Eric Guilyardi

Eric Guilyardi

Climatologue et océanographe

Une éducation au climat demande une base scientifique forte

Directeur de recherche CNRS au laboratoire d'océanographie et du climat LOCEAN (Sorbonne Université/CNRS/IRD/MHNH), Eric Guilyardi est aussi le président de Office for Climate Education, une organisation qui sensibilise l’éducation au changement climatique dans une vingtaine de pays. Avec l’objectif de donner les clés de compréhension aux futures générations et les compétences pour agir en tant que citoyennes et citoyens éclairés. 

« Dans le régime des âmes, il faut une tasse de science, un baril de prudence et un océan de patience ». Cette citation de Saint-François de Sales, un évêque de la Renaissance, résume bien la vision d’ensemble et la mesure qu'Eric Guilyardi juge nécessaire pour répondre aux défis que pose le changement climatique dans le monde. Directeur de recherche au LOCEAN, ses travaux de recherche portent sur le rôle de l’océan dans les variations de la machine climatique. « Durant l’enfance, j’ai passé beaucoup de temps en Bretagne, au bord de la mer, c’est un environnement qui m’a toujours fasciné », confie-t-il pour expliquer sa vocation. Diplôme d’ingénieur en poche, spécialisé dans la modélisation numérique, Eric Guilyardi se lance dans une thèse sur le rôle de la physique sur la formation et la consommation des masses d’eau dans un modèle couple océan-atmosphère. Un terrain de recherche immense : l’océan recouvre 70 % de la surface de la terre. « Dire planète mer que planète terre aurait d’ailleurs été plus juste », glisse-t-il sérieusement.

Pour bien comprendre, l’océan représente un rouage essentiel dans la machine climatique. « Il produit des échanges de chaleur d’eau et de carbone continus avec l'atmosphère. L'océan absorbe 90 % de la chaleur additionnelle due au réchauffement du climat lié à l’activité humaine et le quart des émissions de gaz à effet de serre qui en sont responsables », développe Eric Guilyardi. L’océan joue ainsi un rôle de régulateur dans le réchauffement climatique : il modère la hausse de la température de surface, limite le dioxyde de carbone dans l’atmosphère. Si l’océan est donc notre allié face à ce défi, il en subit aussi les conséquences. « Il se dilate en devenant plus chaud et donc le niveau de la mer monte. Il devient aussi plus acide, avec un impact sur la biosphère marine et l’ensemble de la chaîne alimentaire », ajoute le chercheur. 

Dans l’étude des variations du climat, Eric Guilyardi se concentre sur la compréhension du phénomène El Nino, qui donne lieu à des anomalies de température dans l’Océan Pacifique tropical, avec des impacts planétaires. Une compréhension à partir de laquelle le chercheur établit des mécanismes de prévisibilité. « Nous savons aujourd’hui prévoir El Nino presque un an à l’avance. Une des ambitions de la communauté scientifique est de pouvoir utiliser la mémoire de l’océan pour prévoir des variations sur plusieurs années ».

Transmettre le savoir aux futures générations

Eric Guilyardi le sait mieux que quiconque : comprendre le fonctionnement de la machine climatique n’a rien d’évident pour les non-initiés. À une époque où répondre aux défis du réchauffement climatique est devenue une source d’engagement au sein de la société, les notions essentielles méritent d’être rappelées. « Qu’est-ce que le climat ? Hormis les scientifiques, très peu de personnes sont capables de l'expliquer avec justesse », estime le chercheur. C’est la raison pour laquelle en 2018, pour répondre à l’ambition de doter les nouvelles générations de compétences et de savoirs à même de les préparer au défi majeur du changement climatique, Eric Guilyardi a contribué à fonder l’Office for Climate Education (OCE).

Composée d’une équipe d’une vingtaine de personnes hébergée au sein de Sorbonne Université, sa mission consiste à créer des ressources pédagogiques et des formations destinées aux enseignantes et enseignants de primaire jusqu’au lycée. Une organisation active dans une vingtaine de pays dans le monde. « Une éducation au climat demande une base scientifique forte, assure celui qui est l’OCE, une organisation sous l’égide de l’Unesco. Ce qui explique l’engagement de partenaires de premier plan, comme Sorbonne Université, le CNRS, Météo-France ou encore l’IRD ».  

Mais la science ne suffit pas, car le sujet touche toute la société et donc toutes les disciplines à l’école. « C’est une question socialement vive qui demande une formation spécifique pour que les enseignantes et les enseignants puissent équiper leurs élèves d’esprit critique, de discernement face à la désinformation et aux visions étroites proposées par de nombreux acteurs de la société. Pour l’OCE, l’enjeu est donc de développer aussi les compétences sociales et comportementales des futures citoyennes et citoyens : apprendre aussi à débattre en classe, s’écouter, collaborer, se projeter positivement dans l’avenir ».

Le monde de demain n’est pas écrit, et reste à inventer, un défi passionnant pour la jeunesse, insiste le chercheur, à rebours des discours anxiogènes. 

Simon Henry

 

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