Katharine Barry
Docteure 2024 et lauréate du Prix Jeunes Talents L'Oréal-Unesco pour les femmes et la science
Travailler sur les politiques familiales, c'est aussi une question d’égalité entre les genres. Katharine espère contribuer à un changement vers une implication parentale plus égale dans laquelle les pères sont plus investis.
Katharine Barry vient de soutenir sa thèse de doctorant le 21 octobre 2024 sur un sujet lié à la santé publique. Grâce aux travaux qu’elle a réalisé durant son doctorat, elle est également lauréate d’un prix Jeunes talents L’Oréal-Unesco pour les femmes et la science 2024. Américaine et passionnée d'épidémiologie, elle nous raconte son histoire.
D’Atlanta à Paris et Sorbonne Université
Katharine Barry a grandi à Atlanta. Fascinée par la France, elle a grandi en regardant Julia Child, une cheffe de cuisine, américaine installée en France. Cette passion l'a poussée à faire un échange à l’âge de 19 ans, pendant lequel elle préparait des repas pour les personnes atteintes de maladies chroniques. Elle se souvient d’avoir, par exemple, appris comment atténuer le goût métallique des aliments ressenti souvent par les patients. Son intérêt pour la santé publique était né. Après l’obtention d’une licence en santé publique à l'Université de Géorgie, elle a eu la chance de recevoir une bourse de Rotary International, qui lui a permis de venir en France pour suivre un master en santé publique à l'École des Hautes Études en Santé Publique (EHESP). Elle a ensuite travaillé pendant un an à l'INSERM au sein de l'équipe d'épidémiologie sociale puis en 2021, elle a commencé une thèse de doctorat. Etudier à Sorbonne Université était un rêve de toujours, pour elle, cela voulait dire étudier dans un lieu au patrimoine scientifique riche, où des figures comme Marie Curie avaient, elles-mêmes, étudié. Et cela a été, selon Katharine, une expérience incroyable.
Un sujet sociétal d’importance pour les enfants et les parents
Le sujet de recherche doctorale de Katharine lui a permis d’étudier l'impact des politiques familiales sur la santé mentale des parents et le développement des enfants. Son premier article s’est concentré sur les effets, en France, des deux semaines de congé paternité sur la dépression post-partum des parents (père et mère). L’enjeu était de déterminer si les politiques familiales pouvaient réduire le risque de dépression, qui officiellement touche environ 17 % des mères et 10 % des pères avec des effets durables sur toute la famille. Son deuxième article a élargi cette recherche à l’Europe en explorant comment différents modes de garde avant l'école influencent le développement socio-émotionnel des enfants. Dans cette étude, Katharine a comparé les crèches, les gardes informelles (nounous, amies, grand parents, proches, etc) et la garde exclusivement parentale pour comprendre leurs impacts à long terme sur le comportement des enfants. Travailler sur les politiques familiales, c'est aussi une question d’égalité entre les genres, relate Katharine, qui espère contribuer à un changement vers une implication parentale plus égale dans laquelle les pères sont plus investis, où ils peuvent bénéficier d'un congé paternité plus long, et où les mères ont autant d’opportunités que les pères au travail et dans la société.
Le Prix Jeunes Talents France 2024 L’Oréal-UNESCO Pour les Femmes et la Science
Parmi les 537 candidatures de doctorantes, l'Académie des sciences a sélectionné 25 lauréates et Katharine a eu l’heureuse opportunité d’en faire partie. Comme chaque candidate, elle a soumis son dossier. Une semaine avant la cérémonie, toutes les lauréates se sont retrouvées pour une série de formations sur le leadership, la gestion, le sexisme au travail, la négociation, les médias. Les lauréates ont été encouragées à rêver grand dans le domaine scientifique. Selon Katharine, « ce fut une expérience à la fois émouvante et motivante qui a renforcé les liens entre toutes les jeunes femmes concernées ». Lors de la cérémonie, Katharine a été spécialement sensible au discours inspirant d'une épidémiologiste spécialisée dans la recherche sur l’endométriose car ce discours contribue à la reconnaissance de l'épidémiologie par la communauté scientifique. Katharine se souvient également avoir eu l'occasion de rencontrer l'ambassadeur américain, lors de cette soirée inoubliable. Pour Katharine, « ce prix est un honneur indescriptible ». Débutant dans sa carrière scientifique, cette reconnaissance lui a déjà ouvert des portes et valide son travail en tant qu'épidémiologiste sociale. Ce prix contribuera à la suite de son parcours. Katharine commence un post-doctorat à l’École des Hautes Études en Santé Publique, où elle va étudier l’impact du VIH chez les enfants sur leur développement cognitif au Mozambique. C’est un nouveau domaine pour elle, et elle compte suivre des cours pour renforcer ses connaissances, participer à des conférences sur la santé mentale et collaborer avec l'ISGlobal* de Barcelone.
L'engagement des jeunes femmes en sciences
À toutes les jeunes femmes qui envisagent une carrière scientifique, Katharine lance un appel « sachez que nous avons besoin de vous ! Nous avons besoin de recherches pour les femmes, par des femmes ». Elle constate que seulement environ 30 % des postes de recherche sont occupés par des femmes, et seulement 8 % de ces postes sont à des niveaux de direction. La diversité dans la science est essentielle car elle apporte des perspectives nouvelles. Elle donne comme exemple, de nombreuses technologies médicales aujourd’hui sont conçues en pensant aux hommes. La conséquence ? Plus de femmes que d'hommes meurent de pathologies cardiaques, car les équipements diagnostiques sont souvent calibrés pour la physiologie masculine, ignorant les différences de symptômes et de biomarqueurs.
*L'ISGlobal (l'Institut de la Santé Globale), basé à Barcelone, est une organisation de recherche dédiée à la résolution des défis de santé mondiaux. Elle se concentre sur des enjeux de santé mondiale, tels que les maladies infectieuses, la santé environnementale, les inégalités de santé et l'impact du changement climatique sur la santé publique. Katharine va collaborer avec l'équipe de Barcelone, qui a déjà commencé à travailler sur le paludisme au Mozambique, et travailler ensemble sur le VIH chez les mères et les enfants.
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