Marina Lévy
Océanographe et climatologue
Ce qui m'attire dans l’étude de l’océan, c’est l’aspect interdisciplinaire.
Directrice de recherche de classe exceptionnelle au CNRS, au sein du laboratoire d’Océanographie et du Climat : Expérimentations et Approches Numériques (LOCEAN), rattaché notamment à Sorbonne Université, Marina Lévy consacre sa carrière à l’exploration et à la compréhension des interactions complexes entre l’océan, le climat et la biodiversité.
« J’ai toujours aimé les sciences, c’est ce qui m’a naturellement orientée vers les classes préparatoires à la sortie du lycée », se souvient Marina Lévy. Diplômée de l’École polytechnique, la chercheuse entame ensuite un cheminement atypique. Incapable de se limiter à une discipline, elle découvre progressivement sa vocation lors d’un premier stage en géophysique, puis un second en océanographie. « Ce qui m’a attirée dans l’étude de l’océan, c’est l’aspect interdisciplinaire : comprendre le fonctionnement de cette immense machine nécessite des connaissances en physique, en chimie et en biologie et un bon bagage en mathématiques. »
Au début des années 1990, alors que les premiers rapports du GIEC soulignent le rôle crucial de l’océan dans la régulation du climat, Marina Lévy décide de se consacrer à cette problématique par l’étude de la biogéochimie marine. Elle débute une thèse à Sorbonne Université (alors Paris VI), qui la mènera aux États-Unis, à l’Université Columbia, pour un postdoctorat.
Les rencontres de l’océan et de l’espace
Marina Lévy rejoint ensuite le CNRS et s’engage dans des projets de recherche à l’international. « J’ai travaillé avec des équipes au Japon, au MIT à Boston, en Inde, et même aux Émirats arabes unis. Chaque projet m’a permis d’explorer de nouvelles facettes et d’approfondir ma compréhension de l’océan. »
Son implication au Centre national d’études spatiales (CNES) marque une autre étape clé de sa vie professionnelle. À la tête du groupe du comité TOSCA, dédié à l’océanographie spatiale, elle contribue à stimuler l’utilisation des satellites pour mieux comprendre les dynamiques océaniques. « La première expertise que j’ai acquise, c’est la modélisation : j’ai travaillé sur la turbulence océanique en poussant les capacités des modèles numériques existants, pour faire émerger des petites échelles spatiales dans les courants, essentielles à la vie marine et structurantes pour sa biodiversité. Le spatial m’a ensuite ouvert de nouvelles perspectives. »
L’utilisation de technologies de pointe, notamment le supercalculateur Earth Simulator au Japon, la place à la pointe de la recherche mondiale et lui vaudront la médaille de bronze du CNRS. « Nous étions parmi les premiers à utiliser des modèles de très haute résolution nécessitant des ressources de calcul colossales. Ces travaux ont jeté les bases des recherches que nous menons encore aujourd’hui sur les cycles biogéochimiques dans l’océan, la biodiversité et l’impact du changement climatique. La route pour en arriver là a été particulièrement excitante, il a fallu animer la communauté nationale et internationale, bâtir une équipe de recherche interdisciplinaire en allant chercher de nouvelles compétences. »
Une voix scientifique sur la scène internationale
Le rattachement de Marina Lévy au LOCEAN, le laboratoire d’océanographie de l’Institut Pierre Simon Laplace pour le climat et l’environnement, affilié notamment à Sorbonne Université, l’amène à s’impliquer dans des coopérations scientifiques avec certains pays dits « du Sud » comme le Sénégal, l’Inde, le Pérou, l’Afrique du Sud et le Maroc.
En 2016, elle accepte le poste de directrice adjointe du département Océan, Climat et biodiversité de l’IRD, fonction qu’elle occupera pendant huit ans. Dans ce cadre, elle valorise une approche transdisciplinaire, fer de lance de l’institut, qui implique une dimension science sociale indispensable à relever les défis liés au développement durable.
Depuis 2024, Marina Lévy occupe le poste de conseillère pour l’Océan auprès de la présidence de l’IRD. Elle y joue un rôle de représentation de l’organisme lors d’événements internationaux, comme la Conférence des Nations Unies sur l’Océan qui aura lieu à Nice du 9 au 13 juin prochain.
Parallèlement, elle poursuit ses activités de recherche. « Je travaille actuellement sur les impacts du changement climatique sur les cycles biogéochimiques dans l’océan, notamment sur la désoxygénation, la perte d’oxygène dans les eaux marines et les modifications du cycle du carbone. Ces phénomènes ont des conséquences majeures sur les écosystèmes marins et les services qu’ils rendent à l’humanité. »
Transmettre et inspirer
L’engagement de Marina Lévy va au-delà de la recherche pure. La chercheuse tient à véhiculer ses connaissances aux jeunes générations de scientifiques. « Je travaille avec plusieurs doctorants et post-doctorants. Ce qui me motive, c’est de leur donner les clés pour poursuivre dans cette voie exigeante, mais passionnante. »
Cette volonté de transmettre s’étend aussi au grand public. Marina Lévy est convaincue que la compréhension du fonctionnement de l’océan est cruciale pour protéger notre planète. « Nous avons besoin de comprendre le monde qui nous entoure presque de façon philosophique. L’océan est un pilier de notre environnement, il joue un rôle essentiel dans la régulation du climat et le maintien de la biodiversité. Si nous ne comprenons pas son fonctionnement, nous ne pouvons pas appréhender à quel point on peut le perturber. »
Pauline Ponchaux