Louison Lallemant
Prix du public de la finale MT180
Chacun peut faire un doctorat si la motivation et la passion sont au rendez-vous. La thèse n’est pas réservée à une élite.
Louison Lallemant, doctorante en biologie cellulaire et développement travaille sur une maladie rare : la dystrophie myotonique. Elle a remporté le prix des internautes lors de la finale MT180 Sorbonne Université. Un bel exemple d’adaptation aux situations de la vie. Découvrez son parcours et son retour d’expérience sur le concours.
Louison Lallemant, pourriez-vous nous retracer votre parcours ?
LL : Après deux années de licence en biologie à l’université de Reims, j’ai poursuivi en licence pro à l’ESTBA (école supérieure des techniques de biologie appliquée) à Paris. A l’occasion de mon stage de formation, j’ai intégré l’équipe du Dr. Geneviève Gourdon et j’ai rencontré Mario Gomes-Pereira mon actuel directeur de thèse qui m’a donné envie de faire de la recherche. En master, j’ai intégré l’EPHE (école pratique des hautes études). Durant mon master 2, j’ai fait mon stage dans un laboratoire d’électrophysiologie à l’Institut Pasteur. J’ai ensuite fait une année pré-doctorale à l’institut de technologie et d’innovation de Paris Sciences et Lettres (PSL) et j’ai intégré la plateforme d’imagerie de l’hôpital Necker pendant deux ans pour aider des chercheurs à acquérir leurs images. Quand j’ai su qu’il y avait une place en doctorat s’ouvrait avec Mario Gomes-Pereira dans l’équipe du Dr. Gourdon, j’ai cherché un financement. J’ai postulé à la fondation pour la recherche médicale et obtenu un contrat doctoral pour 3 ans. J’ai commencé ma thèse en janvier 2020.
Pouvez-vous nous expliquer, le sujet de votre thèse ?
LL : Je travaille sur la dystrophie myotonique, une maladie génétique rare, d’abord étudiée pour ses symptômes musculaires. Nous savons depuis quelques années qu’elle atteint aussi le cerveau. Les patients ont des problèmes d’attention, de mémoire, de comportement et d’humeur. La cause génétique de cette maladie est connue. Plus le problème sur le gène concerné est important, plus les symptômes sont graves. La variété des symptômes de cette maladie va d’une simple cataracte à de graves retards mentaux. Plus les symptômes sont importants, plus ils arrivent tôt dans la vie. Pour trouver un traitement, il faut comprendre ce qu’il se passe dans le cerveau, au niveau cellulaire et moléculaire. Les neurones communiquent via des substances chimiques qui sont transportées le long de leurs prolongements. Mon hypothèse est que le transport de ces substances est dérégulé dans la dystrophie myotonique, ce qui provoque des problèmes de communication entre les neurones. Nous pensons de plus en plus que la mutation génétique entraine un dérèglement général des différents types de cellules du cerveau : les neurones mais aussi sur les astrocytes et les oligodendrocytes. Il y a beaucoup de pistes à explorer avant de proposer des thérapies.
Pourquoi avoir participé au concours "Ma thèse en 180 secondes" ?
LL : C’est d’abord un challenge personnel : j’avais suivi le concours l’année dernière et j’étais très impressionnée par les performances des candidats. Je suis aussi très intéressée par la médiation scientifique car j’ai constaté à plusieurs reprises (avec des amis, ou lors des journées de médiation auxquelles j’ai pu participer), que le grand public est très enthousiaste quand on parle de recherche, de biologie et de neurones. Je trouvais également qu’il était important de mettre en lumière cette maladie génétique rare dont on ne parle que pendant le téléthon.
Comment avez-vous été préparée à ce concours ?
LL : Nous avons eu beaucoup de séances d’entrainement avec Alexandra de Kaenel. Elle a laissé notre individualité et nos points forts s’exprimer mais elle nous a aidé sans nous transformer, ni nous uniformiser. C’était un apport très personnalisé pour chacun d’entre nous. Elle m’a fait un retour sur les points que je devais travailler et j’ai pu m’améliorer.
Trois minutes pour résumer une thèse entière, cela semble court… Est-ce facile de parler de ses travaux de thèse à un public néophyte ?
LL : Quand je me suis lancée dans le concours, je me suis dit : « Louison tu sais parler de ta thèse devant un public. Tu l’as déjà fait en congrès ». Je ne m’attendais pas à ce que ce soit si difficile de mettre le curseur au bon endroit pour vulgariser l’essentiel de mes travaux. Il y a des mots que nous utilisons constamment dans notre vie professionnelle qui ne sont pas courants pour le grand public. Gérer les 3 minutes est un enfer. C’est frustrant d’avoir si peu de temps. J’avais envie de dire tellement de choses.
Quelles ont été les principales difficultés à surmonter ?
LL : Trouver du temps pour s’entrainer a été une difficulté. En parallèle, il fallait réaliser et finaliser toutes les expériences en cours sur les neurones vivants, préparer la réunion de mon comité de suivi de thèse, soumettre le dossier de demande de financement pour la quatrième année de thèse, participer au concours Women in sciences de L’Oréal. Le mois de février a été intense !
Comment avez-vous vécu cette expérience ?
LL : J’ai particulièrement aimé rencontrer d’autres doctorants qui travaillent sur des sujets passionnants complètement différents du mien auxquels je n’aurai pas eu accès en dehors du concours. J’ai appris beaucoup de choses en médiation et en communication. Je recommande à tous les doctorants de participer à ce concours, on apprend plein de choses !
Que vous a appris la participation à cette compétition ?
LL : J’ai complètement raté le début de ma présentation à cause d’un trou de mémoire. Je n’ai pas dit ce que j’avais préparé. Avoir oublié mon texte et réussir à tenir les 3 minutes, je ne pensais pas que cela m’arriverait. La plupart du temps quand je prends la parole, j’apprends par cœur, je sais ce que je vais dire, il n’y a pas d’improvisation. Cette expérience m’a appris que je savais improviser, même en plein moment de stress. Tout au long de la présentation, j’ai dû rapidement faire des choix sur ce que j’allais dire ou pas car il me manquait 20 à 30 secondes à cause de mon oubli. Avec le recul, je trouve que c’était plus amusant de faire ainsi. Je ne pensais pas en être capable et je ne m’attendais pas du tout à gagner ce prix. Finalement je suis très contente de ma performance.
Quels peuvent être les effets de ce concours sur l’image des thésards ?
LL : Ce concours rend les doctorants plus sympathiques. Lorsque que j’étais au lycée, je pensais que les thésards étaient des génies hors de portée et que je n’atteindrais jamais leur niveau. Finalement, nous sommes comme tout le monde. Chacun peut faire un doctorat si la motivation et la passion sont au rendez-vous. La thèse n’est pas réservée à une élite. Ce n’est pas une histoire de niveau mais de motivation et d’être heureux de se lever le matin pour aller travailler.