Gérard Duchêne et Mathilde Maurel
Professeur honoraire aux Universités de Paris et directrice de recherche au CNRS, membres de l’association AROSES, mécène de la Fondation
Les dons sont nécessaires pour que les étudiants développent une pensée critique et construisent le monde de demain.
Professeur à l'université et directrice de recherche au CNRS, Gérard Duchêne et Mathilde Maurel sont membres de l'AROSES, une association rattachée à un laboratoire du CNRS qui vient de fermer. Très touchés par le conflit en Ukraine, ils ont décidé de faire don des fonds restants de l'association à notre programme Urgence Ukraine. Retour sur leur parcours et leur engagement.
Vous êtes professeur aux Universités de Paris et Directrice de recherche au CNRS, racontez-nous votre parcours, à vous et AROSES.
G.D : Après ma thèse sur l’économie soviétique dans les années 1970, j’ai poursuivi mes recherches sur ce système. Ces travaux étaient réalisés dans un cadre universitaire, comme professeur aux universités de Paris. Bien entendu, tout s’est accéléré au cours de la période Gorbatchev – Eltsin et je me suis orienté vers le conseil aux gouvernements issus de l’éclatement de l’ex-URSS. Ceci répondait à une demande de l’Union Européenne qui, par son programme Tacis, a financé des travaux de recherche et du conseil au gouvernement ukrainien comme à tous les pays de l’ex-URSS. Nous avons créé avec d’autres collègues un laboratoire au CNRS, le ROSES (Réforme et Ouverture des Systèmes Economiques Socialistes), qui portait sur l’étude des pays en transition, c’est à dire des pays qui sortaient du communisme pour aller vers l’économie de marché. Nous produisions beaucoup de publications avec une équipe nombreuse qui étudiait ce sujet. Il y avait donc une forte interaction entre le travail de l’équipe et les activités de conseil.
M.M : Je suis Directrice de recherche au CNRS et j’ai intégré dans les années 1990 le ROSES qui était une UMR (Unité Mixte de Recherche) Paris I et CNRS. Le ROSES était un laboratoire avec de nombreux chercheurs français et étrangers, pour la plupart très connus, qui avait une grande attractivité. C’était un centre de référence, reconnu aussi par le travail mené par celles et ceux qui partaient conseiller les pays en transition. Quand le laboratoire a continué à évoluer vers d’autres directions dans les années 2000 nous avons décidé de créer l’Association du ROSES, ancien nom du laboratoire, pour continuer ce travail de recherche et de conseil.
Pourquoi vous êtes-vous spécialisé dans ces domaines de recherche ?
G.D : En marge de mes activités de recherche, j’avais été en contact avec des collègues soviétiques, russes, ukrainiens et d’autres nationalités. Plusieurs ont accédé à des responsabilités politiques en Russie sous Gorbatchev puis Eltsin et m’ont appelé à les conseiller. L’Ukraine, devenue indépendante en 1991, avait encore plus besoin de soutien international de la part de l’Union Européenne. C’est ainsi que j’ai été un des premiers conseillers économiques de l’Ukraine peu après son indépendance. J’ai donc choisi ce domaine de recherche car d’une part je parle russe et d’autre part je souhaitais confronter mes recherches théoriques à la réalité.
M.M : Pour ma part j’ai fait ma thèse sur la désintégration de l’espace soviétique et j’ai très naturellement développé des travaux sur des sujets très divers dont la question de l’élargissement de l’Union Européenne. Ma thèse concernait notamment l’économie appliquée en Europe Centrale et Orientale, avec une perspective historique : c’est ce qu’on appelle de la cliométrie. J’ai été passionnée par ces sujets sur lesquels j’ai pu travailler avec Gérard et j’ai ensuite décidé de continuer dans cette direction.
Vous avez décidé de verser les fonds restants de votre association AROSES à notre fonds Urgence Ukraine, pourquoi ce choix ?
G.D : L’AROSES a été pendant longtemps engagée dans le travail de conseil et de suivi des pays en transition provenant de l’ex bloc-soviétique. Il se trouve qu’au début des années 2000 les activités de l’association ont commencé à changer, et étant donné qu’il restait des fonds, nous avons décidé de les attribuer à votre fondation car elle nous a semblé poursuivre les buts et valeurs que l’on s’était fixés à l’origine.
M.M : Le ROSES était un laboratoire de recherche avec des sensibilités très différentes sur l’Europe de l’Est. Le caractère injustifié et criminel de la guerre actuelle touche notre sensibilité, très affirmée dans l’association AROSES notamment, par la défense des valeurs européennes et démocratiques dans notre travail. Nous avons suivi avec beaucoup d’intérêt les évolutions du pouvoir en Russie dès le début des années 2000, et savions que les choses allaient dans la mauvaise direction. Coïncidence, nous fermons l’association en pleine guerre en Ukraine, et nous sommes très touchés par la situation. Nous avons donc souhaité faire ce don pour soutenir les étudiants de Sorbonne Université touchés par le conflit.
En tant que chercheur et donateur, sentez-vous que vous contribuez encore un peu plus à trouver des solutions pour l’avenir en faisant un don, en plus de votre activité de recherche ?
M.M : Nous savons que la recherche est effectivement très utile, à long terme. Mais nous en avons vu les limites avec la crise actuelle, car nous n’en serions pas là aujourd’hui si la recherche était totalement écoutée, et ce malgré les nombreux travaux menés sur la question russe et ukrainienne. L’argent, lui, par le don, est plus utile à court terme et permet de soutenir les étudiants touchés par la crise. Et pas seulement sur le court terme d’ailleurs : en les aidant aujourd’hui on leur permet à long terme de terminer leurs études en France, on leur donne un avenir, car il n’est ni en Ukraine ni en Russie dans les années à venir.
Quel message auriez-vous pour quelqu’un qui considère faire un don à la Fondation ? Notamment au programme Urgence Ukraine ?
G.D : Nous comptons sur vous pour donner une réalité à cette vision que vous avez, pour aider les étudiants touchés par le conflit. Nous sommes économistes et nous avons donc une vision surement biaisée sur les sujets que vous soutenez, en Lettre, Sciences, Médecine, mais nous avons été très impressionnés par la qualité des projets que vous avez présentés lors de la soirée des donateurs le 13 juin dernier. Nous sommes très heureux de pouvoir soutenir ces jeunes qui sont les futures élites intellectuelles de leurs pays.
M.M : En soutenant Urgence Ukraine, on aide ces pays sur le long terme à être résolument plus pacifistes et européens, et on leur donne les moyens de lutter contre les dictatures qui les menacent. L’éducation est la clé pour mener à bien ce combat. A travers elle, on peut espérer contribuer à l’éradication des fake news, des mensonges, de l’endoctrinement... Les dons sont nécessaires pour que les étudiants développent une pensée critique et construisent le monde de demain.