L’importance du sommeil : dormez une heure de plus !
Indispensable au bon fonctionnement de notre organisme, le fait de bien dormir est devenu une injonction paradoxale dans un monde contemporain hyperactif. Isabelle Arnulf, chercheuse, neurologue et directrice de l’unité des pathologies du sommeil à l’hôpital de la Pitié Salpêtrière, revient sur l’importance du sommeil pour préserver nos capacités physiques et cognitives.
Quelles sont les principales fonctions du sommeil ?
Si nous passons près d’un tiers de notre temps à dormir, c’est que le sommeil a un rôle primordial pour notre santé. Ses fonctions sont multiples. Il nous permet d’abord de récupérer de la journée passée.
Au niveau du corps, c’est pendant le sommeil que nous améliorons notre métabolisme, que nos cellules se régénèrent, que nous stimulons la sécrétion d’hormones de croissance et transformons le gras en muscle, que notre système immunitaire se restaure et se développe.
Au niveau cognitif, le sommeil nous permet entre autre de consolider nos souvenirs, d’améliorer nos apprentissages, mais aussi de développer nos capacités de déduction et de créativité. Le sommeil sert par ailleurs à digérer les émotions, notamment ce qui est négatif, tout en conservant l’information importante qui est associée à l’émotion.
De combien d’heures de sommeil avons-nous besoin ?
Nous dormons en moyenne 7,5 heures. Mais il y a des « longs » et des « courts » dormeurs. Le besoin de sommeil n’est pas le même pour tous. Pour le déterminer, il suffit de regarder combien de temps nous dormons naturellement lorsque nous ne sommes pas soumis à une contrainte, en vacances par exemple. Ensuite, il faut essayer de garder ce temps de sommeil en évitant les grands écarts entre la semaine et le week-end.
Avons-nous perdu du temps de sommeil depuis ces dernières années ?
Depuis l’apparition des smartphones et des tablettes dans nos chambres, nous avons perdu du temps de sommeil. La lumière LED émise par les écrans est un signal de plein jour, d’éveil pour notre cerveau. En regardant ces écrans la nuit, notre cerveau bloque la sécrétion de mélatonine, hormone qui contribue à l’endormissement, et retarde le moment d’apparition du sommeil. Nous sommes également davantage maintenus en éveil par la stimulation de ces écrans interactifs que par l’ancienne télévision.
Quels sont les effets de ce manque de sommeil ?
Le manque de sommeil se traduit généralement par une fatigue mentale et une baisse de la concentration et de l’attention : les gens sont globalement plus lents à réagir et commettent plus de fautes.
Quand le manque de sommeil est plus important, des troubles du jugement apparaissent et nous prenons davantage de mauvaises décisions. Moins dormir, c’est aussi diminuer la régulation de nos émotions. Des troubles de l’humeur, de l’irritabilité se manifestent et les codes sociaux, comme les expressions du visage, sont moins bien interprétés.
A plus long terme, le manque de sommeil est aussi un facteur de développement de maladies comme l’hypertension artérielle, le diabète, l’obésité, etc. Ne pas dormir suffisamment contribue à affaiblir le système immunitaire. Même une heure de sommeil en moins a un effet visible sur la santé. Il suffit simplement de dormir une heure de plus pour préserver nos capacités physiques et cognitives.
Et pour améliorer nos capacités de mémorisation, vaut-il mieux apprendre ses cours avant de s’endormir ?
Effectivement, il vaut mieux apprendre ses leçons avant de dormir. Nous retenons davantage les informations en ayant appris le soir plutôt que le matin. Cela s’explique notamment par le fait que l’information est moins parasitée la nuit que dans la journée, mais aussi qu’un véritable dialogue se construit pendant le sommeil entre les différentes aires cérébrales pour consolider les informations apprises la veille.
Cette année, c’est la première journée du sommeil après la disparition d’un des plus grands représentants de ce domaine de recherche : Michel Jouvet. Vous avez travaillé avec lui. Que vous a-t-il inspiré ?
J’ai commencé la recherche sur le sommeil avec Michel Jouvet, en faisant mon DEA et ma thèse auprès de lui. J’en garde un souvenir extraordinaire. Il fourmillait d’idées en permanence. C’était un visionnaire. Il a découvert, en 1959, le sommeil paradoxal, cette période du sommeil où le cerveau est actif alors que le corps est complètement paralysé. Fervent défenseur de la physiologie, il cherchait à comprendre les mécanismes à partir de l’observation clinique. Dans mes travaux, j’ai essayé de conserver cette démarche presque naturaliste du chercheur.