Luc Abbadie

Luc Abbadie

Directeur de l’Institut de la transition environnementale

Si on ne règle pas la question des inégalités sociales, on n’arrivera pas à organiser la transition écologique.

L’écologie a toujours fait partie de la vie de Luc Abbadie. À la tête de l’Institut de la transition environnementale, il compte bien faire entrer la recherche à Sorbonne Université dans l’ère du « green acting ».

Il se définit comme simple professeur d’écologie. À 64 ans, Luc Abbadie a pourtant une longue expérience de recherche, d’enseignement et de management scientifique dans son domaine de prédilection. Son engouement pour l’écologie remonte à loin. Comme tous les enfants, la nature l’interroge et la science le fascine. Mais bientôt s’opère en lui une transition. Durant ses études secondaires, ce simple intérêt pour la nature se transforme en volonté d’agir pour la protéger. Nous sommes alors au début des années 1970, décennie qui commence par l’année européenne de la protection de la nature. Les questions environnementales n’en sont alors qu’aux balbutiements de leur médiatisation.

Ces années-là voient éclore nombre d’actions sur le sujet en direction des jeunes, auxquelles Luc Abbadie prend part. Sa sensibilité écologiste s’affirme, son approche devient plus militante. Mais c’est un militantisme à l’image des années 1970 : cool, de celui qui aboutira à l’écologie politique une vingtaine d’années plus tard. En 1975, année de son entrée à Sorbonne Université en DEUG Sciences de la nature et de la vie, il fonde l’association Nature & société dédiée à l’éducation à l’environnement. « J’ai toujours été convaincu, sinon je ne serais pas devenu enseignant, que la connaissance et l’information sont les bases de la citoyenneté », explique-t-il.

À la fin de sa maîtrise en sciences naturelles, il prend définitivement la voie verte en s’inscrivant, toujours à Sorbonne Université, en DEA d’écologie, en 1980, puis débute une thèse, l’année suivante, sur la production primaire et le cycle de l’azote dans la savane, sujet qui l’envoie en coopération en Côte d’Ivoire pour deux ans. « De l’écologie pure et dure », se souvient-il. À son retour, en 1983, il soutient sa thèse.

Trois ans et un peu d’enseignement en lycée plus tard, il passe le concours du CNRS et est recruté en tant que chargé de recherches en écologie. « Cela relevait du miracle. Je suis entré au CNRS, à une époque où l’écologie était encore très peu développée et enseignée. » À ladite époque, l’écologie au CNRS se résume à un simple poste de chargé de mission (CM), alors occupé par Robert Barbault, un des pionniers du domaine. Luc Abbadie se consacre dès lors pleinement à la recherche sur la dynamique de l’azote et du carbone dans les écosystèmes. Mais très vite, il intègre des structures de gestion de la recherche au CNRS. Il gravit les échelons jusqu’à devenir directeur scientifique adjoint de l’Institut Écologie Environnement du CNRS en 2006. Entre temps, en 2002, Sorbonne Université lui a proposé d’être co-porteur du projet de master en Sciences de l’univers, écologie et environnement

En 2015, il participe à la création de l’Institut d’écologie et des sciences de l’environnement qu’il dirige jusqu’en 2020. En 2017, l’Alliance Sorbonne Université lance un Institut de la transition environnementale (ITE) mené par un groupe de chercheurs et d’enseignants dont il fait partie. Il en devient le premier directeur en 2019.

La liberté de chercher

Comme tous les instituts de l’Alliance, l’ITE a pour mission de promouvoir l’interdisciplinarité, ici dans le champ de la transition écologique. L’idée première est de construire un lien entre innovations conceptuelle et opérationnelle, « de croiser les compétences pour avoir une vision systémique des problèmes ». Luc Abbadie souhaite ainsi faire jouer à son établissement un rôle de premier plan, « en développant des partenariats hors du monde académique ». Pour cela, l’Institut s’appuie sur le gigantesque potentiel humain de l’Alliance et une nouvelle façon de le solliciter. « Nous proposons un appel d’offre permanent qui permet de donner du temps à l’élaboration de projets interdisciplinaires. N’importe quelle proposition, si elle comporte des objectifs de transition écologique par les perspectives ou les modes d’action qu’elle offre, peut prétendre à un financement. »

L’ITE est aussi force de proposition mais n’a pas forcément les ressources humaines ad hoc dans l’Alliance, en économie par exemple. Il s’ouvre donc vers l’extérieur afin de développer des collaborations avec d’autres établissements dont le CIRED2, pour mesurer l’impact des inégalités sociales sur la transition écologique, une problématique plus souvent traitée dans l’autre sens. « C’est un point important, si on ne règle pas la question des inégalités, on n’arrivera pas à organiser la transition écologique, aux plans local et international. » Collaborations également avec des collectivités territoriales, comme la métropole du Grand Paris, et même des entreprises pour les conseiller et concevoir des méthodes de transition adaptées.

Et surtout pour accompagner acteurs publics et privés vers l’interdisciplinarité : « Il faut construire des démarches plurielles pour s’approprier la complexité de la transition écologique, prendre l’habitude, quand on traite un problème, d’en regarder tous les tenants et aboutissants. C’est une culture, une forme de pensée qui doit devenir un réflexe. »


1 Centre international de recherche sur l’environnement et le développement