SorbonNum : reconstitution numérique du fonds archives d’Henri de Lacaze-Duthiers
C’est sous le nom de code de « projet HLD » que depuis de nombreux mois, l’équipe du département des Collections de la Bibliothèque de Sorbonne Université (BSU) s’active pour diffuser enfin le résultat de la numérisation complète d’un fonds d’archives exceptionnel, le fonds Henri de Lacaze-Duthiers. Si ce nom est peu connu du grand public, il résonne particulièrement à Sorbonne Université tant il est lié à son histoire, et notamment dans deux de ses trois stations marines.
Henri de Lacaze-Duthiers, bâtisseur de stations marines
Félix Joseph Henri de Lacaze-Duthiers, dit Henri de Lacaze-Duthiers, naît le 15 mai 1821 à Montpezat (Lot-et-Garonne). Au cours de ses études de médecine à Paris, il se passionne pour la zoologie et présente une thèse en sciences naturelles après sa thèse de médecine. Professeur tour à tour à la faculté des sciences de Lille, à l’École normale supérieure, au Museum national d’histoire naturelle et finalement à la Sorbonne, il n’en demeure pas moins un chercheur de terrain, à travers ses voyages d’étude aux Baléares, en Bretagne ou en Algérie, durant lesquels il se spécialise en biologie marine, plus particulièrement dans les études des coraux. Son Histoire naturelle du corail devient l’ouvrage de référence sur ce sujet.
Il se fait également bâtisseur en impulsant la création et l’équipement des stations marines de la Sorbonne, d’abord en Bretagne à Roscoff – aujourd’hui la Station biologique de Roscoff (SBR) puis à Banyuls-sur-Mer, aujourd’hui l’Observatoire océanologique de Banyuls-sur-Mer (OOB). Lacaze-Duthiers administre les deux stations en tant que directeur, qui en fait des lieux aux activités scientifiques foisonnantes, recevant de nombreux résidents.
Pour communiquer sur les travaux menés au sein de ses deux stations, Lacaze-Duthiers fonde également la revue des Archives de zoologie expérimentale et générale. Membre de diverses sociétés savantes et élu à l’Académie des sciences en 1871, reconnu internationalement, il entretient des correspondances scientifiques soutenues avec ses pairs.
Les archives désormais accessibles sur SorbonNum sont une reconstitution numérique d’un fonds conservé aujourd’hui dans trois établissements : les stations de Banyuls-sur-Mer et Roscoff, l’Académie des sciences, ainsi que par les descendants de l’héritier de Lacaze-Duthiers. Cet éclatement a débuté du vivant de son producteur. En effet, en raison des déplacements de Lacaze-Duthiers entre ses deux stations, et à l’administration simultanée et à distance de ces dernières, le fonds fut produit et conservé dans les deux stations à la fois. À sa mort, ses archives étaient majoritairement concentrées à l’OOB, laissant tout de même une partie conservée entre sa propriété de Las Fons et Roscoff. Sous l’Occupation, l’OOB, soucieux de protéger son patrimoine, a dissimulé ses archives chez des habitants de la ville, engendrant des pertes, mais également des retours, sur plusieurs décennies et au gré de découvertes. Pour finir, entre 1976 et 1977, la bibliothèque de l’OOB envoya la majeure partie des archives de Lacaze-Duthiers qu'elle conservait au service d'archives de l’Académie des sciences, avec laquelle SU a signé en 2021 une convention de partenariat de valorisation de ce fonds.
Entre 2021 et 2022, la BSU organise ainsi avec les deux stations, l’Académie et les héritiers de la partie privée du fonds la réunion provisoire du fonds sur le campus Pierre et Marie Curie, pour permettre son reconditionnement matériel, son inventaire systématique (désormais disponible en ligne sur Calames), son classement cohérent et sa numérisation intégrale.
Le fonds est décrit et indexé selon les normes de signalement en vigueur par l’équipe du département des Collections pour permettre une navigation fluide et pérenne. Le contexte scientifique et l’attachement du fonds aux sciences naturelles ont été pris en compte lors de la description, notamment dans l’indexation des taxons. En effet, Lacaze-Duthiers a précisément notifié les taxons et les lieux de prélèvement des spécimens, ses éléments ont été retranscrits afin de permettre une étude épistémologique et critique. Les taxons dont la forme a changé ont fait l’objet d’une indexation supplémentaire, comportant la forme acceptée en 2022 (référentiel WoRMS). Réalisée principalement par un prestataire extérieur, la numérisation a quant à elle fait l’objet d’un contrôle-qualité complet par la même équipe.
Ce travail de plusieurs mois offre aujourd’hui aux curieuses et aux curieux 26 547 pages d’archives - carnets de notes, manuscrits de cours, correspondance, croquis, plans des stations - consultables librement en ligne sur SorbonNum, la bibliothèque numérique patrimoniale de SU. Huit ensembles constituent le fonds d’archives numérisé Lacaze-Duthiers :
- Archives des stations marines
- Communications et publications
- Correspondance
- Leçons et enseignement
- Mémoires et carnets personnels
- Recherches et travaux scientifiques
- Travaux scientifiques reçus par Lacaze-Duthiers
- Vie professionnelle et scientifique
Réunies, les archives de Lacaze-Duthiers constituent un riche matériau de recherche pour l’histoire. Reflétant les nombreuses facettes du personnage, ce fonds d’une richesse et d’une ampleur uniques offre une véritable perspective sur l’histoire des sciences, en particulier de la zoologie marine. Le fonds est en outre amené à s’enrichir encore, comme en témoigne la récente acquisition aux enchères par la BSU de cahiers de cours l’étudiant Lacaze-Duthiers et dont l’inventaire est sur Calames.
À l’occasion de la diffusion du fonds sur SorbonNum, venez découvrir à la bibliothèque BCPR (campus Pierre et Marie Curie), du 22 janvier au 26 février 2024, une sélection de six documents originaux exposés au public pour la première fois à Paris.
