Agathe Faucourt

Agathe Faucourt

Doctorant et lauréate du prix du jury MT180

Une recherche qui n’est pas communiquée fonctionne à mes yeux en vase clos.

Lauréate du prix du jury de "Ma Thèse en 180 secondes", Agathe Faucourt explore la re-politisation du théâtre new-yorkais à l’ère du trumpisme. Doctorante à la faculté des Lettres, elle revient sur son parcours, l'importance de la vulgarisation scientifique et l'impact de ce concours sur la perception de la recherche et du doctorat.

Pourriez-vous nous retracer votre parcours académique ?

Agathe Faucourt : Mon intérêt pour le théâtre étasunien remonte à mes années lycée, où j’ai découvert les œuvres de Tennessee Williams et Arthur Miller via l’Option Internationale du Baccalauréat. Par la suite, j’ai commencé à me spécialiser en études anglophones dès la classe préparatoire et j’ai finalement intégré le département d’Études Anglophones de l’École Normale Supérieure de Lyon en 2018. Les partenariats de l’École m’ont permis de partir à Northwestern University (Chicago) pendant un an en tant que Visiting Scholar, puis à King’s College University (Londres) pendant un an également en tant qu’assistante de langue. J’ai également suivi la préparation à l’agrégation d’anglais de l’ENS, concours que j’ai obtenu en 2021. C’est aussi à l’ENS que j’ai commencé à axer mes recherches sur le théâtre étasunien en y consacrant mes deux mémoires de master.

Depuis 2023, j’ai rejoint Sorbonne Université pour mon doctorat. Je poursuis mes recherches sur le théâtre étasunien au sein du laboratoire VALE (Voix Anglophones Littérature et Esthétique) et du PRITEPS (Programme de Recherches Interdisciplinaires sur le Théâtre et les Pratiques Scéniques), sous la direction d’Elisabeth Angel-Perez et de Julie Vatain-Corfdir.

Pourquoi avez-vous décidé de participer au concours "Ma Thèse en 180 Secondes" ?

Une recherche qui n’est pas communiquée fonctionne à mes yeux en vase clos. Et il est bien sûr primordial d’aller vers tous les publics pour donner un sens à la recherche, en particulier dans le contexte actuel où la légitimité des chercheurs et des chercheuses est constamment remise en question. J’ai toujours trouvé que ce concours constituait une merveilleuse opportunité de s’essayer à la vulgarisation.

Parlez-nous de votre sujet de thèse.

A. F. : Je m’intéresse au potentiel renouvellement de la forme politique sur la scène théâtrale new-yorkaise à l’aube du trumpisme. Au lendemain des élections présidentielles de 2016, la scène new-yorkaise semble en effet connaître une re-politisation exceptionnelle. Et pour cause : une grande majorité des artistes de théâtre associe l’ascension politique de Donald Trump à l’avènement d’un ensemble de valeurs qui s’opposent non seulement aux leurs, mais qui menacent également l’existence de leur art au sein de la sphère publique – le président entend réduire drastiquement les subventions publiques attribuées d’ordinaire aux collectifs et artistes locaux.

Les professionnels du théâtre vont donc défendre leur art en le mettant à profit et en imposant sur la scène new-yorkaise un contre-discours à la ligne défendue par la Maison Blanche. Et c’est précisément la nature, la forme, la pertinence et la portée de ce contre-discours que je propose d’analyser pour mieux repenser le lien qui unit le théâtre au politique.

Trois minutes pour résumer une thèse entière, cela semble court. Comment avez-vous préparé votre intervention pour le concours ?

A. F. : Effectivement, c’est un sacré défi ! D’autant que dans mon cas, le sujet me semblait déjà presque communicable en l’état car il s’agit d’un sujet très actuel et tout le monde a donc déjà sa propre définition du trumpisme. L’enjeu était surtout de bien clarifier ma problématique et de donner au public un exemple concret de ce à quoi ressemble une journée de chercheuse en sciences humaines. C’est là la différence avec la plupart des autres candidats et candidates : pour le grand public, le métier de chercheur en sciences exactes connote un certain nombre d’images qui ne s’appliquent pas du tout à mon travail. J’ai donc mis l’accent sur mon séjour en archives et sur mon analyse de l’esthétique théâtrale.

Grâce aux formations organisées par Sorbonne Université, j’ai pu tester mon pitch à de nombreuses reprises devant le reste de mes camarades, et bénéficier de leurs retours très précieux au fil des semaines. Alexandra de Kaenel nous a ensuite formé sur la gestion du stress, la posture, la gestuelle, l’articulation, autant d’outils qui se sont révélés absolument essentiels pour la finale, mais aussi pour toutes les communications à venir.

Que vous a apporté la participation à cette compétition ?

A. F. : D’un point de vue purement pratique, l’exercice de MT180 est très formateur puisqu’il permet non seulement de s’exercer à la synthèse, mais aussi à la vulgarisation – deux qualités absolument essentielles dans notre métier. Dans mon cas, c’était aussi l’occasion de passer de la théorie à la pratique puisque que MT180 s’apparente à un exercice théâtral déguisé où les qualités d’orateur sont évaluées quasiment au même titre que la clarté de l’exposé. Enfin, le concours est un très bon prétexte pour se confronter à d’autres domaines de recherche et donc à d’autres méthodologies. J’ai beaucoup appris en écoutant mes camarades parler de leur recherche et je ressors de cette aventure avec un grand désir d’interdisciplinarité.

Que diriez-vous des effets de ce concours sur l'image du doctorat et de la recherche ?

A. F. : Les effets sont bien sûr positifs à mon sens. Le concours permet d’abord de donner de la visibilité à une poignée de jeunes chercheurs et chercheuses qui n’ont pas toujours l’opportunité d’exposer leurs travaux à cette échelle. Et c’est bien sûr l’occasion de lever le voile sur la nature même du métier de chercheur, souvent mal compris du grand public. Et je suis convaincue que ce genre d’initiatives permet également de susciter des vocations. Preuve en est : j’avais convié mes étudiants à la finale et certains d’entre eux m’ont confié qu’ils avaient bien envie de reprendre le flambeau…