Alexandre Chargueraud © Pierre Kitmacher

Alexandre Chargueraud

Doctorant et lauréat du prix du public MT180

Ce concours offre une belle image en mettant en avant la façon dont les découvertes se font, parfois même par accident.

Doctorant en 2e année à l’école doctorale Chimie Physique et Chimie Analytique, Alexandre Chargueraud a été sélectionné par le public lors de la dernière édition de Ma Thèse en 180 secondes de Sorbonne Université. Passionné par l’entreprenariat, il est encadré par Jacques Fattaccioli au laboratoire Pasteur de l’ENS Chimie.   

Pouvez-vous nous retracer votre parcours ? 

Alexandre Chargueraud : J’ai grandi à Paris, où j’ai suivi ma scolarité jusqu’au lycée dans le 10e arrondissement. Après mon baccalauréat, j’ai intégré une classe préparatoire PCSI-PSI au lycée Saint-Louis, puis j’ai été admis à l’ESPCI Paris, une école d’ingénieurs. Durant ces années, je me suis spécialisé en microfluidique, un domaine qui mêle mécanique des fluides et biologie, et j’ai obtenu un master 2 en microfluidique. Mon travail porte sur les liquides à très petite échelle, comportant de nombreuses applications, notamment en biologie. 

Avec mon parcours, j’ai pu effectuer deux stages de recherche à l’étranger : six mois en Suède et deux mois aux États-Unis, à l’université de Washington à Seattle, au sein d’un laboratoire qui développe de nouvelles méthodes pour étudier les processus biologiques cellulaires.
Actuellement, je réalise ma thèse à Sorbonne Université, tout en étant basé dans les locaux de l’École normale supérieure, où je travaille depuis plus d’un an. 

Pour compléter, j’aime m’investir dans des domaines variés et enrichir ma réflexion en croisant des disciplines différentes. Je suis également passionné par l’économie et l’entrepreneuriat. En parallèle de mon cursus scientifique, j’ai suivi une licence 3 en économie à Dauphine et je poursuis actuellement un MBA au Collège des Ingénieurs. Ce programme, qui comporte une partie business et création d’entreprise me mobilise une semaine tous les deux/trois mois. Néanmoins, ce projet me permet de compléter ma thèse avec un domaine totalement différent et d’explorer les liens entre science et innovation.

Qu’est-ce qui vous motivé à participer au concours MT180 ? 

A.C. : J’ai toujours voulu y participer dans la mesure où je savais que ce concours existait. Lors de ma première année de thèse, il était encore trop tôt : je n’avais pas suffisamment avancé dans mes recherches. J’ai donc préféré attendre d’avoir plus de matière et d’être plus posé dans mon travail avant de me lancer dans différents projets simultanément. 

Ce qui m’a attiré dans ce concours, c’est avant tout l’envie de partager et de vulgariser ce que je fais. J’ai toujours aimé expliquer la science de manière accessible. Pendant mon année de master, j’ai contacté mon ancien lycée pour proposer d’enseigner. Comme mon emploi du temps me laissait de la flexibilité, j’ai pu donner des cours deux à trois jours par semaine en classe de seconde. J’y enseignais une option Biotechnologie, dont le programme était assez léger. J’en ai profité pour aborder des thèmes de création d’entreprise autour des biotechnologies. Cette expérience m’a conforté dans mon envie de transmettre et d’échanger.

MT180 représentait donc une occasion idéale : un challenge stimulant, qui me permettait de perfectionner ma capacité à raconter et à rendre compréhensibles des notions complexes. Au-delà de la performance, ce concours m’a aussi offert la possibilité de rencontrer d’autres doctorants aux parcours variés, évoluant dans des disciplines totalement différentes de la mienne. Cet aspect humain et pluridisciplinaire est, à mes yeux, l’un des plus enrichissants de l’expérience.

Parlez-nous de votre sujet de thèse ? 

A.C. : J’ai choisi ce sujet de thèse parce qu’il est très concret et appliqué. Je ne voulais pas travailler sur quelque chose de trop abstrait. 
Je travaille sur des micro-algues, bien loin de l’image classique que l’on se fait des algues marines. Elles sont microscopiques et se présentent souvent sous forme d’une eau verdâtre. Parmi ces micro-algues, certaines sont particulièrement efficaces pour capter un polluant spécifique : le phosphate, un élément qui s’accumule massivement dans l’environnement en raison de l’agriculture intensive depuis quelques années. 

Mon rôle est d’identifier et d’isoler les souches les plus performantes. Pour cpela, j’utilise une puce microscopique sur laquelle je rassemble ces algues afin d’observer leur comportement. L’idée est simple : si on leur donne une substance fluorescente à "manger", je peux repérer celles qui en absorbent le plus, autrement dit, celles qui captent le mieux le phosphate. Une fois isolées, ces micro-algues sont ensuite étudiées par des biologistes, qui cherchent à comprendre pourquoi elles sont plus efficaces que les autres, alors qu’elles semblent au départ très similaires. L’objectif est d’identifier la souche d’algues la plus performante pour dépolluer les eaux du phosphate. 

Comment vous êtes-vous préparé pour résumer en 3 minutes votre thèse, et sans oublier votre intervention pour le concours ? 

