Katarina Grznarova

Chercheuse postdoctorante à l'Institut du Cerveau

Il est très enrichissant de voir comment d'autres scientifiques mènent leurs recherches

Pouvez-vous nous parler de votre domaine d'expertise ?

J'ai un doctorat en neurosciences et en biochimie. À l’Institut du Cerveau de Paris (Sorbonne Université/CNRS/Inserm/AP-HP), j'étudie les maladies neurodégénératives comme Parkinson, Alzheimer et les maladies à prions. Plus particulièrement, je me concentre sur les protéines, notamment l'interaction et l'agrégation des protéines impliquées dans ces maladies. Mes collègues et moi travaillons sur le développement de méthodes diagnostiques pour la détection précoce des maladies neurodégénératives dans les liquides biologiques comme le liquide céphalo-rachidien. Pour ce faire, nous nous concentrons sur la forme agrégée des protéines associées à ces maladies.

À quelle école de printemps avez-vous participé en Inde ?

J'ai participé à l'atelier de biologie structurale de l'école de printemps de l’Institut indien de technologie de Delhi (IITD), axé sur la cryo-microscopie électronique et la cristallographie. J'avais peu de connaissances sur les techniques que nos collègues de l'IITD nous ont démontrées. La cristallographie, par exemple, n'est pas mon domaine d'expertise, donc c'était fascinant de voir comment les choses étaient faites. En tant que chercheurs, nous lisons les publications scientifiques, comprenons les résultats, mais nous ne voyons pas toujours comment certaines expériences sont réalisées concrètement. C'était incroyable de découvrir comment les cristaux sont créés et comment la cryo-microscopie électronique est conduite.

Qu'est-ce que cela a fait de rencontrer et de collaborer avec des chercheuses et chercheurs là-bas ?

C'était très enrichissant. Les installations de l'IITD sont impressionnantes. Ils ont des laboratoires spécialisés dirigés par de brillants scientifiques. Nous avons travaillé en étroite collaboration avec les professeurs Ashok Patel et Manidipa Banerjee. C'était génial de combiner notre expertise et toujours inspirant de voir comment d'autres personnes font de la recherche.

Qu'avez-vous retenu de plus important de cette expérience ?

Probablement les relations que nous avons créées avec les étudiantes et étudiants, les jeunes chercheuses et chercheurs ainsi qu'avec les professeurs, et toutes les autres personnes que nous avons rencontrées. Tout le monde était très chaleureux, enthousiaste, avec des parcours et des expertises scientifiques impressionnants, et beaucoup de connaissances qu'ils partageaient volontiers. La plus belle chose que j'ai entendue a été de la part du professeur Patel. Il a dit : « Demandez-moi n'importe quoi, n'importe quand. Avant tout, nous sommes des enseignants. Notre mission principale est d'enseigner. »

Et bien sûr, ils ont vraiment pris soin de nous. Ils nous ont montré les plus beaux endroits de Delhi et de ses environs. Ils ont veillé à ce que nous soyons bien divertis, en sécurité et à l'aise. Nous avons aussi très bien mangé !

Quel rôle cette collaboration en Inde joue-t-elle dans votre future carrière ?

À l'Institut du Cerveau de Paris, nous n'avons pas les installations pour effectuer des techniques de cristallographie ou de cryo-microscopie électronique. Cela demande également des compétences, des équipements spécifiques et de l'espace. Mon séjour en Inde m'a fait comprendre combien de compétences et de formation continue sont nécessaires pour réaliser ces techniques. C'est particulièrement le cas pour la CryoEM : manipuler les grilles de microscope qui portent les échantillons pour créer une glace vitrifiée très fine qui permet, via le microscope électronique, de voir les particules d'échantillon piégées à l'intérieur. Grâce à la reconstruction 3D, nous pouvons obtenir une image très détaillée de l'échantillon.

J'étais très heureuse de faire la connaissance du professeur Patel et du professeur Banerjee. Je pense que de nombreuses chercheuses et chercheurs de l'Institut du Cerveau pourraient bénéficier des nouvelles plateformes de Cryo-EM et de cristallographie de l'IIT Delhi, qui seront très bientôt opérationnelles au niveau international.

Non seulement nos collaborateurs indiens ont les compétences et les équipements pour le traitement des échantillons, mais ils ont également une forte volonté d'enseigner et de collaborer. Nous avons discuté de collaborations futures pour découvrir la structure des agrégats de protéines isolés à partir d'échantillons humains, ainsi que des programmes d’échange de plusieurs mois auxquels des doctorantes et des doctorants pourraient participer.

Quel est le plus grand défi dans le travail d'un postdoc ou d'un ingénieur de recherche ?

En tant qu'ingénieur de recherche, nous avons une ou plusieurs expertises. Nous mettons en place les techniques dans lesquelles nous sommes experts et en développons de nouvelles. Nous aidons à réaliser ces techniques en collaboration avec différentes chercheuses et chercheurs, aidons à adapter ces approches à différents projets et donnons notre avis sur une partie de la question scientifique. De plus, nous formons et accompagnons les étudiantes et étudiants en master et en doctorat du point de vue technique, si cela relève de notre compétence.

Être postdoc consiste principalement à faire avancer un projet scientifique autant que possible dans le temps de financement donné, puis à communiquer dessus dans des revues scientifiques. Il est courant de rédiger une demande de financement pour le suivant avec les résultats préliminaires alors que le projet n'est pas encore terminé. 

Parfois, nous apprenons sur le tas. C'est généralement la partie la plus amusante. Le défi, je pense, est de jongler entre ses propres recherches et d'être disponible pour les autres. Il faut toujours prioriser et c'est parfois une lutte. La recherche est extrêmement enrichissante, peut être très gratifiante, mais elle est aussi très exigeante. Un autre défi est de concilier vie personnelle et professionnelle ! 

Qu'est-ce qui a éveillé votre intérêt initial pour les maladies neurodégénératives ?

Je suis intéressée par le repliement des protéines. J'ai postulé pour un poste de doctorat avec un projet très intéressant axé sur le repliement de la PrP (protéine prion) et son interaction avec Abeta, un peptide connu pour s'agréger dans la maladie d'Alzheimer.

La maladie de Parkinson, les maladies à prions ainsi que la maladie d'Alzheimer sont des pathologies qui partagent des mécanismes similaires d'agrégation et de propagation des protéines. Le mécanisme commun de repliement des protéines m'a conduit à travailler sur les outils de diagnostic de la maladie d'Alzheimer.

La maladie d'Alzheimer est l'une des grandes questions sociétales, car elle représente une lourde charge pour le système de santé et la société. Un défi important dans la prise en charge des patients est d'initier la stratégie thérapeutique dès que possible au cours de la maladie, même à la phase prodromique, pour maximiser l'efficacité du traitement. C'est là que la recherche de notre équipe intervient. C'est excitant de pouvoir voir les applications médicales de notre recherche.