Orlando Chuquimia
Docteur en informatique et entrepreneur
C'est le moment, après la thèse, de bénéficier d’un écosystème exceptionnel, de maturer sa technologie et de prendre les risques nécessaires à la création d'entreprise.
Orlando Chuquimia a développé, pendant sa thèse, un dispositif médical intelligent pour l’endoscopie et lancé son projet entrepreneurial avec le soutien de BpiFrance et de Pépite Sorbonne Université.
Quel a été votre parcours universitaire ?
Orlando Chuquimia : Après des études d’ingénierie en Bolivie, puis un master en électronique et informatique à l'université de Bretagne Sud, j’ai intégré le laboratoire d'informatique de Sorbonne Université (LIP6). Durant mon stage de master 2, j’ai commencé à développer, sous la direction de Pr. Bertrand Granado, un nouveau dispositif médical permettant de détecter automatiquement des lésions colorectales précancéreuses à l'aide de l'intelligence artificielle (IA).
J’ai ensuite obtenu en 2016 une bourse doctorale de l'Institut universitaire d’ingénierie en santé pour poursuivre, dans la même équipe, ce projet en thèse en partenariat avec le service d'endoscopie digestive de l'hôpital Saint-Antoine.
Sur quoi portait votre thèse ?
O. C. : Mes recherches s’inscrivaient dans le projet Cyclope. Porté par le LIP6, ce projet a pour ambition de créer une capsule endoscopique intelligente, que l'on peut avaler comme un médicament, et qui remplacerait les méthodes de détection classiques plus invasives comme la coloscopie.
Pendant les trois premiers mois de mon doctorat, j’ai assisté à plusieurs endoscopies pour observer la façon dont les médecins détectent les lésions dans l’intestin. Puis, j’ai traduit cette expertise médicale sous forme d’algorithmes qui permettent de trier les images prises par la capsule pour ne garder et n’envoyer au médecin que celles qui sont pertinentes du point de vue diagnostic. J’ai ensuite intégré, à l’intérieur de la capsule, ces algorithmes, dont le développement nous a valu plusieurs publications et prix internationaux.
Comment avez-vous découvert l’entrepreneuriat ?
Après ma soutenance de thèse en novembre 2019, j’ai participé à un concours international organisé par le réseau EIT Health. Cet évènement m’a fait prendre conscience que la valorisation de la recherche ne se résumait pas aux publications scientifiques. J'ai remporté le prix et obtenu une formation de 20 jours à Oxford sur l'entrepreneuriat et un budget de 8000€ pour initier mon projet de création d'entreprise.
En deux mots, expliquez-nous votre projet de startup ?
Mon projet est de transférer les algorithmes que j’ai développés durant ma thèse dans un logiciel qui permettrait d’assister les chirurgiens en temps réel lors des endoscopies. Ce logiciel serait intégré directement sur les endoscopes déployés aujourd’hui dans les services de gastro-entérologie pour une meilleure détection, caractérisation et diagnostic des lésions colorectales précancéreuses.
Comment avez-vous été accompagné dans votre projet ?
O. C. : En janvier 2020, alors que j’étais ATER au LIP6, j’ai contacté la Satt Lutech et le service de valorisation du laboratoire. Je partais de zéro en termes de création d'entreprise, mais j'avais très envie de me lancer. Ils m'ont conseillé de m'inscrire au D2E porté par le Pépite Sorbonne Université pour bénéficier du statut national étudiant-entrepreneur. En parallèle, j’ai obtenu un financement de Sorbonne Université et de la Satt Lutech pour intégrer le Business Fondation Certificate (BFC) de l'Institut européen d'administration des affaires. Cette double formation m’a permis d’acquérir, de façon accélérée, des compétences en entrepreneuriat, management, économie, marketing, étude de marché, etc., mais aussi de me constituer un premier réseau tout en continuant mes recherches au LIP6.
Lorsque j'ai fini mes formations en mars 2021, j’avais une vraie vision du marché de l’endoscopie, une première version de mon business plan, un début de stratégie marketing, et surtout j’avais trouvé les premiers cofondateurs de ma startup EnDIA : deux professeurs praticiens-hospitaliers référents de l'endoscopie et un ancien professeur du master.
Comment avez-vous concilié votre parcours en recherche et l’entrepreneuriat ?
O. C. : En septembre 2020, tout en continuant à donner des cours, j’ai poursuivi le projet sur la capsule endoscopique Cyclope au LIP6. L’objectif : développer un prototype à l'échelle un de l’intérieur de la capsule en intégrant de la reconstitution d’images 3D et la reconnaissance automatique des polypes.
En parallèle, j'ai candidaté et remporté plusieurs prix dont le prix Pépite Île-de-France, le concours iPhD, ou encore le DigHacktion, un hackathon de logiciels pour la gastro-entérologie. Cela m’a permis d’obtenir des financements, un accompagnement dans la création d’entreprise, mais aussi une plus grande visibilité du projet EnDIA.
Aujourd’hui, quelles sont vos perspectives ?
O. C. : Depuis la rentrée 2021, je m’occupe, avec la Satt Lutech, de la propriété intellectuelle des algorithmes que j’ai développés durant mes travaux de recherche et du transfert vers l’entreprise Bodycap qui les exploitera dans le marché de la capsule endoscopique. Nous avons fait deux dépôts de logiciel et nous sommes en train d’écrire un brevet. Un programme de maturation permettra de créer un prototype de la capsule Cyclope utilisable dans un essai clinique. J'ai également déposé un projet de maturation pour la technologie de détection et caractérisation des lésions colorectales précancéreuses que j'aimerais exploiter via ma startup.
En parallèle, j'ai candidaté pour une incubation chez Agoranov. Cela me permettrait de bénéficier de locaux, mais aussi de tout leur écosystème entrepreneurial. Par ailleurs, je continue d’être accompagné dans mon projet, notamment par Bpi France et Pépite Sorbonne Université, et de candidater à d'autres programmes afin d’obtenir des financements pour recruter des collaborateurs.
Quels conseils donneriez-vous à des doctorantes ou doctorants qui souhaitent se lancer dans la création d’entreprise ?
O. C. : D'abord, se former pour être prêt à affronter un projet entrepreneurial. Ensuite, clarifier dès le début les limites du projet avec les encadrants et le laboratoire pour ne pas qu’il y ait de quiproquo en termes de propriété intellectuelle. Enfin, se lancer car c'est le moment, juste après la thèse, de bénéficier d’un écosystème exceptionnel, de maturer sa technologie et de prendre les risques nécessaires à la création d'entreprise.