Élisabeth Angel-Perez
Professeure de littérature anglaise
Enseigner, c’est un moteur dans ma recherche, dans ma vie, dans ce que je suis.
Professeure à Sorbonne Université, Élisabeth Angel-Perez étudie et enseigne la littérature anglaise. Sa passion ? Le théâtre contemporain dans la langue de Shakespeare. Portrait d’une amoureuse d’un théâtre du présent.
Depuis toujours, le théâtre est un miroir des sociétés humaines et des événements auxquels elles ont eu à faire face et qui les ont transformées parfois durablement. Il enregistre l’histoire, la met en perspective pour ses contemporains et en témoigne pour les générations futures. Quelle que soit l’époque, il donne à regarder le présent. Le théâtre contemporain, et plus précisément le théâtre britannique « ultracontemporain », c’est la spécialité d’Élisabeth Angel-Perez.
Son nom tinte de consonances espagnoles. Rien à voir, mais quand on lui demande pourquoi elle a choisi d’enseigner l’anglais, elle confie, sans trop vouloir s’étendre : « Par esprit de contestation peut-être. Chez moi, ça parlait espagnol. » Une façon de tracer son propre chemin sans désavouer ses origines.
Un parcours classiquement parfait
Formée à l’École normale supérieure de Fontenay-Saint-Cloud, Élisabeth Angel-Perez passe l’agrégation d’anglais en 1986, qu’elle valide en enseignant directement à l’Université François Rabelais de Tours tout en commençant sa recherche sur le théâtre. Pour cela, direction Sorbonne Université, où elle prépare une thèse sur le retour des formes médiévales dans le théâtre anglais contemporain qu’elle soutient en 1991. La voilà désormais maîtresse de conférences. Son parcours se poursuit avec l’obtention d’une habilitation à diriger des recherches, en 1998, puis du titre de professeure, en 1999. Et aujourd’hui, elle coordonne avec Andrea Fabiano, spécialiste du théâtre et de l’opéra italiens, l’Initiative Théâtre (encadré). Voilà donc près de 30 ans qu’Élisabeth Angel-Perez enseigne la littérature anglaise… et le théâtre.
Lucide Albion
Élisabeth Angel-Perez s’est spécialisée dans le théâtre parce que « c’est un phénomène collectif qui s’adresse à une communauté. Il donne à voir la littérature en action. » La scène britannique en particulier, « un théâtre aux prises avec les grandes problématiques du monde contemporain », explique-t-elle. Et la professeure de littérature d’égrainer quelques-uns des sujets, conjoncturels ou universels, du moment : l’inceste, les violences faites aux femmes, les flux migratoires, le Brexit, le post-colonialisme, l’écologie, le terrorisme, le capitalisme sauvage et même la CoVID-19. « Le théâtre est une boîte de résonance de la manière dont s’écrit l’histoire du monde et de la manière dont chacun peut s’y inscrire. »
Dans cet art, si le fond est important, la forme l’est tout autant à ses yeux : « Ce qui m’intéresse c’est l’histoire des formes théâtrales, la manière dont elles apportent des réponses aux problématiques du monde contemporain. Le théâtre britannique invente de nouvelles formes pour dire l’histoire du monde telle qu’elle se déroule. »
Mais elle ne fait pas qu’observer. Elle débusque et traduit des auteurs de ce théâtre anglais ultracontemporain. « Traduire, c’est presqu’une première mise en scène. » Elle assiste aux premières répétitions pour, au besoin, ajuster la traduction. « C’est très émouvant d’entendre pour la première fois sa traduction mise en bouche par des comédiennes et des comédiens. »
Âme d’enseignante
« J’adore enseigner, c’est un moteur dans ma recherche, dans ma vie, dans ce que je suis », s’enthousiasme Élisabeth Angel-Perez, qui anime un séminaire de master ouvert aux doctorants portant sur la façon dont les dramaturges réinventent sans cesse la forme théâtrale. Elle enseigne aussi aux candidates et candidats à l’agrégation, la transmission à de futurs enseignants étant capitale pour elle. Elle a même monté une option théâtre en 3e année de licence pour que « les étudiantes et étudiants mettent le pied à l’étrier et aient l’envie de creuser ces problématiques une fois en master ».
Élisabeth Angel-Perez termine actuellement un livre sur ce que, paradoxalement, l’on ne voit pas au théâtre mais dont on sent la présence autrement. Et l’aventure de l’écriture théâtrale ? « Je ne suis pas autrice. Je débusque des dramaturges, je m’intéresse à la manière dont leurs textes s’écrivent et sont joués, et je réinjecte cela dans mon enseignement, explique-t-elle avant de conclure : Mes recherches et mon enseignement se nourrissent l’un l’autre. »
L’Initiative Théâtre
Ce programme de recherche interdisciplinaire fédère tout ce que Sorbonne Université compte de spécialistes du théâtre et des arts vivants, de toutes aires géographiques et de toutes périodes. L’université n’a pas de département d’études théâtrales mais l’initiative, qui est adossée au Programme de Recherche Interdisciplinaire sur le Théâtre et les Pratiques Scéniques, s’appuie sur une communauté d’une richesse inouïe. Elle fait naître des synergies, consolide les partenariats avec des théâtres français et internationaux et contribue à développer la formation par la recherche. « Ce qui est passionnant dans le fait de travailler ensemble, c’est de croiser les approches et de les faire s’entre-fertiliser ».