A.C. : Au départ, je me suis dit qu’il fallait que je trouve une idée impactante. Ma première étape a été d’expliquer mon sujet à mes parents, qui ne sont pas scientifiques. Cela m’a obligé à simplifier mes propos, à utiliser des images et à m’exprimer avec une certaine gestuelle pour rendre mes explications les plus compréhensibles possible.

J’ai ensuite cherché une accroche marquante. J’ai commencé par l’ébauche de différentes idées sur une feuille blanche. Au départ, j’avais imaginé des vacanciers sur la plage qui tentaient de trier des algues, mais ça manquait d’impact. Finalement, j’ai eu l’idée d’intégrer directement le public dans mon discours. Mon sujet repose sur une technologie permettant de piéger un individu à un endroit précis – un piège microfluidique. Pour rendre ce concept plus concret, j’ai fait le parallèle avec une salle de spectacle : les algues deviennent des spectateurs, et le piège, un fauteuil qui les immobilise. Cette métaphore a été mon fil conducteur.

Ensuite, j’ai affiné mon discours grâce aux ateliers de préparation avec Alexandra et aux échanges avec d’autres participants pour m’assurer que mon explication faisait sens. Le travail d’écriture a été crucial pour structurer mon intervention et la rendre fluide. 
Pour la mémorisation, j’ai répété mon texte partout : dans la rue, sous la douche, dès que j’avais un moment libre. Mon intervention était parfaitement calée à la seconde près après toutes ces répétitions, notamment avec Alexandra, qui m’a beaucoup aidé.
Le plus difficile à gérer, c’était le stress de monter sur scène. J’étais le premier à passer. Pour évacuer la pression, je parle beaucoup avant une épreuve.  Une heure avant mon passage, je marchais un peu partout et discutais avec n’importe qui, juste pour penser à autre chose et me détendre.

Que vous a apporté la participation à une telle compétition ? 

A.C. : Cette expérience m’a permis de découvrir énormément de choses. Tout d’abord, j’ai eu l’opportunité d’échanger avec des personnes venant d’horizons complètement différents. Je me souviens notamment d’Agathe, qui a remporté le prix du jury et qui a complètement arrêté les sciences dès la seconde. Lui expliquer mon sujet en le rendant le plus accessible possible, puis l’entendre me dire à la fin : « Ah bah ouais, c’est très clair ! », a été une vraie satisfaction. Avant cela, même lorsque j’enseignais au lycée, mes élèves avaient déjà des bases scientifiques solides qui facilitaient la compréhension de mon discours, donc je n’avais pas eu à vulgariser autant.

J’ai également découvert une nouvelle dimension de la prise de parole, plus théâtrale. Dans un cadre académique, lors de conférences ou de colloques, on ne prête pas forcément attention à certains détails. Par exemple, j’ai appris qu’il fallait bien caler son micro sur le menton pour éviter de bouger la tête et perdre en clarté sonore. De plus, j’ai beaucoup travaillé ma gestuelle. J’avais déjà l’habitude de parler avec les mains, mais cette expérience m’a permis d’adopter des gestes plus cohérents et adaptés à mon discours.

D’après vous, quels sont les effets de ce concours sur l’image du doctorat ?

A.C. : Je pense que ce concours permet de mieux comprendre le quotidien d’un doctorant. Nos proches connaissent souvent notre sujet de recherche, mais sans vraiment comprendre ce que l’on fait au quotidien. Peu importe la discipline, le doctorat est toujours perçu comme un domaine extrêmement pointu. On imagine souvent le doctorant enfermé dans son labo, répétant inlassablement ses expériences, jusqu’à la soutenance de thèse où seule l’introduction est accessible au grand public, avant d’entrer dans des détails plus techniques. 

Ce concours offre une belle image en mettant en avant la façon dont les découvertes se font, parfois même par accident. Dans mon pitch, par exemple, j’évoque un moment où j’ai laissé mes algues trop longtemps au soleil. Par hasard, j’ai découvert que la lumière jouait un rôle fondamental. Ce genre d’anecdote montre que l’erreur fait partie intégrante du processus scientifique et aide à désacraliser la recherche.
Je suis aussi convaincu que ce type d’exercice est bénéfique pour la communauté scientifique elle-même. Les chercheurs ont parfois tendance à se prendre trop au sérieux, à s’enfermer dans leur expertise et à employer un langage très complexe. Il y a cette idée que c’est au public de s’adapter au vocabulaire scientifique, alors que ce devrait être l’inverse. C’est frustrant et cela crée une barrière inutile. 

Ce concours démontre que l’on peut rendre un sujet complexe accessible, et qu’expliquer clairement ne signifie pas simplifier à l’excès. Il a donc un double effet : il rapproche le grand public du monde de la recherche et pousse la communauté scientifique à adopter une posture plus ouverte et pédagogique ». 

Que souhaitez-vous faire après la thèse ? 
A.C. :
 J’aimerais beaucoup créer mon entreprise et me lancer dans l’entreprenariat. Je ne sais pas encore si ça sera sur mon sujet de thèse. Mais cette idée de créer un projet, d’essayer de fédérer une équipe autour de moi, autour d’une même idée et d’essayer d’avoir un impact sur la société, de mener ce projet à terme et de le défendre comme ce concours est ce qui me motive le plus. 

Alexandre Chargueraud, Prix du Public 2025 | MT180