Brenna Conin
Premier prix du jury MT180
Je me suis lancé le défi personnel d’arriver à vulgariser mon sujet.
Sa thèse de biologie, Brenna l’a soutenue en 2020. Ce qui ne l’a pas empêchée de se présenter aux qualifications du concours Ma thèse en 180 secondes organisées par Sorbonne Université… et de se hisser à la première place ! Rencontre avec une jeune chercheuse dont la mission est la transmission.
Quel était le sujet de votre thèse ?
Pendant ma thèse, j’ai travaillé sur la séparation des liens d’emmêlement (caténation) entre les deux copies de l’ADN de la bactérie Escherichia coli qui s’entremêlent pendant la réplication de l’ADN. J’ai découvert que lorsque ces liens ne sont pas séparés, l’organisation du chromosome de la bactérie change drastiquement, ce qui conduit à la formation d’une structure permettant cette séparation. Une sorte de mécanisme de secours. J’ai aussi observé que les deux copies de l’ADN se séparent en des points précis, qui sont toujours les mêmes, copie après copie. Je cherche maintenant à voir si cette structure existe chez la bactérie pathogène Salmonella thyphimurium. Elle semble en tout cas bien conservée au cours de l’évolution puisqu’on retrouve la protéine responsable de la séparation des deux copies chez toutes les espèces vivantes, humaine comprise.
N’était-ce pas périlleux de présenter un sujet aussi fondamental au concours Ma thèse en 180 secondes ?
Je n’avais pas tenté avant justement parce que c’est très fondamental. J’avais regardé les éditions précédentes et, à chaque fois, ce sont des sujets très concrets auxquels les gens se rattachent facilement qui gagnaient. Vulgariser ce sujet a toujours été très compliqué. J’ai participé à plusieurs événements de vulgarisation et j’ai à chaque fois évité de le présenter. Un blocage ! Après avoir passé trois mois à rédiger ma thèse et l’avoir soutenue, je me suis lancé le défi personnel d’arriver à vulgariser mon sujet. Je ne me voyais pas gagner mais j’étais motivée par l’exercice. Je suis contente d’avoir gagné cette première étape avec ce sujet parce que le grand public ne sait pas vraiment comment se passe la recherche. On le voit avec la pandémie de CoVID-19, les gens s’étonnent de la durée des projets. J’ai travaillé sur « seulement » deux bactéries et ça m’a pris trois ans, pour faire des mutants et comprendre ce que j’observais, à me poser des questions parce qu’on ne fait pas des expériences à la chaîne, parce que ça a un coût. Je ne sais pas si mon travail trouvera une application immédiate mais il servira de base de connaissance.
Quels sont vos projets ?
Préparer la demi-finale nationale du concours ! Plus sérieusement, j’ai réalisé ma thèse entre le Collège de France – pour la microscopie – et l’Institut Pasteur – pour le séquençage –, où je l’ai soutenue, en étant rattachée à l’école doctorale de Sorbonne Université. Pour l’instant, je veux finir mon article et poursuis donc sur mon sujet en utilisant de nouvelles techniques de séquençage comme la SisterC, qui permet d’observer les contacts génomiques entre les copies d’ADN, pour confirmer ma découverte chez d’autres bactéries et la levure de bière (Saccharomyces cerevisiæ). Le génome de cette dernière comporte 16 chromosomes, il serait intéressant de savoir s’il y a 16 structures identiques ou une seule. Il reste beaucoup de questions pour savoir comment cette structure démêle les copies d’ADN. Mon contrat à l’Institut Pasteur est prolongé jusqu’à la fin du mois de mai 2021 mais j’ai du mal à rester en place. J’aimerais passer à autre chose et surtout me laisser un peu de temps pour travailler davantage avec les associations de communication scientifique avec lesquelles je collabore.
La vulgarisation, c’est votre ligne de mire ?
J’ai participé à Pint of Science à Paris, en 2018, en tant qu’intervenante et ça m’a beaucoup plu. J’ai voulu en organiser l’édition de 2020 mais sa tenue en présentiel a été annulée et remplacée par une soirée virtuelle à cause de la pandémie de CoVID-19 et cette année, elle a lieu en ligne. Je travaille aussi avec l’Association des jeunes chercheur·euse·s de l’Institut Pasteur et participe régulièrement à la Fête de la science. J’ai également co-signé sur les réseaux sociaux une BD sur des chercheuses oubliées ou négligées. Et puis je suis très impliquée dans l’association Rêv’Elles, qui aide les jeunes filles de milieux modestes à développer leur projet professionnel. Cela me tient particulièrement à cœur, ayant moi-même grandi aux Ulis, en Essonne, avec des parents qui n’étaient absolument pas scientifiques. Je comprends le fait de ne pas pouvoir espérer devenir scientifique mais je montre à ces filles, avec ma petite expertise de chercheuse, qu’elles peuvent le faire. La communication scientifique est un moyen extraordinaire de prendre confiance en soi et de combattre le syndrome de l’imposteur. Et le fait de vulgariser un sujet et d’arriver à intéresser les gens est un sentiment plutôt addictif ! C’est à l’opposé de ce que l’on apprend en milieu académique où l’on se contente de copier le format de nos enseignants. Si j’ai un conseil pour tous les étudiants, c’est de communiquer, ne serait-ce que pour le sentiment que ça procure.