Léa Bonnefoy
Docteure en planétologie
Vulgariser nos recherches auprès du grand public fait aussi partie du travail de chercheur.
Docteure en planétologie, Léa Bonnefoy s’est vu décerner en 2020 le prix Jeunes talents L’Oréal-Unesco pour les femmes et la science. À 27 ans, son parcours international l’a amenée dans les endroits reculés du système solaire, sur les lunes glacées de Saturne.
Pouvoir décrire des paysages lunaires insoupçonnables, connaître la sensation de fouler des sols extraterrestres, c’est le rêve de Léa Bonnefoy. Un rêve qui a commencé à onze ans par l’écriture d’un roman dans lequel elle s’amusait à mettre en scène des lunes chimériques, aux orbites étranges, et friandes d’astéroïdes. Pour nourrir son imagination, la jeune fille se plonge alors dans les encyclopédies où elle découvre des mondes lointains aux noms de divinités grecques : Phobos, Europe, Léda, Titan, Janus, Prométhée…
Quinze ans plus tard, c’est avec la même curiosité que la chercheuse continue de les explorer au Laboratoire Atmosphères, Milieux, Observations spatiales1 et au Laboratoire d'études spatiales et d'instrumentation en astrophysique2 . Durant sa thèse, elle cherche à mieux comprendre la composition et la structure des sous-sols des satellites naturels de Saturne - trois en particulier : Dioné, Rhéa et Japet. Elle s’appuie pour cela sur les données recueillies par la sonde spatiale Cassini et les observations des radiotélescopes terrestres. En mesurant les changements de température au cours du temps, elle a notamment pu déterminer que ces lunes étaient recouvertes sur une dizaine de mètres de glace meuble et transparente, semblable à de la neige.
Ses études vont à l’avenir contribuer à déterminer l’âge de ces lunes, leur fonctionnement, leur formation, leur évolution et mieux comprendre le système de Saturne. « C’est une sorte de voyage extraterrestre, explique-t-elle. Ce que j’aime dans mes recherches, c’est essayer de visualiser, comme dans un roman de science-fiction, la structure des astres que j’étudie et de ressentir ce que cela ferait de parcourir ces environnements froids, dénués d’atmosphère et pourvus d’une faible gravité ».
La diversité des paysages qu’elle observe dans l’espace fait écho à la pluralité culturelle et géographique dans laquelle a grandi la jeune chercheuse et dont témoignent encore les sculptures burkinabè qui ornent les murs de son appartement. Fille de fonctionnaire européen, elle a vécu durant son enfance en Belgique, au Maroc, au Burkina Faso, au Mexique, avant d’entamer des études supérieures aux États-Unis. Ce n’est qu’après son Bachelor à l’Université de Cornell dans l’État de New-York qu’elle est venue en France pour intégrer le master 2 Astronomie et astrophysique de l'Observatoire de Paris. Elle y est restée un an avant de repartir à Tucson, dans l’Arizona, dans la mégalopole commencer une thèse en planétologie.
Mais la tentation de retrouver le pays de ses origines fut plus forte. « Même si aux USA mon sujet et mon équipe de thèse étaient fantastiques, j'avais envie de rentrer en France, m’y installer durablement pour enfin vivre dans le pays où j’étais née », confie la jeune femme. Lors d’une conférence scientifique aux USA, elle rencontre la planétologue Alice Le Gall qui deviendra, quelques années plus tard, sa directrice de thèse au Latmos. Une rencontre entre deux femmes scientifiques pourtant minoritaires dans ce domaine. « Les conférences scientifiques, c'est le seul endroit où les femmes ne font pas la queue aux toilettes ! C’est une blague d’astrophysicienne, sourit la chercheuse. Dans mon master, nous n’étions que six étudiantes sur 40 élèves. Pourtant les femmes sont tout aussi capables que les hommes de se lancer dans ce type d’études. »
Celle qui veut casser le « stéréotype du vieil astronome barbu seul devant son télescope », s’engage dans l’aventure SpaceBus France en 2019. Pendant un mois, elle parcourt, en tant que bénévole, la côté Atlantique pour faire découvrir aux badauds l’astronomie et les secrets de l’univers : « Cette expérience de médiation scientifique m'a permis de faire des rencontres extraordinaires, déclare-t-elle. Aller vers les gens, vulgariser nos recherches auprès du grand public fait aussi partie du travail de chercheur. »
Inspirée par Marie Curie, Léa Bonnefoy poursuit aujourd’hui sa carrière par un post-doc en collaboration entre l’Institut de physique du globe de Paris (IPGP) et l’Université de Cornell. Elle retournera une dernière fois, en 2022, dans son université d’origine pour étudier les dunes de Titan et repérer des sites d'atterrissage de la mission Dragonfly/Nasa. Récompensée en 2020 par le prix Jeunes talents L’Oréal-Unesco pour les femmes et la science, la chercheuse espère ensuite décrocher un poste au CNRS, dans une université française ou au Conseil national des astronomes et physiciens pour réaliser ses rêves.
1 Latmos : Sorbonne Université/CNRS/UVSQ
2Lesia : Observatoire de Paris-PSL, CNRS, Sorbonne Université, Université de Paris.
Crédits photographiques : Fondation L'Oréal