Anne Fenoy
Lauréate du prix du jury "Ma Thèse en 180 secondes"
Les sciences humaines peuvent être vulgarisées au même titre que les sciences dures.
Doctorante en quatrième année au sein de l’École doctorale Concepts & Langages et du laboratoire Sciences, Normes, Démocratie (SND), Anne Fenoy a décroché le prix du jury "Ma Thèse en 180 Secondes" de Sorbonne Université. Passionnée par la philosophie de la médecine, elle nous livre son parcours et les dessous du concours.
Pourriez-vous nous retracer votre parcours académique ?
Anne Fenoy : Après trois ans de classe préparatoire littéraire, j'ai validé un master d’histoire de la philosophie à Sorbonne Université, en me spécialisant en histoire de la philosophie moderne. J’ai ensuite suivi le master Conseil éditorial de la faculté des Lettres qui m’a notamment permis de faire un stage à l'Espace éthique Île-de-France en tant que chargée de communication.
Mon intérêt pour la philosophie de la médecine m'a amenée à travailler sur la maladie de Charcot dans le cadre d’un contrat doctoral au sein de l'Initiative humanités biomédicales. Encadrée à la fois par la cheffe du département de neuropathologie de la Pitié-Salpêtrière et un philosophe des sciences, j’ai bénéficié l’an dernier d’un prolongement de financement pour poursuivre en quatrième année grâce à la filière de santé maladies rares : SLA et maladies du neurone moteur (FilSLAN). J’ai également obtenu une bourse pour partir six mois travailler à la Maison française d'Oxford et nourrir mon travail de recherche.
Pourquoi avez-vous décidé de participer au concours "Ma Thèse en 180 Secondes" ?
A. F. : J'avais déjà connaissance de ce concours et regardé régulièrement des vidéos de vulgarisation scientifique sur les réseaux. L'année dernière, après avoir vu une amie concourir, je me suis lancée car j'apprécie l'exercice et l'opportunité de pouvoir partager mon sujet de thèse avec un public plus large.
Parlez-nous de votre sujet de thèse.
A. F. : Je travaille sur la maladie de Charcot, aussi appelée sclérose latérale amyotrophique (SLA), une maladie neurologique grave et incurable qui atteint les neurones moteurs. Ces neurones, qui font le lien entre le cerveau et les muscles, permettent le mouvement, la respiration ou encore la parole. Les personnes atteintes sont donc peu à peu paralysées, jusqu’au décès, qui survient généralement à la suite de l’arrêt des muscles respiratoires. L’évolution de la maladie est très rapide. Cette définition de la SLA est une définition médicale.
Pourtant, il y aurait d’autres manières de définir cette maladie. En tant que philosophe, je m'attache à explorer les différentes représentations de cette pathologie qu'elles émanent des discours médicaux ou biologiques, des expériences vécues des patients ou encore des médias.
La SLA est souvent décrite comme "la pire des maladies", et les personnes atteintes se comparent parfois à des "emmurés vivants". Ces représentations ont un impact sur la manière dont la maladie est perçue. La philosophie de la médecine intervient ici comme un outil d'analyse critique et réflexive et permet d'apporter une perspective plus nuancée à ces discours.
Trois minutes pour résumer une thèse entière, cela semble court. Comment avez-vous préparé votre intervention pour le concours ?
A. F. : En effet, c'était un défi de vulgariser un sujet complexe en si peu de temps. Il m’a d’abord fallu faire découvrir au grand public ce qu’était la recherche en philosophie de la médecine, un type de recherche où il y n’a pas d’expériences, mais où l’on raisonne et où l’on conceptualise. Puis, l’autre difficulté a été de résumer ce qu’était la SLA sans retomber dans les pièges que j'essaie d'analyser dans ma thèse. En philosophie, la conclusion n’est souvent pas à la hauteur du développement de la pensée.
Pour surmonter ces difficultés, j’ai bénéficié de retours précieux lors de sessions de formation, où nous avons travaillé en groupe sur nos présentations respectives. La formatrice nous a également fourni des techniques et des conseils pratiques, qui m'ont beaucoup aidée.
Que vous a apporté la participation à cette compétition ?
A. F. : C'est un exercice pratique très utile pour la suite parce qu'on est régulièrement amené à faire ce genre de présentation aussi bien dans la sphère personnelle que professionnelle.
Durant cette expérience, j’ai aussi rencontré des doctorantes et doctorants de domaines très variés. C’était passionnant et cela m’a donné matière à penser sur de nombreux sujets. Car ce qui me plait dans ma spécialité, c’est de pouvoir dialoguer avec toutes les disciplines !
Que diriez-vous des effets de ce concours sur l'image du doctorat et de la recherche ?
A. F. : Je pense que ce concours offre une belle opportunité de mettre en lumière la diversité et la pertinence des travaux menés par les doctorantes et doctorants. Cela permet également de rendre la recherche plus accessible au grand public et de montrer que les sciences humaines, au même titre que les sciences dures, peuvent être vulgarisées de manière intéressante et accessible. C’est pourquoi je suis particulièrement fière d’avoir reçu ce prix en tant que doctorante de la faculté des Lettres.