Mathias Brunet-Manquat

Doctorant et lauréat du Prix Pépite national

Notre projet Omnisang vise à reproduire en laboratoire le processus naturel de création des globules rouges et des plaquettes en utilisant comme source une cellule génétiquement modifiée capable de s’auto-renouveler.

Mathias Brunet-Manquat, doctorant au Centre de recherche de Saint-Antoine (CRSA - Inserm / Sorbonne Université), a remporté le Prix Pépite national. Ce prix, décerné par le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, en partenariat avec Bpifrance, valorise les projets innovants portés par les bénéficiaires du statut d’étudiant-entrepreneur.

Accompagné par le dispositif Pépite Sorbonne Université, myStartup Program et Starthèse, le projet Omnisang, porté par Mathias Brunet-Manquat et sa directrice de thèse Laurence Guyonneau-Harmand, chargée de recherche à l’Établissement Français du Sang (EFS), offre une réponse révolutionnaire aux défis de la transfusion sanguine. Récompensé par le Grand Prix "i-PhD 2024" et soutenu par l’EFS, ce projet ambitieux vise à produire du sang artificiel en laboratoire de manière renouvelable, indépendante des donneurs.

Pouvez-vous nous raconter votre parcours universitaire ?

Mathias Brunet-Manquat : Originaire de la région grenobloise, j'ai rejoint le master Biologie cellulaire et moléculaire de Sorbonne Université. Au cours de mon stage de master 2, j’ai intégré l’équipe du Dr Laurence Guyonneau-Harmand au centre de recherche de Saint-Antoine, où j’ai débuté mes travaux sur le développement d’une lignée de progéniteurs hématopoïetiques1 100% cultivable en laboratoire.

Après trois ans supplémentaires passés en tant qu’ingénieur, j’ai commencé ma thèse CIFRE en partenariat avec l’Établissement Français du Sang.

Comment avez-vous eu envie de vous lancer dans l’entrepreneuriat ?

M. B.-M. : Notre laboratoire a une forte culture de recherche translationnelle, avec notamment le professeur Douay, précurseur dans la génération de globules rouges en laboratoire pour la transfusion, qui a fondé, en 2016, une startup sur ce sujet.

Le déclic a eu lieu il y a environ deux ans, quand nous avons obtenu, avec ma directrice de thèse, d’excellents résultats pour produire en laboratoire une grande quantité de plaquettes avec notre lignée cellulaire immortalisée. C’est à ce moment-là que je lui ai proposé de monter une start-up à partir de ce projet qui repose sur plus de dix ans de son travail et six ans du mien. Elle a tout de suite accepté.

Pouvez-vous nous en dire plus sur votre projet ?

M. B.-M. : Le constat est simple : avec le vieillissement de la population, les besoins en poches de sang augmentent. Notre projet Omnisang vise à reproduire en laboratoire le processus naturel de création des globules rouges et des plaquettes en utilisant comme source une cellule génétiquement modifiée capable de s’auto-renouveler. Cette super cellule, développée à partir de cellules souches, permet de produire des globules rouges ou des plaquettes en fonction du milieu de culture utilisé.

Grâce à cette technologie, nous sommes en mesure de modifier génétiquement la lignée pour produire des antigènes spécifiques et ainsi créer des groupes sanguins à la demande sans avoir besoin de recourir à des donneurs. Cela nous permettrait notamment de répondre aux besoins des groupes sanguins rares, qui représentent environ 700 000 personnes en France, afin de garantir une égalité d'accès aux soins pour tous les patients.

Comment équilibrez-vous votre temps entre la thèse et votre projet entrepreneurial ?

M. B.-M. : J’ai la chance d’être soutenu par ma directrice de thèse, Laurence, et de travailler avec un assistant ingénieur, Matthis, qui gère une grande partie des manipulations au laboratoire. Il est d’une aide précieuse, et cela me décharge pour consacrer plus de temps à la start-up.

