Portrait Aliénor Lahlou

Aliénor LAHLOU

Docteure 2023 et lauréate du prix de la Chancellerie des Universités de Paris et d'Ile-de-France

C’est une grande fierté d’avoir été sélectionnée, cela m’a permis de clore en beauté mes années de recherches et mon sujet de thèse.

Aliénor LAHLOU est docteure 2023 de l’école doctorale de Chimie Physique & Chimie Analytique de Paris-Centre de Sorbonne Université. Elle a effectué son projet doctoral sur la fluorescence des plantes dans le cadre d’une convention CIFRE avec Sony Computer Science Laboratories de Paris (Sony CSL-Paris) et l’Ecole Normale Supérieure de Paris (ENS - PSL). Lauréate du prix de la chancellerie des Universités de Paris en décembre 2024, elle nous livre son parcours. 

Pouvez-vous nous retracer votre parcours en quelques mots
Aliénor Lahlou : Après le bac, j’ai intégré les classes préparatoires en mathématiques. Puis, je me suis rendue compte que c’étaient les sciences expérimentales qui m’attiraient le plus. J’ai souhaité entrer dans une école ciblée sur la recherche et l’ESPCI (École supérieure de physique et de chimie industrielles de la ville de Paris) a été de loin celle qui me correspondait le mieux. J’ai été admise sur dossier dans cette école qui n’était pas accessible sur concours dans ma filière et je n’ai jamais regretté mon choix : c’est une formation pluridisciplinaire avec un bon nombre de challenges. 
Après avoir obtenu mon diplôme d’ingénieur, j’ai renoué avec les mathématiques en réalisant un master Mathématique Vision Apprentissage (MVA) à l’ENS Paris Saclay. Très motivée par la recherche avec des questionnements sur le développement durable et le climat, je recherchais un sujet pluridisciplinaire qui puisse aborder les méthodes de diagnostic des plantes avec la robotique. J’ai rejoint les laboratoires de recherche fondamentale de Sony (Sony Computer Science Laboratories – Paris) dans l’équipe de Peter HANAPPE qui développe des méthodes robotisées pour l’agriculture maraichère.  Ludovic JULLIEN, mon directeur de thèse et son équipe de recherche (Chimie Physique et Biologique de la Matière Vivante) sont reconnus pour leur grande expertise en chimie cinétique et fluorescence des végétaux. C’est grâce à eux que j’ai pu trouver un tel projet doctoral. 


Pouvez-vous expliquer très simplement votre sujet de thèse ?  
AL : J’ai travaillé sur l’imagerie de la fluorescence endogène des plantes. Quand elles reçoivent de la lumière, les plantes convertissent l’énergie des photons en énergie chimique par la photosynthèse. Idéalement, tous les photons sont convertis pour alimenter en énergie la chaine photosynthétique. Ce fonctionnement peut être comparable à celui d’une usine avec des ouvriers qui travaillent en chaine de production bien organisée. Dans la photosynthèse, la difficulté réside dans la quantité de lumière reçue. Elle n’est pas contrôlée. Par exemple, au passage d’un nuage, la production va baisser puis ré-augmenter et les plantes doivent s’adapter de façon dynamique à cette variation. 
Tous les photons ne vont pas être convertis pour faire de la photosynthèse. Lorsque le système photosynthétique absorbe un photon, il passe en un état excité. Il existe différents chemins de désexcitation. Le premier chemin alimente la chaine photosynthétique. Le second consiste à libérer l’énergie sous forme de chaleur. Ce sont généralement des pertes volontaires qui reflètent la manière dont l’organisme photosynthétique s’adapte à ces variations imprévisibles et dissipe l’énergie en excès. Enfin, le dernier chemin consiste à libérer l’énergie en excès sous forme de lumière et éjecter des photons. Ainsi, lorsque la lumière est projetée sur une plante, elle va renvoyer à son tour de la lumière et cette lumière réémise va fournir de précieuses informations sur l’état de santé de la plante. 


