Nathalie Ayi
Mathématicienne et podcasteuse
Les mathématiques forment l’esprit. Elles apprennent à construire un raisonnement logique et donnent des armes dans une société où on est abreuvé d’informations. Elles permettent d’être un meilleur citoyen.
Pour Nathalie Ayi, maîtresse de conférences à Sorbonne Université, les mathématiques sont un langage autant qu’un outil qu’il faut transmettre et partager. Depuis la rentrée, elle a lancé son propre podcast où elle interroge d’autres chercheuses et chercheurs sur leur parcours. Et rappelle à celles et ceux qui l’écoutent qu’il ne faut pas se fermer de portes.
Lorsqu’un nouvel élève était admis dans l’école de Pythagore, l’histoire raconte qu’il devait faire vœu de silence pendant plusieurs années afin d’apprendre l’humilité. La démarche de Nathalie Ayi, maîtresse de conférences en mathématiques à Sorbonne Université depuis 2017, ne pourrait pas être plus opposée. À 33 ans, cette Orléanaise d’origine cherche à déconstruire l’idée qu’il faut être un génie ou avoir un don pour se lancer dans la recherche.
« J’ai toujours été intéressée par l’enseignement »
Cette volonté de transmettre et d’encourager les futures étudiantes et étudiants à franchir le pas, elle le tire de son propre parcours. « J’ai toujours été intéressée par l’enseignement », glisse-t-elle dans une petite salle de réunion du laboratoire de mathématiques appliquées Jacques-Louis Lions (Sorbonne Université/CNRS/Université Paris Cité), qu’elle a rejoint en 2017, sur le campus de la faculté des Sciences et Ingénierie. « Mon premier projet c’était d’être prof et de transmettre aux jeunes générations », se souvient la jeune chercheuse, dont les deux parents sont enseignants en mathématiques.
Si elle se décrit aujourd’hui comme une « cinéticienne », c’est-à-dire une experte dans l’étude des équations qui comportent un paramètre de vitesse, elle ne s’est pas d’emblée dirigée vers la recherche. Après un bac scientifique et trois années de classes préparatoires MPSI (mathématiques, physique et sciences de l'ingénieur) puis MP à Orléans, elle est admise en tant qu’auditrice à l’ENS de Lyon. Un an plus tard, elle pose ses valises à l’université de Nice Sophia-Antipolis, où elle intègre un master 1. « Je voulais être prof de maths en prépa », raconte-t-elle. Elle passe donc l’agrégation puis un second M2 orienté sur la recherche pour optimiser ses chances.
« La recherche a été une révélation »
C’est au cours de sa thèse en mathématiques appliquées à la mécanique des fluides, « ce qu’on appelle la théorie cinétique des gaz », précise-t-elle et intitulée « Influence du stochastique sur des problématiques de changements d'échelle », qu’elle décide de changer de voie. « La recherche a été une révélation », se souvient Nathalie Ayi. Après sa soutenance en 2016 et une année de post-doctorat au centre Inria de l’université de Rennes, elle décroche un poste de « maître de conf’ » à Sorbonne Université. « Un métier de rêve », assure-t-elle.
Comme de nombreuses étudiantes et étudiants, la jeune chercheuse confie avoir eu des doutes avant de se lancer dans une carrière scientifique. « Je ne pensais pas que j’étais capable de faire de la recherche ou de trouver des nouveaux résultats », évoque Nathalie Ayi. Et d’ajouter : « Au début, on ne sait pas comment ça marche. On a l’impression qu’il faut tout réinventer, qu’il faut être un génie pour faire de la recherche, alors que ça ne marche pas comme ça. On avance brique par brique. On ne part pas de rien. Si on travaille, il n’y a pas de raison de ne pas y arriver. »
Sortir les chercheuses et chercheurs de leur tour d’ivoire
Face à ces questionnements, Nathalie Ayi a lancé au moins de septembre sa propre chaîne de podcast, Tête-à-tête Chercheuse(s). Une série d’entretiens avec des chercheuses et chercheurs en mathématiques dans lesquels elle aborde leur parcours et leur regard sur leur métier. Une manière, dit-elle, de [les] faire « sortir de leur tour d’ivoire », mais aussi de toucher un public plus large, afin de voir « que ces scientifiques avaient eux aussi leurs doutes mais que ça ne les a pas empêchés de faire ce qu’ils font aujourd’hui. » « Je voulais montrer que c’est accessible. Évidemment il faut travailler, il faut des compétences, mais il ne faut pas se fermer des portes », poursuit la chercheuse.
Avec trois épisodes d’un peu plus d’une heure, ce podcast s’adresse en particulier aux lycéennes et lycéens, que Nathalie Ayi rencontre depuis plusieurs années lors d’événements comme la semaine des mathématiques, mais aussi aux étudiantes et étudiants, et à toutes celles et ceux qui se posent des questions d’orientation. « Je parle aux jeunes de mon parcours, de mon métier et des problèmes de maths qui m’intéressent. Souvent les gens sont contents de voir un chercheur, de voir ce que ça veut dire. Je voyais que ça avait un impact. Mais c’était frustrant de faire ça à assez petite échelle », explique-t-elle.
Dans un contexte de forte disparité entre hommes et femmes dans les domaines scientifiques, et en particulier dans les mathématiques, Nathalie Ayi s’inscrit dans une démarche plus inclusive envers les femmes. « C’est une thématique à laquelle je suis très sensible », reconnaît la scientifique, qui participe également aux journées « Filles et Maths », qui mêlent des étudiantes et des chercheuses. Pour cette admiratrice, entre autres, de l’équation de Boltzmann, les mathématiques ne sont pas qu’une discipline. « Elles forment l’esprit. Elles apprennent à construire un raisonnement logique et donnent des armes dans une société où on est abreuvé d’informations. Elles permettent d’être un meilleur citoyen », affirme-t-elle.