ?
C'est une routine avant chaque entraînement ou compétition : je me pose, j’essaie de relâcher toute la pression et de me dire : « amuse-toi Zohra ! ».
Quel est votre souvenir le plus marquant lors d'une compétition ?
J’en ai deux, un mauvais et un bon. Le premier, c'est de ne pas avoir pu participer aux Jeux Olympiques de Tokyo parce que j’étais positive à la Covid-19. Le second, c’est la fierté d’avoir été sacrée double championne d'Afrique l’an dernier. Un titre qui me tenait particulièrement à cœur.
Vous êtes élue conseillère municipale déléguée chargée de la petite enfance à Bagnolet depuis juin 2020. Comment réussissez-vous à tout mener de front ?
Chaque jour, je me lance un petit défi ; celui-ci en est un gros, mais je le tiendrai jusqu'au bout ! Je trouvais qu’on ne voyait pas suffisamment de jeunes se présenter aux élections municipales, et je me suis dit : pourquoi pas moi ? Je militais pour promouvoir l'escrime dans les quartiers populaires et je me suis retrouvée embarquée dans une campagne politique où j'ai été élue. Ce mandat, qui court jusqu’en 2026, est une expérience très enrichissante. La petite enfance, ce n’est pas seulement l’ouverture des places en crèches, c’est aussi de nombreux projets avec les autres délégations comme le handicap, le sport, etc.
Photographie © François Le Guen
Zohra Kehli est qualifiée pour les JO 2024
Palmarès notable
- Vice-championne junior d'Afrique par équipe à Alger en 2019.
- Médaille de bronze par équipe aux Championnats d'Afrique d'escrime seniors en 2019 à Bamako.
- Championne d'Afrique juniors sabre femmes en individuelle et par équipe au Ghana, en 2020.
- Championne de France universitaire par équipe et 3ème en individuel en 2022.
- Médaille d’or au sabre dame en individuel et par équipe aux Championnats d'Afrique d'escrime séniors dames en 2022 à Casablanca