Hakim Atek
Astronome à l’Institut d’astrophysique de Paris
Ce qui me fascine, c’est de comprendre notre place dans l’univers.
Chercheur à l’Institut d’astrophysique de Paris, Hakim Atek s’intéresse à la formation et l’évolution des toutes premières galaxies. À l’aide des dernières générations de télescopes spatiaux et des lentilles gravitationnelles, il cherche à comprendre comment les galaxies de faible masse ont contribué à réioniser l’Univers à ses débuts. Ses travaux ont fait l’objet d’une récente publication dans la prestigieuse revue Nature.
Un scientifique qui voit loin. Très loin. Depuis son laboratoire de l’Institut d’astrophysique de Paris (IAP), appartenant à Sorbonne Université, Hakim Atek observe les galaxies qui existaient quelques centaines de millions d’années après le Big Bang. Une période jusqu’à présent mal connue, mais qui permet de comprendre comment s’est structuré l’univers à ses débuts.
Au plus près du Big Bang
Grâce au télescope spatial Hubble dans un premier temps, puis de James Webb, lancé en décembre 2021, Hakim Atek cherche à comprendre le rôle des galaxies naines, composées de quelques millions d’étoiles seulement, dans la réionisation de l’univers. Ce processus, qui se situe au cours du premier milliard d’années écoulées après le Big Bang, a permis à l’hydrogène neutre présent dans l’univers de se dissiper et à la lumière de le traverser librement. « C’est l’une des transitions les plus importantes de l’histoire de l’univers », explique le scientifique sur la terrasse de l’IAP, situé à un jet de pierre de l’Observatoire de Paris.
Avec une équipe composée de chercheurs de plusieurs pays, Hakim Atek a réussi démontrer le rôle important joué par ces galaxies de faibles masses. « On a confirmé que les petites galaxies étaient cent fois plus nombreuses que les galaxies massives. Le résultat le plus étonnant est leur pouvoir ionisant. Il est beaucoup plus important que ce qu’on pensait. Elles sont quatre fois plus efficaces que les galaxies normales. Ça nous dit aussi comment les galaxies se sont distribué dans l’univers très jeune », détaille l’astronome.
« Comprendre notre place dans l’univers »
Une découverte qui n’aurait pas pu se faire sans la sensibilité exceptionnelle du James Webb Space Telescope (JWST). Lancé conjointement par la Nasa et l’Esa, l’agence spatiale européenne, ce télescope spatial de la taille d’un autobus effectue ses observations dans l’infrarouge, ce qui lui permet de remonter le temps à quelques centaines de millions d’années après le Big Bang. « On a plein de théories et si on ne les confronte pas à l’observation, c’est difficile d’avancer. Pour l’exploration de l’univers lointain, de l’univers jeune, on a besoin de télescopes plus performants et de les lancer dans l’espace », estime Hakim Atek.
Âgé d’une quarantaine d’années et originaire de Kabylie, en Algérie, ce dernier a toujours été passionné par la science et l’astrophysique. « Ce qui me fascine, c’est de comprendre notre place dans l’univers. On a toujours exploré ce qui se passait, depuis les chasseurs-cueilleurs jusqu’aux navigateurs. J’ai toujours pensé que c’était le rôle de l’être humain de comprendre l’univers et pas juste son environnement proche », raconte le chercheur, membre du Corps national des astronomes et physiciens (Cnap).
« Un labo sans mur »
Après une thèse soutenue en septembre 2009 sur la raie de recombinaison de l’hydrogène Lyman-alpha, Hakim Atek s’envole en post-doc à Caltech, l’Institut de technologie de Californie, jusqu’en 2012. Il rejoint ensuite l’École polytechnique fédérale de Lausanne, en Suisse, reconnue comme l’une des meilleures écoles scientifiques du monde, pour un nouveau post-doc jusqu’en 2015. Il complète sa formation pendant une année supplémentaire en tant que chercheur associé à l’université de Yale, aux États-Unis, avant d’être recruté à l’IAP en 2017. « L’expérience internationale est très recommandée dans ce domaine, parce que ça ouvre beaucoup de voies et de collaborations. Ça permet de voir aussi les façons de travailler différentes. À l’IAP, on n’est pas dans une démarche de travailler seulement avec ses collègues de bureau d’à côté. C’est un labo sans mur », ajoute Hakim Atek.
En parallèle, le chercheur dirige un groupe de travail d’une centaine de personnes sur l’univers primordial qui passe par le télescope spatial européen Euclid, lancé il y a un an, et qui a donné ses premiers résultats il y a quelques semaines, publiés par l’ESA. Après l’été, il va diriger un autre programme où le JWST va observer pendant 150 heures une région du ciel en utilisant une autre loupe gravitationnelle pour se rapprocher encore plus du Big Bang et détecter les toutes premières galaxies de l’univers. « Quel est leur contenu en étoiles, quel est l’âge de ces étoiles et surtout quelles sont les conditions de formation de ces galaxies ? Les observations vont arriver en septembre », résume Hakim Hatek.