Geneviève Almouzni
Biologiste et directrice du centre de recherche de l'Institut Curie
En tant que femme dans le domaine de la recherche, on est souvent confrontées à des situations spécifiques.
Dans le domaine de la biologie moléculaire, Geneviève Almouzni est une figure de référence. Lauréate du prix international L'Oréal UNESCO pour les femmes et la science en 2024, elle témoigne d’un parcours d’excellence dédié à l’étude de l’ADN et à la dynamique cellulaire, avec des recherches pionnières à l’Institut Curie.
Née en Algérie et ayant grandi en Alsace, Geneviève Almouzni développe dès son enfance un intérêt pour la nature et les sciences, nourrie par des expériences simples et marquantes, comme l’observation des têtards en compagnie de sa mère : « Je trouvais ça absolument fascinant de voir comment ils se développaient dans les étangs ». Cette première curiosité pour le vivant évolue rapidement en une vocation scientifique et la conduit vers une carrière dédiée à comprendre les mystères de la biologie.
Après un parcours scolaire classique en Alsace, elle intègre les classes préparatoires en biologie à Strasbourg, puis accède à l’École normale supérieure de Fontenay-aux-Roses. Elle y découvre des aspects novateurs de la biologie moléculaire et bénéficie de l'encadrement et du soutien de mentors, comme le biologiste Claude Desplan, basé aux États-Unis.
Une carrière internationale avant le retour en France
Après avoir obtenu une agrégation en biochimie et en génie biologique, elle entame un master à l’Institut Jacques Monod, suivi d’une thèse dans le laboratoire du biologiste moléculaire Marcel Méchali qui revenait tout juste de Cambridge et lançait son équipe. « Je travaillais alors sur le xénope, un amphibien fascinant. Un retour à l’enfance et à l’exploration des têtards, en quelque sorte ». La boucle est bouclée. Elle poursuit : « C’est à ce moment-là que mon intérêt s’est porté sur l’organisation de l’ADN dans le noyau et sa dynamique au cours du développement et dans différents types cellulaires ».
Le désir d’explorer davantage l'organisation et la fonction du génome pousse Geneviève Almouzni à effectuer un postdoctorat aux États-Unis, dans le laboratoire d’Alan Wolffe, un ponte dans le domaine, au National Institutes of Health (NIH), l’agence nationale de recherche en santé et en biomédecine américaine. « Alan Wolffe était à l’époque en train de démarrer son équipe au NIH et il venait de l'équipe de Donald Brown, un autre expert de renommée en sciences, qui avait beaucoup travaillé sur les systèmes de transcription in vitro », précise-t-elle. Là, elle approfondit ses travaux sur l’organisation de la chromatine1 et ses implications fonctionnelles, en intégrant des approches de transcription et la dimension d’organisation en chromatine.
Bien qu’attirée par l’environnement scientifique dynamique des États-Unis, Geneviève Almouzni choisit de revenir en France, motivée par les opportunités de développement de carrière offertes par le CNRS et par son attachement à la culture française : « J’avais très envie de revenir en France. J’ai aussi eu mon fils à cette période et c’était important qu’il soit plus proche de ma famille. » Elle obtient en parallèle une aide à l’installation de jeunes équipes qui lui permet de fonder sa propre équipe de recherche à l’Institut Curie dans un environnement stimulant. Elle y poursuit ses recherches en épigénétique et en biologie cellulaire.
Un rôle de modèle pour les jeunes chercheuses
Tout au long de sa carrière, Geneviève Almouzni s’implique activement dans l’enseignement et la formation des jeunes scientifiques dans une dimension internationale. Son engagement la conduit à créer, avec le soutien de Sorbonne Université, et grâce au réseau d’excellence EpiGeneSys, le premier cours international d’épigénétique au sein de l’Institut Curie, un programme qui célèbre cette année sa 20ᵉ édition. « L’enseignement m’a toujours beaucoup intéressé, souligne-t-elle. Pendant que je faisais ma thèse, je donnais alors des cours à l'université Pierre et Marie Curie, qui est devenue Sorbonne Université ». À l’Institut Curie, la chercheuse développe alors une cellule d'enseignement, dont elle a longtemps assuré la coordination.
Au printemps dernier, Geneviève Almouzni reçoit le prix international L'Oréal-UNESCO pour les femmes et la science, une distinction qui a particulièrement résonné avec son parcours. « En tant que femme dans le domaine de la recherche, on est souvent confrontées à des situations spécifiques. J’ai par exemple dû faire face aux défis de concilier ma carrière avec mon rôle de mère, sans disposer de systèmes de soutien adaptés. Recevoir ce prix a donc été particulièrement émouvant, d’autant que cela a permis à de nombreuses jeunes femmes de venir me témoigner combien il est important pour elles d’avoir des modèles féminins auxquels s’identifier. »
Gageons que si cette reconnaissance peut inspirer d'autres jeunes femmes à envisager une carrière scientifique, Geneviève Almouzni aura pleinement rempli son rôle.
Par Pauline Ponchaux
1 - La chromatine est la forme sous laquelle se présente l'ADN dans le noyau de la cellule
France 2030 : Identités et destins cellulaires, le projet Cell-ID
Geneviève Almouzni est la directrice scientifique du programme de recherche PEPR Identités et destins cellulaires (Cell-ID). Ce programme piloté par le CNRS et l’Inserm implique déjà une trentaine d’équipes et est financé à hauteur de 50 millions d’euros par France 2030 sur sept ans. Elle explique : « Nous cherchons à comprendre comment les cellules se spécialisent au cours du développement d’un organisme et comment elles peuvent dévier de la norme dans des conditions pathologiques. »
Ce projet s’intéressera particulièrement aux maladies du cerveau, dont certains cancers pédiatriques, avec l’objectif d’adapter ces techniques à d’autres pathologies. Ce programme aspire non seulement à faire progresser la recherche fondamentale sur l'identité cellulaire, mais aussi à explorer des applications cliniques potentielles en oncologie pédiatrique. « Nous avons en outre un volet de formation important. Nous allons recruter des doctorants et des postdoctorants, avec l'ambition de les former de manière interdisciplinaire et de favoriser des approches collaboratives qui seront essentielles pour l'avenir. »