Carolyn Scheurle
Médiatrice scientifique et experte marine
La place des sciences et de l'océan dans les établissements scolaires doit être renforcée
Ingénieure de recherche Sorbonne Université à l’Institut de la mer de Villefranche (IMEV), Carolyn Scheurle s'implique pleinement en faveur de l'océan. Et pour cause ! Elle coordonne le pôle Culture Océan de la station marine et a fait de la médiation scientifique son cheval de bataille.
D’aussi loin qu’elle s’en souvienne, Carolyn Scheurle a toujours été captivée par les mers et l’océan. « Peut-être parce que j’ai grandi près du lac de Constance, en Allemagne du Sud, que l’on appelle aussi mer de Souabe », dit-elle en souriant.
Après des études en géosciences réalisées dans son pays d’origine, Carolyn Scheurle les complète en ajoutant à son CV la climatologie et la météorologie qu’elle étudie en Suisse. Puis, retour en Allemagne, du nord cette fois, où elle passe sa thèse en géologie marine.
C’est précisément à cette période qu’elle développe un intérêt pour la médiation scientifique. Elle explique : « Durant ma thèse, j’ai fait partie d’un groupe au sein duquel nous devions collaborer sur un certain nombre d’approches scientifiques, la difficulté étant que nous travaillions tous sur des disciplines différentes. Il fallait alors que nous traduisions, en quelque sorte, ce que nous faisions afin que les projets soient compris de tout le monde. Contrairement aux idées reçues, tous les scientifiques ne parlent pas le même langage ! »
Un programme éducatif pour sensibiliser les jeunes
Forte de cette première expérience, et après avoir travaillé dans divers organismes (inter) nationaux, Carolyn Scheurle se tourne définitivement vers la médiation scientifique. Elle souhaite établir un pont entre la science et le grand public et mettre en relation la société, dans sa globalité, avec l'océan. En ce sens, elle lance avec ses collègues, en 2011, Adopt a Float, un programme éducatif qui invite les jeunes du monde entier à découvrir l’océan et l’importance de l’étudier pour mieux le comprendre et protéger.
Ce dispositif propose une approche scientifique, culturelle et citoyenne de l’océan et des sciences marines à travers des rencontres, des échanges et des activités avec des professionnels de la recherche. « On a commencé le programme avec trois classes pilotes. Dix ans plus tard, elles sont 80, tous âges confondus, de la maternelle au lycée. »
Comment cela fonctionne concrètement ? Après avoir rempli un dossier et expliqué ses objectifs pédagogiques, l’établissement scolaire reçoit un calendrier d’actions. Puis, la ou le chercheur se rend dans la classe, souvent accompagné d’un médiateur de l’équipe Adopt a Float. Toutefois, il arrive que certains, rodés à l'expérience, se sentent à l’aise d’y aller seuls. Carolyn Scheurle souligne : « Quand cela est possible, surtout d’un point de vue géographique, on fait visiter les labos de notre station. Parfois même, certaines classes ont la chance de visiter des navires d’expédition océanographique à quai ! »
Elle ajoute : « Dans ce programme, on parle beaucoup d’observation marine et on utilise les robots sous-marins du programme scientifique OneArgo, pour “appâter” les jeunes et attiser leur curiosité scientifique. Chaque classe a ainsi l’opportunité d’adopter son propre robot ». Avec cette adoption d’un autre genre, les élèves intègrent la communauté des classes participantes joliment appelées les Ocean Voyagers. Chacune d’elle peut suivre en temps réel son robot dans l’océan et se familiariser avec les données collectées et utilisées par les scientifiques.
De l’importance de la connaissance des océans
L’experte marine partage aussi ses connaissances auprès des étudiantes et étudiants en master afin de les former à la médiation scientifique, notamment via un nouveau cycle de formation en ocean literacy.
L’ocean literacy (souvent traduit par « la connaissance des océans ») est un mouvement instauré en 2002 par des chercheurs, éducateurs et décideurs pour recréer du lien entre l’être humain et les océans. « C’est un axe fort de la Décennie des Nations Unies pour les sciences océaniques. Dans ce contexte, la formation en ocean literacy est primordiale. Elle permet d’amener les sciences océaniques dans les classes et d’approfondir les connaissances et compétences pour défendre cette grande cause. »
Et la responsable du pôle Culture Océan de l’IMEV d'ajouter : « La place des sciences et de l'océan dans les établissements scolaires doit être renforcée, pas seulement en France, où nous sommes encore trop timides, mais dans le monde ! ».
Le 14 octobre dernier, Carolyn Scheurle a reçu la médaille de la médiation scientifique du CNRS, qui récompense les femmes et les hommes mettant la science au cœur de la société et diffusant une information scientifique accessible au plus grand nombre. Une distinction qui la renforce dans son idée fixe : « Je veux que nous poursuivions les efforts en ocean literacy dans les mois et années à venir ».
Quid de ses projets en cours ? « Grâce à la formidable équipe multidisciplinaire avec laquelle je travaille, j'aimerais donner toujours plus de place et de visibilité à Adopt a Float en créant de nouvelles collaborations. Je souhaite aussi travailler sur d’autres initiatives pour éduquer les jeunes à la démarche scientifique, à l’importance de l’océan et à sa protection ».
C’est certain, Carolyn Scheurle ne s’ennuie jamais !