Harry Sokol
Gastro-entérologue et spécialiste du microbiote intestinal
Nous avons été parmi les premiers à mettre en évidence scientifiquement les altérations du microbiote chez les patients atteints de Mici.
Professeur en gastro-entérologie à l’hôpital Saint-Antoine (AP-HP/Fédération hospitalo-universitaire IMPEC/Sorbonne Université) et enseignant à la faculté de Médecine de Sorbonne Université, Harry Sokol a fait du microbiote intestinal sa spécialité. Depuis vingt ans, il cherche à développer de nouveaux traitements pour soulager les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin, cet organe qu’on appelle communément « le deuxième cerveau ».
Harry Sokol en a dans le ventre, c’est le cas de le dire. Âgé de 45 ans, il est professeur en gastro-entérologie à l’hôpital Saint-Antoine à Paris et enseignant à la faculté de Médecine de Sorbonne Université. Son domaine de prédilection : le microbiote, cet ensemble de micro-organismes (bactéries, champignons, virus, etc.) fourmillant dans l’intestin, qu’il a étudié sous toutes ses coutures. Jusqu’à devenir une référence internationale sur le sujet grâce à ses nombreux travaux publiés dans plusieurs publications scientifiques.
Parisien de souche, c’est dans la capitale que Harry Sokol s’inscrit à des études de médecine. À l'université Paris Descartes, le jeune étudiant s’épanouit, mais pense déjà à la suite : il veut faire de la recherche, il a fait médecine pour cela. Après avoir choisi de se spécialiser en gastro-entérologie, une rencontre fait basculer sa carrière. « J’ai rencontré le professeur Philippe Marteau, gastro-entérologue à l’hôpital européen Georges Pompidou à l’époque, et de fil en aiguille, il m’a proposé de travailler avec lui. C’était une occasion à saisir ».
Percer les mystères du microbiote
Nous sommes en 2003. Pendant un an, Harry Sokol fait une pause dans ses études pour intégrer un laboratoire au sein duquel va naître son intérêt pour le microbiote intestinal. « Si aujourd’hui, le microbiote intestinal est un sujet d’intérêt majeur pour la science et la médecine, ce n’était pas le cas à l’époque, rappelle le spécialiste. C’était même un sujet marginal ». L’apprenti chercheur souhaite déterminer comment le microbiote intestinal joue un rôle dans les maladies inflammatoires de l’intestin (Mici). Pari gagné. « Nous avons été parmi les premiers à mettre en évidence scientifiquement les altérations du microbiote chez les patients atteints de Mici. C'était une expérience extraordinaire. »
Enhardi par cette année de recherche, Harry Sokol reprend ses études de médecine et démarre en parallèle une thèse en sciences. Le moyen pour lui de continuer la recherche et de percer d’autres mystères autour du microbiote. Comme celui entourant l’une des bactéries dominantes qui le composent, répondant au nom de Faecalibacterium prausnitzii.
« Chez les patients atteints d’une Mici, on s’est aperçu que cette bactérie disparaissait du microbiote. On s’est alors demandé si cette bactérie ne pouvait pas avoir des effets anti-inflammatoires. Ce qu’on a vérifié ensuite dans nos essais in vitro et sur des modèles animaux. Nos tests se sont révélés concluants. »
Des résultats probants que le scientifique rapporte dans un article paru en 2008. Car là encore, c’est une première. Depuis, Harry Sokol continue d’étudier ce probiotique de nouvelle génération, avec l’idée de progresser vers l’élaboration d’un médicament. Cela pourrait d’ailleurs survenir dans les prochaines années : les premiers essais cliniques ont été lancés fin 2022 en Belgique et en Pologne.
Des avancées scientifiques majeures
Mais Harry Sokol n’est pas rassasié. Sa soif d’apprendre est intacte. Entretemps, il est parti se former pendant deux ans aux Etats-Unis, à l’université d’Harvard, où il côtoie d'éminents scientifiques, entre 2009 et 2011. « Il y avait le prix Nobel de Médecine à mon étage, c’était dingue ». À son retour en France, en 2012, il crée son équipe de recherche. Celui qui a gagné peu à peu ses galons dans le monde de la gastro-entérologie tente une nouvelle expérience parmi d’autres : réaliser une transplantation de matière fécale (riche en microbiote) chez des patients atteints de la maladie de Crohn, une des deux formes de Mici.
Nouveau succès. « Ce type de transplantation était efficace pour la rectocolite hémorragique, mais aucune étude n’avait jusqu’alors démontré son impact positif pour la maladie de Crohn », se réjouit-il. Il est devenu depuis président du Groupe français de transplantation fécale et coordonne le centre de transplantation fécale de l’AP-HP.
Passionné par son métier, Harry Sokol s’adonne à transmettre, aussi bien auprès des étudiantes et étudiants de Sorbonne Université, qu’auprès du grand public. Pour preuve, il vient de publier en septembre dernier aux éditions De Boeck Supérieur, une BD intitulée « Les extraordinaires pouvoirs du ventre », et réalisée avec la dessinatrice Judy. Un format de livre ludique et pédagogique invitant au voyage au cœur de notre microbiote pour mieux le comprendre. « Comme mon travail est complexe, je réfléchis souvent à travers des images, confie Harry Sokol. Je l'explique aussi avec des dessins. On a donc créé un scénario pour que l’univers du microbiote devienne accessible ».
Histoire de donner aux lecteurs, du cœur au ventre.