Nancy Berthier
Hispaniste et directrice de la Casa de Velázquez
Si on devait caractériser l’hispanisme, c’est cette dimension pluridisciplinaire. Quand on étudie l’espagnol, on étudie la littérature, l’histoire, la langue, la linguistique et aujourd’hui les arts visuels, depuis le Moyen Âge jusqu’à nos jours.
Spécialiste du cinéma et de la culture de nombreux pays hispanophones, Nancy Berthier a été nommée directrice de la Casa de Velázquez en janvier 2022. Pour cette ancienne directrice de l’Institut d’études hispaniques de Sorbonne Université, la langue de Cervantès lui a permis de mener une carrière scientifique à la croisée de plusieurs disciplines.
L’espagnol comme fil conducteur. Depuis plus de trois décennies, Nancy Berthier fait des arts visuels dans les pays hispanophones l’axe principal de ses recherches. Du cinéma franquiste à l’imaginaire politique, cette professeure des universités, ancienne directrice (2014-2019) de l’Institut d’études hispaniques de Sorbonne Université, a notamment travaillé sur la représentation des figures politiques dans le cinéma de nombreux pays comme l’Espagne ou Cuba.
Hispanisme et liberté
Née en 1964 dans le Loiret, Nancy Berthier découvre les études hispaniques au cours de sa prépa littéraire à Louis-le-Grand. Un champ disciplinaire qui a comme point commun « une langue, l’espagnol, et un territoire, l’Espagne, l’Amérique latine et une partie des États-Unis », explique-t-elle lors d’un passage à Paris. Elle franchit le pas lors de sa deuxième année, en parallèle de ses études en lettres modernes. « Il y avait plus de libertés en termes de méthodologie à l’époque dans l’hispanisme que dans d’autres disciplines », estime l’universitaire.
Après avoir intégré l’École normale supérieure puis un master d’études hispaniques à la Sorbonne, elle fait partie en 1986 de la première promotion de la licence Cinéma et audiovisuel à l’université Sorbonne Nouvelle. « J’ai poursuivi en études hispaniques parce que j’étais très intéressée par le cinéma. Il y avait une ouverture qui permettait de faire des recherches sur ce sujet, ce qui n’était pas le cas en lettres modernes dans les années 1980 », raconte Nancy Berthier.
En 1990, après avoir passé l’agrégation, elle démarre une thèse à Sorbonne Université sur le cinéma de propagande dans l’Espagne franquiste en se basant sur un corpus de films de José Luis Sáenz de Heredia, réalisateur officiel du régime. « L’objectif était de voir le fonctionnement et les ressorts du discours de la propagande à travers trois films représentant trois genres cinématographiques à trois moments différents », explique la chercheuse.
« Ce qui m’intéresse, ce sont les imaginaires »
Depuis sa thèse, soutenue en 1994, jusqu’à ses divers postes de maîtresse de conférences puis de professeure des universités, Nancy Berthier a multiplié les séjours en Espagne, dans les pays d’Amérique Latine et aux États-Unis. Aujourd’hui, elle se passionne notamment pour les places publiques et leur usage collectif. « Ce qui m’intéresse, ce sont les imaginaires, poursuit Nancy Berthier. Quand on est hispaniste, il faut une cohérence. Un sociologue va se définir par une méthode, une approche. Pour moi, c'est l’objet qui va dicter la méthode. »
Une démarche scientifique qui a donné lieu à une littérature abondante, composée d’une vingtaine d’ouvrages et davantage d’articles, ainsi qu’à l’organisation de conférences et de colloques sur des sujets variés. « Si on devait caractériser l’hispanisme, c’est cette dimension pluridisciplinaire. Quand on étudie l’espagnol, on étudie la littérature, l’histoire, la langue, la linguistique et aujourd’hui les arts visuels, depuis le Moyen Âge jusqu’à nos jours », précise Nancy Berthier.
« La Casa est une sorte d’incubateur »
À la tête de la Casa de Velázquez, qui accueille, en résidence à Madrid et selon un modèle unique, une trentaine d’artistes et le double de chercheurs, Nancy Berthier retrouve cette diversité. « La spécificité de la Casa de Velázquez, c’est son hybridité. C’est un lieu de rencontre, d’échanges et aussi un lieu pluridisciplinaire. Donc par rapport à mon parcours, je m’y sens bien », assure-t-elle.
La Casa de Velázquez accompagne les résidents et organise des manifestations artistiques et scientifiques en réseau avec notamment les autres grandes résidences artistiques françaises à l’international (Villa Médicis, Kujoyama et Albertine) et les Écoles françaises à l’étranger (EFE) dont elle assure la présidence cette année. « La Casa est une sorte d’incubateur. C’est une maison extrêmement vivante. On a cette richesse d’être à la fois une résidence de création artistique et de recherche scientifique, qui fait se mélanger deux communautés qui habituellement ne cohabitent pas », explique-t-elle.
À l’approche du centenaire de l’institution, qui se déroulera en 2028, Nancy Berthier favorise l’ouverture à de nouvelles disciplines artistiques, comme la danse et les arts chorégraphiques ou la littérature. « J’ai aussi un rôle de représentation. Mon quotidien est très varié », ajoute la chercheuse, qui n’envisage pas de mettre de côté son activité scientifique : « C’est vital pour moi de faire de la recherche », conclut Nancy Berthier.