Entre mythe et réalité, le cerveau en question
Organisée chaque année par la Société des neurosciences, la Semaine du cerveau (qui a lieu cette année du 15 au 21 mars) est une manifestation internationale qui a pour vocation de sensibiliser le grand public à la recherche neuroscientifique. Gaëtan de Lavilléon, docteur en neurosciences, fait partie de ces diplômés de Sorbonne Université créateurs d’entreprise. Fondateur de l’agence Cog’X, il revient sur l’importance de cet évènement pour discuter des questions que soulèvent les sciences cognitives pour notre société.
Que représente la Semaine du cerveau pour vous ?
La Semaine du cerveau est une formidable opportunité pour le grand public de découvrir comment fonctionne son cerveau. C’est l’occasion de rencontrer, à travers des conférences, des ateliers, des visites, les acteurs de la recherche en neurosciences.
L'intérêt pour le cerveau est de plus en plus prégnant. Comment l'expliquez-vous ?
Il y a une avancée claire des neurosciences depuis 30 ans. Cet accroissement des connaissances engendre davantage de questions et donc un plus large engouement de la part de la société.
Par ailleurs, dans notre environnement quotidien, l’information prend de plus en plus de place tandis que la place du corps diminue, notamment dans le travail. Il y a un encore un siècle, le travail était essentiellement physique, aujourd’hui, en Europe, la majorité des travailleurs exécutent leurs tâches assis devant un ordinateur. Il y a donc un intérêt de plus en plus fort à comprendre comment notre cerveau fonctionne pour traiter les informations et ainsi créer de nouvelles méthodes de travail adaptées à ses limites.
Quels sont les risques de cet engouement pour le cerveau ?
Aujourd’hui, il y a une véritable neuromania : il suffit de regarder la presse, il n’y a pas un jour sans un article sur la question. Le risque est que tout le monde en parle sans connaître vraiment le sujet. Il ne faut pas mélanger les propos des experts et les dires de ceux qui reprennent des informations de seconde main, parfois erronées.
Le rythme de la recherche n’est pas celui de la communication. Si les spécialistes affirment que l’on sait encore bien peu de choses sur le cerveau, nombre de personnes, plus ou moins bien intentionnées, transforment des pseudo-vérités lues çà et là en vérités établies. C’est ce que l’on appelle les neuromythes.
Quels sont les principaux neuromythes que vous combattez régulièrement ?
L’un des neuromythes les plus fréquents concerne la croyance selon laquelle seuls les enfants et les adolescents seraient capables d’apprendre et, qu’après 25 ans, le cerveau ne pourrait plus créer de nouvelles connexions neuronales. Il faut absolument briser cette croyance car dans une société où le travail se transforme en permanence et où l’on va devoir faire plusieurs métiers dans une vie, il est important que les gens se sentent en capacité de continuer à apprendre de nouvelles choses.
Un autre neuromythe à combattre est l’injonction, dans l’entreprise, à être multitâche. Le cerveau n’est pas multitâche. On passe d’une tâche à une autre, mais on ne peut pas traiter deux informations en même temps.
Rappelons que la mémoire de travail, cette mémoire tampon de notre cerveau qui permet de traiter les informations entrantes, est limitée. On ne peut pas à la fois être concentré sur un travail de fond, regarder les réseaux sociaux sur son téléphone, répondre à ses mails et être sollicité pour une urgence. On arrive à une saturation cognitive qui diminue nécessairement notre efficacité.
De même, les bureaux en open space, s’ils sont mal pensés, s’avèrent être une cause majeure de surcharge cognitive. Ce n’est pas anodin d’entendre une conversation quand on essaie de se concentrer. C’est un élément que les entreprises doivent prendre en considération en aménageant des espaces de collaboration dissociés des espaces de silence pour la concentration.
Combattre les neuromythes, c’est donc aussi poser la question de l’organisation du travail. C’est pourquoi il est primordial que les découvertes neuroscientifiques validées soient communiquées au grand public, aux dirigeants et aux décideurs institutionnels. Et c’est l’un des objectifs de la Semaine du cerveau.