Une nouvelle formation sur les enjeux éthiques de l’IA
Anouk Barberousse est professeure de philosophie des sciences à Sorbonne Université. Intéressée par la thématique « intelligence artificielle et démocratie », elle a mis en place, en partenariat avec SCAI et des universités membres de 4EU+, une formation sur les enjeux éthiques de l’intelligence artificielle. Elle nous explique les tenants et aboutissants.
À qui s’adresse cette formation ?
Anouk Barberousse : Cette formation gratuite s’adresse à tous les membres de la communauté universitaire de l'Alliance 4EU+ intéressés par l'intelligence artificielle et les aspects éthiques, sociaux, juridiques qu’elle recouvre. Au sein de Sorbonne Université, elle est destinée aux étudiants, étudiantes et personnels des trois facultés quelle que soit leur formation initiale et leur niveau.
Quels sont ses objectifs et ses enjeux ?
A.B. : Il s’agit d’offrir un panorama sur l'état de la réflexion éthique, politique et juridique liée à l'usage et à la conception d'algorithmes d'intelligence artificielle, en particulier de l'Europe. Parce que beaucoup d'étudiantes et étudiants vont être amenés à coder ou à utiliser ce genre d'outils d’IA, il est essentiel qu’ils aient des éléments pour se poser les bonnes questions. Or, ce sont des aspects qui sont rarement enseignés dans les cursus d’informatique ou de robotique.
Quelles questions seront abordées dans ce cours ?
A.B. : Nous avons essayé de faire le tour des usages dans la société et le monde économique de l'intelligence artificielle qui peuvent soulever des questions comme l'économie de plateforme, la prise de décision juridique, les discriminations, les données de santé et leurs usages dans les programmes de recherche, la protection des données, la surveillance de masse, etc.
Nous avons pris le parti de prendre des exemples thématiques pour illustrer les questions éthiques et politiques. L’un des cours est également consacré à l'amélioration des administrations grâce à l'IA car beaucoup d'agences gouvernementales l’utilisent déjà. Nous avons aussi prévu un cours sur la gouvernance de l'intelligence artificielle dans l'Union européenne en raison de la dimension européenne de notre consortium.
En quoi est-il innovant en termes de pédagogie ?
A.B. : Cet enseignement original et innovant ne nécessite pas de prérequis particulier, si ce n’est l’anglais. Il est constitué de onze modules indépendants que l’on peut suivre dans l'ordre que l’on veut : épistémologie de l'intelligence artificielle, rôle des statistiques dans l'IA, démocratie, biais et discrimination, la politique de l'Union européenne....
Il faut environ deux heures pour couvrir l’ensemble d’un module : cours, lectures complémentaires et questionnaires. Pour obtenir le badge et le certificat, il faut répondre à un questionnaire final, mais aussi rédiger un court essai qui sera évalué par les pairs et soi-même, mais aussi évaluer les essais des autres.
Il est également nécessaire de rédiger une entrée du glossaire que nous développons sur l’intelligence artificielle et ses usages dans la société.
Toutes celles et ceux qui suivent le module peuvent poser des questions et une veille est organisée pour y répondre.
Il s’agit d’une formation construite en partenariat avec des collègues de 4EU+. Racontez-nous sa genèse.
A.B. : Le consortium a été monté durant l’été 2021. Au Sorbonne Center for Artificial Intelligence (SCAI), il y a un certain nombre d'acteurs de l’intelligence artificielle et de la robotique qui ont une approche réflexive et qui sont soucieux de transmettre. Par ailleurs, dans les universités partenaires, et en particulier à Milan, de nombreux juristes travaillent sur l'intelligence artificielle et la régulation européenne.
Nous avons donc travaillé ensemble sur ce thème. Un ingénieur pédagogique nous a aidé à faire la mise en forme, l'articulation et la standardisation des éléments du cours.
Comment le projet va-t-il se poursuivre dans l’avenir ?
A.B. : Le domaine de l'intelligence artificielle évolue très rapidement. Avec le soutien de l'université, nous programmons donc de mettre en place des ateliers annuels de réflexion avec les doctorants de l'Alliance 4EU+ qui travaillent sur ces sujets. L'objectif est de pouvoir proposer, sur la base des travaux de recherche en cours, de nouveaux contenus pédagogiques à nos étudiantes et étudiants, et ainsi faire évoluer ce cours régulièrement.