Thibaut Lacroix
Deuxième prix du jury MT180
Il y a un réel besoin de dialogue entre les chercheurs et les autres citoyens.
En deuxième année de thèse de physique théorique à l’Institut des Nanosciences de Paris (CNRS, Sorbonne Université), en cotutelle avec l’université écossaise de Saint-Andrews, Thibaut Lacroix étudie les processus quantiques cachés dans le vivant. Sujet qu’il a défendu au concours Ma thèse en 180 secondes. Rencontre avec un futur grand de l’infiniment petit.
Quelle est l’origine du sujet de thèse que vous avez défendu lors du concours ?
Thibaut Lacroix : Plusieurs expériences ont montré qu’il y aurait des phénomènes quantiques dans le vivant. Celui qui m’intéresse et qui est aujourd’hui le mieux compris intervient dans la photosynthèse. La capture d’un photon par la chlorophylle des feuilles d’une plante crée une petite excitation qui permet le transport de son énergie à travers la plante. Et on a remarqué que cette énergie ne revient pas en arrière alors qu’en théorie, elle pourrait partir dans toutes les directions. C’est ce genre de phénomène contre-intuitif et inattendu qui fait penser qu’il y a un mécanisme quantique derrière tout ça, parce que, généralement, à l’échelle d’une feuille, et plus encore à la nôtre, ces phénomènes disparaissent parce que les objets étudiés ne sont pas isolés. Il y a toujours un photon, une onde électromagnétique, une molécule d’air, une agitation thermique qui brise ce que l’on appelle la cohérence quantique. La fragilité des propriétés quantiques fait que ces phénomènes n’apparaissent qu’à des échelles de l’ordre du dixième de nanomètre. De fait, c’est intrigant de les retrouver dans des processus biologiques.
Vous considérez-vous comme biophysicien ?
Thibaut Lacroix : Non car pour l’instant mes travaux sont dans le champ de la physique théorique. J’essaie de créer un modèle mathématique le plus simple et caricatural possible, et d’écrire des algorithmes mathématiques de simulation grâce auxquels on peut espérer avoir un début de compréhension des phénomènes physiques qui permettent à des processus biologique d’avoir une part quantique. Mon équipe a cette motivation à comprendre ces phénomènes mais le stade de description actuel est tellement simplifié que la biologie n’est encore qu’un contexte général.
Qu’est-ce qui vous a poussé à tenter le concours Ma thèse en 180 secondes ?
Thibaut Lacroix : Il y a au moins trois raisons. Faire de la recherche, cela a beau être précaire, c’est un privilège. C’est un travail pour lequel nous sommes payés à réfléchir et à s’intéresser au monde qui nous entoure. Ce n’est pas courant dans les autres professions, c’est pour cela que je trouve intéressant de partager cette expérience. La deuxième raison, c’est le fait que nous soyons payés avec l’argent du contribuable, il est donc intéressant qu’il sache ce que nous faisons avec. Et comme c’est complexe, nous devons être capables de l’expliquer de manière plus simple pour le partager avec les autres. La troisième raison, et on le sent bien dans le contexte de crise actuel, il y a un réel besoin de dialogue entre les chercheurs et les autres citoyens. Ce n’est pas qu’aux citoyens de faire l’effort de comprendre les chercheurs, c’est aussi à nous d’être capables de nous adresser à eux de manière intelligible. Pour ça, Ma thèse en 180 secondes est un très bon exercice.
Est-ce un avantage de présenter un sujet qui passionne tout le monde mais auquel personne ne comprend rien ?
Thibaut Lacroix : C’est totalement vrai ! Ce qui me passionne dans la physique quantique, c’est justement que je n’y comprends rien non plus ! Après, il y a différents niveaux d’incompréhension. Je dirais que je n’y comprends rien mais pas de la même manière que tout le monde ! Le challenge de monter sur une scène pour présenter en trois minutes, de façon la plus intelligible et intéressante possible, un sujet que je mets d’habitude au moins 45 minutes à expliquer m’a vraiment motivé. Je ne m’attendais pas du tout à être second et je crois que je ne l’ai pas encore assimilé. Ce ne sont pas les Oscars mais je suis heureux quand j’y pense. Cela veut dire que les gens ont compris et c’est ce qui me fait le plus plaisir. Faire passer un message clair, c’était l’objectif que je m’étais fixé. J’espère aller jusqu’en finale, voire en finale internationale, ça me permettra d’améliorer ma présentation et de partager ce que je fais avec le plus grand nombre de gens possible.
Allez-vous continuer dans la vulgarisation après le concours ?
Thibaut Lacroix : Aujourd’hui, je ne suis pas réellement engagé dans la vulgarisation, en tout cas pas de manière active. Quand une opportunité se présente, j’aime y participer. Mais j’y réfléchis depuis les résultats.