Alessandro Garcea

Alessandro Garcea

Directeur de l'Initiative Sciences de l'Antiquité

Les statistiques soulignent un intérêt toujours vif pour les lettres classiques et les civilisations antiques.

Directeur adjoint de l'Institut de latin et directeur de l'Initiative Sciences de l’Antiquité de Sorbonne Université, Alessandro Garcea jette des ponts entre les siècles. De Turin à Paris, son parcours reflète son engagement à redéfinir les études de l'Antiquité pour les générations futures. En explorant le débat intellectuel autour de la langue latine et en intégrant les avancées des humanités numériques, il a pour l’Antiquité une vision audacieuse, ancrée dans le passé et résolument tournée vers l'avenir.

Plongé dès son adolescence dans les civilisations antiques, Alessandro Garcea a étudié au lycée classique italien pendant cinq ans le grec et le latin. « Au départ, je voulais faire des études scientifiques, mais la découverte des civilisations gréco-romaines et le contact direct avec les textes m’ont vraiment fasciné », se souvient-il. Il s’engage alors dans un cursus traditionnel de lettres classiques, imprégné d'une part importante de philosophie, à l'université de Turin. Cette convergence entre la langue et la philosophie a défini son identité intellectuelle, marquant le début d'une exploration de la pensée linguistique des Anciens dans son cadre historique et culturel. Durant son doctorat, axé sur le rapport entre le langage et les émotions dans les textes antiques, il se concentre notamment sur la correspondance de Cicéron, qui dévoile les subtilités littéraires de l'expression émotionnelle.

Après sa thèse, Alessandro Garcea rejoint la France et l’Université Paris 7 en tant que chercheur invité dans le laboratoire d'histoire des théories linguistiques où il approfondit son expertise de la grammaire en Grèce et Rome antiques. Il obtient ensuite un poste de maître de conférences à l'Université de Toulouse 2 où il trouve, pendant six ans, un terrain fertile pour ses recherches. Il décroche son habilitation à diriger des recherches, avant d'être nommé professeur de linguistique latine à Lyon 2 en 2009. Quatre ans plus tard, il intègre la faculté des Lettres de Sorbonne Université et devient en 2018, puis en 2023 directeur adjoint de l’école doctorale « Mondes antiques et médiévaux » et de la seule unité de formation et de recherche consacrée exclusivement au latin en France.

Des langues toujours d’actualité…

« Les statistiques soulignent un intérêt toujours vif de la part de la communauté étudiante pour les lettres classiques et les civilisations antiques, précise-t-il, mais cela nécessite une constante réflexion pour ajuster les programmes aux besoins des personnes qui ne se destinent plus uniquement à l’enseignement. L'étude du latin et ses publics évoluent rapidement. Nous avons des étudiants en lettres classiques, en lettres modernes, en histoire, en philosophie, mais aussi d’autres publics qui s'intéressent au latin avec des besoins spécifiques pour lesquels il faut, dans la mesure du possible, concevoir des parcours adaptés. »

En parallèle de ses responsabilités d’enseignement, Alessandro Garcea joue un rôle central au sein de l'équipe de recherche « Rome et ses renaissances » et de l'Initiative Sciences de l’Antiquité (ISAntiq) à Sorbonne Université. Cette initiative ambitieuse, qu’il dirige depuis quatre ans, vise à rassembler les forces vives de notre Université autour de l'étude de l'Antiquité en littérature, philosophie, archéologie, mais aussi via l’étude des manuscrits, des papyrus et des monnaies. « L'un des défis majeurs d'Isantiq a été de faire émerger une communauté interdisciplinaire, de donner une identité claire à l'étude de l’Antiquité au sein de notre Université en prenant en compte les multiples facettes de cet univers. Cela s'est concrétisé par la conception de parcours de formation favorisant une approche interdisciplinaire, notamment au niveau du master et du doctorat », explique-t-il. Saluée par Sorbonne Université, l’Initiative sera même renouvelée en tant qu'Institut en 2025, ce qui témoigne de son succès et de son impact grandissant.

Qu'est-ce que l'Initiative Sciences de l'Antiquité ?

… au cœur de sa recherche

Son activité de recherche se consacre au débat intellectuel sur la langue latine qui eut cours à trois époques différentes : républicaine, impériale et tardive. « Au niveau universitaire, souligne Alessandro Garcea, on ne peut pas distinguer la recherche de l'enseignement dans la mesure où la recherche nourrit notre enseignement qui, lui, doit prendre en compte l'évolution de la discipline ».

À travers le projet LiTeRa, financé par le Conseil européen de la Recherche, il ressuscite les voix fragmentaires du passé dévoilant la genèse des débats linguistiques qui ont façonné la culture occidentale. Ce corpus, allant du IIIe siècle avant J.-C. au IIIe siècle après J.-C., est composé d’une centaine d’auteurs de textes fragmentaires portant sur la langue latine : « extraits de textes composés par des inconnus, mais aussi des personnalités de premier rang à Rome, Jules César, lui-même auteur d’un traité sur la langue latine dont nous avons édité une vingtaine de fragments », précise le chercheur. Pour dépasser les problèmes liés aux éditions traditionnelles sur papier, Alessandro Garcea a recours, dans ce projet d’envergure, aux méthodes et outils des humanités numériques. Avec des experts du domaine, il cherche à constituer un corpus informatique pour recontextualiser les fragments dans toute leur complexité, permettant ainsi une compréhension plus riche et plus nuancée des œuvres antiques.

Ses recherches ouvrent également de nouvelles perspectives pour l'enseignement des langues anciennes car « ces textes fondateurs de la grammaire latine sont aussi les textes fondateurs de la grammaire des langues occidentales actuelles ». Ils éclairent également des débats linguistiques contemporains comme la question du genre que les Romains avaient déjà abordée en distinguant, dans la langue latine, le genre naturel du genre grammatical.

À travers son parcours, Alessandro Garcea incarne une vision moderne des sciences de l'Antiquité mettant en lumière des aspects souvent négligés tels que le bilinguisme et le multilinguisme très présents durant cette période. Pour lui, Antiquité rime avec pluralité et diversité. « Il est important d'élargir la vision traditionnelle que l’on en a pour défendre une approche dynamique et inclusive qui prenne en compte sa complexité linguistique, culturelle et historique, allant au-delà des classiques de la littérature latine », affirme-t-il. C’est dans cette perspective qu’Alessandro Garcea aspire à former une nouvelle génération de chercheurs à s'engager dans cette compréhension globale de l’Antiquité capable d'éclairer les enjeux contemporains à travers le prisme du passé.

Par Justine Mathieu

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