Elisa Caberlotto
La recherche pour vocation
Prenez le temps de regarder ce que vous aimez. C’est votre futur.
Elisa Caberlotto est biophysicienne. D’origine italienne, elle est venue en France en 2007 à la fin de son master 2 en physique fondamentale pour faire une thèse à l’Institut Pasteur sur la transduction mécano-électrique de l’oreille interne. Aujourd’hui elle est responsable de groupe en Recherche Avancée chez L’Oréal. Son équipe travaille sur des questions de recherche fondamentale, sur des problématiques de propriétés mécaniques des fibres capillaires.
Retour aux sources d’une alumna
Docteure de la promotion 2011 à Sorbonne Université, elle se rappelle d’une journée de rencontre doctorants-entreprises, où une table-ronde s’est tenue avec l’entreprise L’Oréal comme invitée et alors qu’elle n’envisageait pas du tout un avenir dans une société privée, son destin a basculé. Consciente de l’importante de ce type d’évènement pour l’avenir des doctorantes et doctorants, elle a accepté de venir témoigner lors de la Journée d’accueil des premières années en novembre 2023.
A cette occasion, elle est revenue sur ce qui fait sa fierté, a posteriori, en repensant à ses années de thèse. En tant que doctorante, elle a travaillé dans un laboratoire de l’Institut Pasteur sur le syndrome d’Usher. Le défi était d’arriver à communiquer avec les biologistes, les généticiens et les médecins. Elle a constaté aussi par la suite que tout ce qu’elle a appris durant cette thèse en termes de démarche scientifique, d’ouverture d’esprit, d’autonomie, de capacité de creuser un problème jusqu’au bout, étaient des soft skills, qui pouvaient avoir de la valeur. Dernier point et non des moindres, elle continue à entretenir le réseau international construit pendant ces années de thèse qu’elle considère comme un trésor. Il l’a aidé pour monter des collaborations, pour échanger des avis sur certains sujets scientifiques.
De la soutenance de thèse à l’entrée chez L’Oréal
Elisa Caberlotto a soutenu en mai 2011. Alors qu’elle maitrisait une technique difficile à mettre en place, de nombreux laboratoires lui ont proposé de faire un post-doc mais aucune proposition ne l’a séduite.
Tout en continuant à travailler au laboratoire, elle a activé son réseau pour savoir ce qu’elle pouvait envisager. Elle a commencé à regarder des propositions de postes dans le privé, à proposer sa candidature à des cabinets de conseil comme le BCG ou McKinsey et à de grosses entreprises comme Sanofi ou L’Oréal. Elle a d’ailleurs franchi plusieurs étapes dans ces démarches : après avoir refusé un poste chez Alcimed, elle est enfin entrée chez L’Oréal au bout de 6 entretiens avec différents niveaux de directions des ressources humaines et de management, à chaque étape avec des personnes ayant des postes de plus en plus élevés dans la hiérarchie de l’entreprise.
L’évolution d’une jeune chercheuse vers le management
Initialement, Elisa est entrée en tant qu’ingénieure de recherche en cosmétique instrumentale dans le groupe et est restée sur ce poste d’opérationnelle pendant 2 ans et demi. Ensuite, elle a commencé à encadrer des étudiants et avoir une fonction de cheffe de projet dans la même entité avant de devenir, au bout de 4 ans environ - après son congé maternité - responsable de pôle dans le département d'évaluation où elle encadrait 15 personnes réparties dans 3 petits laboratoires différents pendant 2 ans et demi. La science lui manquant, elle est ensuite devenue responsable de laboratoire dans une entité nouvelle. Alors qu’elle avait toujours travaillé sur la peau, elle changeait pour passer aux cheveux. Un an après avoir pris le poste, sa mission s’est élargie par la responsabilité d’une plateforme d’évaluation des propriétés physico-chimiques des matières premières appliquées aux cheveux en recherche avancée. Cela fait 4 ans qu’elle travaille sur ce poste : elle manage une équipe de 16 personnes, dont 9 sont permanents et co-encadre une thèse avec l’université de Glasgow.
Les soft skills font la différence entre les différentes candidatures
Recrutant des docteures ou docteurs dans son travail aujourd’hui, ce qu’elle cherche ce sont des gens passionnés qui ont appris à creuser un problème, qui arrivent à appliquer la démarche scientifique dans tout ce qu’ils font. « Pendant votre thèse, vous allez apprendre énormément de techniques et personne ne mettra en doute vos compétences sur ce point. Par contre, les recruteurs cherchent aussi les soft skills. Avec l’expérience, nous savons ce qui va fonctionner. Chez L’Oréal, nous travaillons en mode projet, ce sont les interactions qui priment ». Par ailleurs, dans la recherche dans le privé comme dans le public, tout ce qui est lié à la communication est important. Savoir divulguer des informations de façon compréhensible, apprendre à parler de son propre sujet en s’adaptant à chaque interlocuteur est un exercice assez difficile, que les gens qui sortent de thèse ne savent pas faire en général, selon elle.
Profitez du temps de la thèse pour apprendre à vous connaitre
Parmi les conseils qu’Elisa distille, l’importance de connaitre ses propres appétences revient souvent. Personnellement, elle se souvient avoir eu à mettre en place une manipulation très compliquée, seule dans une pièce noire toute la journée. Elle la faisait parfaitement mais elle a aussi compris qu’elle ne voulait pas se laisser enfermer dans cette activité trop longtemps. Selon elle, les doctorantes et doctorants ne prennent pas forcément le temps de se poser des questions telles que : qu’est ce que j’aime et n’aime pas dans ce que je fais ? qu’est-ce que j’aime le plus ? passer ma journée à chercher de la bibliographie ? faire ce type de manipulation ? travailler avec les autres ? aller en conférences ? Elle insiste en disant « Prenez le temps de regarder ce que vous aimez. C’est votre futur ».
À propos de l’équilibre vie professionnelle et personnelle, elle évoque les moments de rush pendant le doctorat comme dans les entreprises. Passés ces moments particuliers, il faut dire stop, lever le pied, prendre des vacances. Tout le monde n’a pas la même capacité de travail. Il faut savoir s’écouter, voir les signes de faiblesses. « Si vous n’arrivez plus à dormir, si vous pensez à votre sujet de thèse constamment, si vous faites des cauchemars… il faut savoir prendre une pause. C’est un travail à faire sur soi-même ». Son ultime conseil sera « Apprenez à vous connaitre ».