Eric Delairis
Dentellier de la pierre
À 56 ans, Éric Delairis fait partie de la quarantaine de litho-préparateurs de France. Un métier méconnu et pourtant essentiel à la recherche en géologie qui nécessite de savoir manier à la fois la scie circulaire et le microscope. Dans son atelier sur le campus Pierre et Marie Curie, cet amoureux du travail bien fait façonne depuis 26 ans des lames minces de roches que lui commandent les membres de l’Institut des Sciences de la Terre de Paris (ISTeP).
Éric produit en moyenne 800 lames minces par an, même s’il peut parfois monter à plus de 1200 en fonction de la récolte des chercheurs. Indispensables aux géologues comme aux étudiants, ces lames permettent de comprendre la composition des échantillons de roches prélevées partout dans le monde. Calcaire, grès, basalte, marbre, granite, silex, si Éric ne se soucie pas forcément de la nature des pierres qu’il travaille, il a appris à reconnaître la tendresse ou la dureté de chacune lorsqu’il les débite en « sucre ». C’est le terme technique pour désigner l’échantillon de roche épais de 5mm, large de 25mm et long de 35mm qui sera ensuite aplani et soigneusement nettoyé avant d’être collé sur une lame de verre dépolie.
Éric est arrivé sur ce poste complètement par hasard à l’âge de 30 ans. Responsable d’une ligne de fabrication dans une entreprise de composants électroniques, il a appris le métier sur le tas. Comme il n’existe pas de formation, c’est son prédécesseur, parti à la retraite deux ans plus tôt, qui a accepté de revenir le former quelques jours. Il a ensuite suivi plusieurs stages en France et en Ecosse pour apprivoiser ses quatre compagnes de travail : la scie diamantée, la rodeuse, l’araseuse et la polisseuse qui partagent la trentaine de mètres carrés de son atelier.
Le bruit strident de l’araseuse fait mal aux dents. Casque anti-bruit doublé de bouchons d’oreilles, masque, lunettes de protection, tablier renforcé, Éric ne plaisante pas avec la sécurité.
Après avoir dégrossi le « sucre », il l’affine encore pendant près de 45minutes sur la rodeuse jusqu’à ce qu’il soit plus fin qu’un cheveu. Les lames sont ensuite polies pour que les géologues puissent observer correctement les minéraux qui composent les roches.
Huit heures auront été nécessaires à Éric pour venir à bout de ce gros caillou. Il touche au but : au microscope polarisant, le quartz est gris. C’est l’un de ses points de repère pour vérifier que l’épaisseur finale de la lame est atteinte. Une épaisseur de 30 microns qui correspond au standard international grâce auquel la communauté scientifique peut identifier chaque minéral par une couleur particulière.
« E. DLS », c’est la touche personnelle d’Éric. Comme un joailler qui signe un bijou précieux, il assume la paternité de son travail en gravant ses initiales. Un travail et un savoir-faire qu’il est toujours prêt à transmettre aux étudiants et aux curieux qui poussent la porte de son atelier.