Pourriez-vous nous partager une découverte ou un résultat particulièrement marquant dans vos travaux ? 
AL : Dans ma thèse, j’ai beaucoup travaillé sur le lancement du projet, à la construction et la validation des instruments et des protocoles de mesure. En particulier, j’ai élaboré des méthodes de calibration d’intensité lumineuse pour les instruments optiques, à l’aide de molécules fluorescentes photosensibles. Ce sont des molécules dont l’intensité de fluorescence évolue à mesure qu’on les éclaire. En suivant cette évolution, on peut remonter à l’intensité lumineuse de la source de lumière (1). 
Pour aller plus loin, j’ai montré qu’on pouvait faire la même mesure avec une plante. Gardée dans l’obscurité, quelle que soit l’espèce de feuille choisie, lorsque la lumière est envoyée, la chaine photosynthétique va se charger et plusieurs étapes cinétiques vont s’enchainer. Elles seront reflétées dans la réponse en fluorescence. La première étape cinétique est très similaire entre toutes les espèces et elle a un temps caractéristique qui est inversement proportionnel à l’intensité lumineuse envoyée.  Ainsi, on peut collecter une plante dans son jardin et l’utiliser pour calibrer l’intensité d’une source de lumière en mesurant l’évolution de la fluorescence. J’ai fait des expériences avec le Jardin des Plantes du Museum d’Histoire Naturelle pour vérifier que cela fonctionnait sur un large spectre d’espèces évoluant dans divers microclimats (2). La chlorophylle étant l’élément qui émet de la fluorescence, le test ne fonctionnait pas avec les feuilles violettes ou les très jeunes feuilles.


Il existe un dispositif européen DREAM qui était lié à vos travaux, pouvez-vous nous en dire un peu plus ?
AL : Avant ma thèse, Ludovic JULLIEN avait déjà évalué des interlocuteurs potentiels pour monter un projet de recherche autour de la fluorescence de la photosynthèse. Notre collaboration a permis de réactiver ce canal, et en ajoutant de nouveaux partenaires, monter un projet européen dans lequel ma thèse a trouvé sa place. Pour moi, cela a été une opportunité de travailler avec de nombreux interlocuteurs et de profiter d'un contexte ambitieux dans lequel ma thèse jouait un rôle utile. Encore aujourd'hui, j’explore de nouvelles phases du projet pour lesquels j'ai proposé des protocoles qui impliquent la robotique, inspirée par des groupes de recherche que j'ai rencontré à la suite de ma thèse.


Vous avez été l’une des lauréates de la cérémonie de remise des prix de la chancellerie des universités de Paris. Qu’a représenté pour vous cette cérémonie ? 
AL : J’ai beaucoup aimé la pluridisciplinarité de tous les sujets. Lorsque les autres candidats présentaient leurs travaux, je débordais d’envie de lire leur thèse. Sortir de mon environnement de travail, de mon laboratoire et découvrir d’autres thématiques a été très agréable. C’est aussi une grande fierté d’avoir été sélectionnée car je ne pensais pas l’être. Cela m’a permis de clore en beauté mes années de recherches et mon sujet de thèse. 


Souhaitez-vous poursuivre dans la recherche ou envisagez-vous d’autres perspectives ? 
AL : La recherche sans hésitation ! Je me vois difficilement faire autre chose. Cette année, j’ai essayé d’élaborer un projet de recherche vraiment personnel. J’ai disséminé mes travaux, ce qui m’a permis de rencontrer beaucoup de personnes, de partenaires potentiels et des laboratoires pour discuter de projets futurs. Après ma soutenance, j’ai pris le temps de réfléchir à ce que je voulais développer pour les prochaines années. C’est en train de se concrétiser. 


Quel conseil donneriez-vous à un étudiant ou une étudiante qui souhaiterait se lancer dans un doctorat ? 
AL : Pour ma part, je leur conseillerai d’aller à la rencontre des équipes encadrantes et des laboratoires. C’est ce qui a été le plus important. Quelqu’un qui est motivé pour faire de la recherche et qui a envie de traverser ce parcours très formateur doit effectivement s’assurer de le faire dans de bonnes conditions. Il ne faut pas hésiter à explorer et discuter pour savoir où vous allez être accueilli ou accueillie pour réaliser votre recherche. Si un article vous inspire, allez à la rencontre des auteurs et des autrices et réfléchissez à comment leurs travaux pourraient s’articuler avec vos idées.  


Que faites-vous, en dehors de votre thèse ? 
AL : Beaucoup de vélo ! C’est le sport qui m’a aidé à traverser les phases de haut et de bas de la thèse. Cette année, je m’étais fixée comme objectif de parcourir en distance l’équivalent du rayon de la terre en vélo. Il a été atteint le 31 décembre ! 

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Pour en savoir plus

[1] Lahlou, A., Tehrani, H. S., Coghill, I., Shpinov, Y., Mandal, M., Plamont, M. A., ... & Jullien, L. (2023). Fluorescence to measure light intensity. Nature Methods, 20(12), 1930-1938.
[2] Lahlou, A., Coghill, I., Davidson, M.L., Billon, R., Barneche, F., Lazar, D., Le Saux, T. and Jullien, L., 2024. Leaves to Measure Light Intensity. Advanced Science, 11(36), p.2304420.

Sony Computer Science Laboratories de Paris (Sony CSL-Paris)

Aktantis - Projet DREAM

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