Pour le reste, il n’y a pas vraiment de règle. J’essaie de m’organiser au jour le jour. C’est souvent une question de périodes. Par exemple, pendant l’été, lorsque l’activité est plus calme, je me concentre davantage sur la thèse. Mais avec le travail de rédaction qui commence en janvier, la start-up passera temporairement au second plan. C’est un équilibre à trouver entre les deux.

De quel accompagnement avez-vous bénéficié à Sorbonne Université ?

M. B.-M. : J’ai suivi le D2E Pépite l’an dernier. Cela m’a permis de travailler des aspects de mon projet entrepreneurial que je n’avais pas forcément pris en compte, comme le design ou le positionnement stratégique. Ces cours nous ont également permis d’aligner nos objectifs et définir une direction commune avec la cofondatrice du projet.

Avant cela, nous avions participé à myStartup Program, un programme d’accompagnement de Sorbonne Université qui a challengé notre projet en le rendant plus clair et objectif. Il nous a permis de réfléchir à nos intentions, à la valorisation de notre technologie et à la manière de structurer notre projet à travers des études de marché.  

Par ailleurs, nous sommes très proches de l’incubateur Agoranov qui nous a déjà beaucoup aidés et a un excellent réseau.

Quels financements avez-vous obtenus ?

M. B.-M. : Actuellement, je bénéficie du programme iPhD de BpiFrance. À terme, l’objectif est de demander une bourse French Tech LAB, qui nous permettrait de financer les aspects juridiques du projet, les études de marché, de faisabilité, etc.

Pour l’instant, la partie scientifique du projet est financée principalement par l’Établissement Français du Sang, notamment pour les frais de fonctionnement, et par Sorbonne Université qui est notre partenaire principal.

En plus du Prix Pépite de Sorbonne Université, vous avez obtenu le Prix Pépite national. Qu’est-ce que cela vous apporte concrètement ?

M. B.-M. : Le prix Pépite apporte une grande visibilité. Cela montre aux gens que nous sommes sérieux et déterminés à aller au bout de cette aventure entrepreneuriale. Cela nous confère également un statut et fait de nous des ambassadeurs de Pépite, un rôle que j’accepte volontiers.

Bien qu’insuffisant pour porter le projet à lui seul, le prix national offre également une somme financière appréciable, qui témoigne de la confiance que l’on porte à notre travail.

Où en êtes-vous aujourd'hui ?

M. B.-M. : Nous avons déjà validé plusieurs étapes importantes, notamment la production de globules rouges et de plaquettes en laboratoire. En parallèle, nous cherchons les financements nécessaires pour développer notre solution, travaillons sur la propriété intellectuelle, et poursuivons le développement technologique pour passer aux essais pré-cliniques, puis à l’échelle industrielle.

A court terme, nous souhaiterions trouver un cofondateur avec une expérience dans les thérapies innovantes et intégrer des techniciens pour avancer sur la R&D.

Quant à moi, si l’objectif immédiat est de terminer ma thèse, je ne sais pas encore quel rôle j’aurai ensuite : peut-être un postdoctorat financé pour travailler sur un volet scientifique tout en maintenant une activité entrepreneuriale. Ou bien, je pourrais endosser directement le rôle de CEO, si nous avons réuni les conditions nécessaires pour lancer la start-up.

Quels conseils donnerez-vous à des doctorantes ou doctorants qui auraient envie de se lancer dans l’aventure entrepreneuriale ?

M. B.-M. : Je n’ai pas toutes les réponses, mais si je devais donner un conseil, ce serait de ne pas avoir peur de se lancer et d’oser frapper à toutes les portes. À Sorbonne Université, par exemple, il existe de nombreux dispositifs d’accompagnement comme Pépite ou le myStartup Program, qui m’ont beaucoup aidé.

Par ailleurs, je crois qu’il ne faut jamais se sentir illégitime. Il faut accepter d’être un "petit poisson" dans le grand monde de l’entrepreneuriat et avancer avec cette réalité. C’est la passion pour un projet qui fait la différence. La bonne idée seule ne suffit pas : il faut se retrousser les manches, aller parler aux gens, convaincre, avoir une vision à long terme, et prouver que notre projet est solide.


1 Stade de différenciation des cellules-souches qui produisent les cellules sanguines.