"Toutes les disciplines sont concernées par les questions de genre"
Anne Tomiche, professeure de littérature comparée, co-pilote avec le professeur de littérature anglaise, Frédéric Regard, l’initiative Genre de l'Alliance Sorbonne Université.
Adossée au groupe interdisciplinaire Philomel, elle a pour objectif de contribuer au développement des initiatives pédagogiques et scientifiques relatives aux questions de genre.
L'Initiative expliquée en 2'40
Rencontre avec Anne Tomiche et Frédéric Regard
Comment s’est constituée l’initiative Genre ?
Anne Tomiche et Frédéric Regard : En 2012, nous avons développé un séminaire portant sur les questions de genre et d’autorité au sein du laboratoire d’excellence Obvil (Observatoire de la vie littéraire). Ce séminaire a rencontré un vif succès auprès des collègues universitaires et de la communauté étudiante.
Forts de cette expérience et soutenus par le vice-doyen recherche et le doyen de la faculté des Lettres, nous avons obtenu en 2018 un financement pérenne pour élargir ce séminaire à l’échelle facultaire. C’est ainsi qu’est né Philomel, un groupe interdisciplinaire d'études sur le genre, qui s’est ensuite développé, avec le soutien de la vice-présidente recherche, à l’échelle des trois facultés de l’université. En 2019, nous avons obtenu des fonds pour recruter un post-doc et des stagiaires, initier des actions de communication et de coordination et mettre en place le premier colloque sur le genre à Sorbonne Université.
Née en 2020, l’initiative Genre s’inscrit dans la suite logique de ce projet et s’adosse pleinement au groupe Philomel qui rassemble aujourd'hui 200 membres parmi les communautés étudiante et enseignante.
La pluridisciplinarité est au cœur des initiatives. Comment se traduit-elle concrètement pour vous ?
A. T. & F. R : Toutes les disciplines sont concernées par les questions de genre. Dès la naissance du groupe Philomel, qui coïncide avec la fusion de l’UPMC et de Paris-Sorbonne, nous avons travaillé à une interdisciplinarité intra et inter-facultaire, à travers la mise en place d’appels à projets et de séminaires.
Par ailleurs, l’ensemble des décisions de l’initiative sont prises par des instances pluridisciplinaires (comités de recrutements des contrats doctoraux, etc.). Ce fonctionnement est essentiel car il permet de changer le regard que les représentantes et représentants d'une discipline portent sur tel ou tel sujet.
Quels sont les objectifs de l’initiative ?
A. T. & F. R : L’objectif est triple et concerne à la fois la formation et la recherche : il consiste à fédérer des activités, à en impulser de nouvelles et à leur donner de la visibilité.
Pour le volet formation, nous avons développé, à la faculté des Lettres, un module transdisciplinaire sur le genre qui peut être suivi par tous les étudiants et étudiantes quelle que soit leur discipline d'origine. Nous travaillons aussi à la mise en place d’un programme doctoral interdisciplinaire sur ce sujet.
Pour ce qui est de la recherche, l’initiative encourage l’émergence de projets de recherche transdisciplinaires inter- ou intra-facultaires. Déjà deux contrats doctoraux ont été financés cette année. Nous contribuons également à assurer un lien entre les membres et à rendre visibles les enseignements, programmes et équipes de recherche, séminaires et manifestations culturelles relatifs au genre.
Nous valorisons nos actions auprès du grand public en participant à des manifestations comme la Fête de la science ou en organisant des journées d'études hors les murs en partenariat avec des institutions culturelles comme le théâtre de l’Odéon ou la Bibliothèque nationale de France (BNF).
Quels axes de recherche avez-vous définis ?
A. T. & F. R : Nous recevons un nombre important de projets et il nous faut encore un peu de temps pour voir dans quelles directions nous pouvons les regrouper. Des choses se dessinent, par exemple, du côté des questions transgenre ou d’une approche sociologique de la place des femmes dans l’univers des sciences dites « dures ». Nous continuons, par ailleurs, notre séminaire sur les notions de genre et d’autorité en Sorbonne et au théâtre de l'Odéon. Nous soutenons aussi un groupe de doctorantes et doctorants qui travaillent sur des projets de créatrices contemporaines.
D’une manière générale, nous ne souhaitons pas, à ce stade, structurer les recherches sous forme d’axes car nous craignons que cela freine les collègues à déposer des projets qui ne cadreraient pas avec ces thématiques. Nous préférons partir des projets proposés, quitte à ce qu'ils soient très diversifiés au départ.
Quel impact les recherches réalisées au sein de l’Initiative peuvent-elles avoir sur la société ?
A. T. & F. R : L’impact est double. D’une part donner à réfléchir sur des grands sujets de société et d’autre part contribuer à faire changer les choses.
Par exemple, pour faire évoluer les mentalités sur les questions de transition de sexe et de genre, nous avons mis en place une journée d'études à la BNF en 2018 et un débat au théâtre de l’Odéon en 2019. Durant ces actions ouvertes au grand public, nous avons invité des personnes trans, mais aussi des médecins, sociologues, psychologues, biologistes et artistes pour questionner, de façon pluridisciplinaire, les représentations sur ce sujet.
Un autre projet interdisciplinaire que nous soutenons est porté par un physicien de la faculté des Sciences et Ingénierie et une sociologue de la faculté des Lettres. Partant du constat qu’il y a moins de moins de femmes dans les filières de sciences « dures », ce projet s'inspire d'un travail développé à l’université de Chicago et qui a obtenu des résultats très significatifs sur l'augmentation du nombre d'étudiantes dans ces filières. L’objectif est d’abord d’étudier les causes de la déperdition d'étudiantes en physique et en informatique à Sorbonne Université, puis de mettre en place des mesures concrètes pour faire évoluer les comportements et augmenter les effectifs féminins.
Comment Sandrine Aragon va changer le monde ?
Pour changer le monde, il faut avoir des modèles qui nous inspirent. Au sein de l'Initiative Genre, chercheuses et chercheurs travaillent aujourd'hui à faire redécouvrir les héroïnes de l'Histoire. Explications avec Sandrine Aragon, enseignante et chercheuse en littérature et civilisation françaises à la faculté des Lettres de Sorbonne Université.