Helena Moguel-Houssin

Helena Moguel-Houssin 

Prix du public MT180

Il faut aller au-delà de ses petites peurs.

À 26 ans, la doctorante franco-mexicaine est en troisième année d’une thèse en immunologie consacrée à guérir les allergies alimentaires. Sa présentation pour la qualification des représentants de Sorbonne Université à la demi-finale française du concours Ma thèse en 180 secondes lui a valu le prix du public.

Votre présentation lors du concours portait sur les allergies alimentaires. Mais quel est exactement le sujet de votre thèse ?

Helena Moguel : J’essaye d’arriver au même résultat qu’un vaccin, c’est-à-dire créer une réponse immunitaire, mais au lieu d’une réponse défensive, je veux déclencher une réponse qui permette de tolérer quelque chose. Dans les allergies alimentaires, il y a une réaction d’hypersensibilité qui est spécifiquement dirigée contre certains composants présents dans les aliments (allergènes). C’est un modèle de pathologie relativement simple pour essayer d’initier cette réponse de tolérance spécifique et de soigner la maladie. Cette réponse ciblée est menée par des cellules immunitaires particulières, les lymphocytes T régulateurs (Treg), dont on cherche à mobiliser ceux qui sont spécifiques de l’allergène en cause. L’hypothèse que nous avons formulée dans mon laboratoire* est que, pour les recruter et les amplifier, on pourrait associer l’interleukine 2 – la molécule star de mon équipe, qui permet de renforcer les Treg – à faible dose et l’allergène dans des conditions qui ne déclenchent pas de réponse immunitaire mais qui, au contraire, favorisent la tolérance. L’allergie est un déséquilibre du système immunitaire, un jeu de balance difficile à maintenir. L’idée est de livrer l’allergène sans sonner l’alarme et déclencher une inflammation disproportionnée.
 
Le but est donc de contrôler l’allergie ?

Helena Moguel : Le but est de la guérir ! Il existe déjà des thérapies basées sur l’administration d’allergènes en faibles quantités que l’on augmente progressivement pour élever le seuil de tolérance. Mais cela prend des années là où nous recherchons un résultat quasi-immédiat. Pour cela, nous tablons sur l’association de l’allergène et de l’interleukine 2. Mon travail de thèse consiste à déterminer la bonne dose et la bonne formulation de ce cocktail à administrer et d’en étudier l’impact sur la biologie des Treg.
 
Comment vous-êtes vous retrouvée sur la scène de Ma thèse en 180 secondes ?

Helena Moguel : En 2016, quand j’étais en stage de licence, j’ai assisté aux Journées de l’école doctorale 394 du Centre de recherche des Cordeliers. Un des doctorants a présenté sa thèse telle qu’il l’avait fait au concours et qui lui avait valu un prix. J’ai trouvé le concept très bon et j’ai voulu faire pareil, participer au partage de connaissances. Je ne suis pas à l’aise pour parler en public, postuler en thèse n’a pas été facile. Mais en même temps, la médiation m’intéressait. Je me suis demandé si j’étais vraiment légitime de vouloir en faire si je ne tentais pas l’aventure. D’autant que mon sujet est très appliqué donc je partais avec un gros avantage. Il faut aller au-delà de ses petites peurs. Cette année-là, durant l’été, j’ai commencé ce que mes tantes ont appelé « la minute de science ». Ma famille est plutôt littéraire et ça m’amusait de leur expliquer des concepts appris à l’université. En master, j’ai découvert qu’on pouvait participer à une mission de médiation scientifique en parallèle du doctorat. J’étais prête à faire une thèse rien que pour ça !

Comment avez-vous reçu ce prix du public ?

Helena Moguel : J’étais très émue, je pense que ça s’est vu ! Je ne m’y attendais pas même si je me suis beaucoup entraînée. Je voulais surtout que les gens comprennent tout le contexte et les enjeux derrière la recherche, que ce n’est pas si facile de simplement mélanger deux éléments et pour obtenir la réponse que l’on souhaite.
 
Votre futur, paillasse ou médiation ?

Helena Moguel : Cela fait deux ans que je participe activement aux ateliers Vis ma vie de chercheur, proposés par l’Institut de Biologie Paris-Seine. C’est une bulle d’air dans ma thèse et j’aime tout simplement bien l’idée de partager des connaissances, de donner envie aux lycéens de découvrir des intérêts qu’ils ne soupçonnaient peut-être pas, de leur dire que la science ce n’est pas s’asseoir et écouter quelqu’un parler des heures, que l’on peut être acteur de la recherche. Je ne sais pas si j’en ferai mon métier parce que je veux faire beaucoup de choses, de toucher un peu à tout et de trouver ce qui me correspondra le mieux. Pour ce qui est de la recherche, je pense que j’ai eu ma dose. J’aime travailler à la paillasse mais c’est un métier difficile. C’est assez pesant que le retour sur l’investissement personnel soit si long et si compliqué. Aujourd’hui, c’est plutôt la valorisation des travaux de recherche qui m’intéresserait.
 

*i3 : Immunologie, Immunopathologie, Immunothérapeutique (INSERM, Sorbonne Université)

MT 180 | Helena Moguel, prix du public 2021