Sorbonne Université à la pointe en matière de science ouverte
En février 2023, le cap des 100 000 articles disponibles en libre accès dans le portail HAL Sorbonne Université a été franchi.
Sorbonne Université est la première université française en termes de taux de publications en libre accès
Anne-Catherine Fritzinger, conseillère science ouverte et directrice de la Bibliothèque Sorbonne Université (BSU), revient sur les enjeux de cet axe stratégique du projet d’établissement.
Qu’est-ce que le libre accès et que représentent ces 100 000 articles déposés dans HAL ?
Le libre accès permet la consultation libre et gratuite des publications issues de la recherche. Depuis sa création, Sorbonne Université incite sa communauté de recherche à déposer ses publications dans l’archive ouverte HAL Sorbonne Université. L’engagement en faveur du libre accès a été formalisé en 2019 par la Charte de Sorbonne Université pour le libre accès aux publications, mais la dynamique était déjà bien engagée auparavant.
Nous avons franchi début 2023 le cap des 100 000 articles déposés en texte intégral dans le portail HAL Sorbonne Université : c’est un beau succès, qui est l’aboutissement tout à la fois d’un portage politique fort, d’un soutien sans faille de la gouvernance à la science ouverte et d’une adhésion de la communauté universitaire au principe d’ouverture et de partage. Cette dynamique doit également beaucoup à la politique nationale de science ouverte, à la convergence entre la politique de Sorbonne Université et celles des organismes de recherche et, bien sûr, des exigences des financeurs de la recherche en matière d’ouverture des publications.
Le classement de Leiden, qui a intégré depuis quelques années un indicateur relatif au libre accès des publications, place Sorbonne Université en tête des universités françaises pour le taux de publications en libre accès. Sorbonne Université est également la première université d’Europe continentale pour le nombre des publications disponibles en Open Access (5ème européenne, après UCL, Oxford, Cambridge et Imperial College).
En quoi le libre accès est-il un enjeu crucial pour la recherche, la formation et l’innovation en France ?
Alors que tout le processus de recherche est porté et financé par des acteurs publics, les résultats scientifiques sont publiés chez des éditeurs commerciaux qui monnaient ensuite très cher l'accès à leurs ressources (que ce soit par le biais des abonnements aux revues ou des frais de publications conditionnant l’ouverture de l’article). Aujourd’hui, le coût de la licence Elsevier représente près d’un million d’euros pour Sorbonne Université. Et les frais de publication en Open Access dans Nature s’élèvent à près de 10 000€ par article ! C’est un système aberrant au sein duquel les équipes et les établissements de recherche sont dépossédés des droits sur leurs travaux et les résultats produits. Nous sommes arrivés au bout d’un système insensé. Il est temps de réagir, de stopper cette machine infernale et de rétablir un peu de bon sens dans cet écosystème.
Pour les scientifiques et les institutions, l’enjeu du libre accès est donc aussi un enjeu de réappropriation du processus de la recherche et des résultats qu’ils ont eux-mêmes produits. Il permet aussi de garantir la libre circulation des publications scientifiques pas seulement au sein de nos institutions de recherche, mais aussi dans la société, les pays moins riches, etc.
Enfin, ouvrir l’accès aux publications permet d’accroître la visibilité des articles (un article en libre accès sera davantage cité qu’un article accessible uniquement par abonnement). Il n’est pas anodin de constater que les trois universités françaises en tête du classement de Leiden pour le libre accès aux publications sont aussi celles qui sont les mieux classées en termes d’impact scientifique. Ouvrir, c’est accroître son impact.
Dans le domaine de la recherche publique, c’est aussi une manière de rendre à la société ce qu’elle a contribué à financer.
La science ouverte est l’un des quatre axes stratégiques du projet d’établissement. Comment se traduit-il concrètement ?
Dès 2019, Sorbonne Université s’est dotée d’une charte pour le libre accès aux publications scientifiques dans laquelle l'université s’engage, en tant qu'institution, à sensibiliser et accompagner la communauté universitaire sur ces sujets et promouvoir la bibliodiversité. Concrètement, ce soutien est déployé au sein du département Publications & Open Access de la BSU. Il se traduit par l’accompagnement des équipes de recherche au dépôt des publications dans le portail HAL Sorbonne Université et par une sensibilisation de la communauté aux enjeux de la science ouverte. L’université est particulièrement attentive à la formation des doctorantes et doctorants ; nous nous appuyons également sur le MOOC Science ouverte que nous avons réalisé au sein de l’Alliance Sorbonne Université (ASU) avec le Muséum national d’Histoire naturelle.
La science ouverte à Sorbonne Université, c’est aussi une politique d’ouverture et de partage des données, élaborée en lien avec les partenaires de l’ASU. Nous sommes engagés dans l’accompagnement des équipes de recherche pour la rédaction des plans de gestion des données, mais aussi pour la formation et la sensibilisation aux bonnes pratiques de gestion et d’archivage des données. Il ne s’agit pas d’ouvrir systématiquement les données, mais d’apprécier au cas par cas celles qui doivent être protégées (données de santé par exemple) et celles qui doivent être ouvertes.
En gérant ses données dans le respect des principes FAIR (Faciles à trouver, Accessibles, Interopérables et Réutilisables) et en adoptant de bonnes pratiques de gestion, on crée les conditions de la conservation pérenne des données et on rend possible, lorsque leur nature le permet, leur ouverture ultérieure. Sur ces sujets également, nous avons une attention toute particulière à la formation des doctorantes et doctorants et nous travaillons avec le référent intégrité scientifique et le président du Comité d’éthique de la recherche. Car former la communauté à la bonne gestion des données de la recherche, c’est la former aux bonnes pratiques de recherche et à une recherche intègre.
Conserver les données de la recherche et les ouvrir (ou rendre leur ouverture possible), c’est aussi, dans les disciplines où cela est pertinent, rendre la recherche reproductible : sachant que la majorité des situations de méconduite scientifique concerne soit les signatures de publication, soit les manipulations de données, on comprend aisément les enjeux de la sensibilisation des communautés à ces sujets.
À quoi sert le Baromètre de la Science Ouverte (BSO) mis en œuvre par le ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l'Innovation ?
Ce baromètre, déployé à l’échelle nationale dans le prolongement du lancement du premier plan national de la science ouverte adopté en 2018, mesure l’évolution de la part des publications en libre accès, en fonction des disciplines, des éditeurs et du type de libre accès (archive ouverte ou green Open Access, libre accès des éditeurs ou gold Open Access). En nous appuyant sur le script réalisé par l’Université de Lorraine, nous avons pu déployer le BSO à l’échelle de Sorbonne Université. Les résultats sont à la hauteur de l’ambition portée par Sorbonne Université dans ce domaine et confirment l’analyse de CWTS Leiden Ranking (classement 2022) qui attribue un taux de 79% de publications en accès ouvert à Sorbonne Université pour la période 2017-2020, la positionnant ainsi comme l’université française ayant le plus fort taux de libre accès.
Selon le BSO de Sorbonne Université, 78% des publications de Sorbonne Université parues en 2020 sont en libre accès. Ce taux est de 62% à l’échelle nationale. Dans certaines disciplines, comme les sciences physiques, l’astronomie, les mathématiques et les sciences de la Terre, nous avons un taux moyen d’ouverture des publication compris entre 85 et 90% (Cf. les résultats nationaux). Dans le domaine de la recherche médicale, le taux d’ouverture des publications est supérieur de 10 points au taux national.
Cet excellent bilan, qui est le résultat d’un engagement durable de Sorbonne Université en faveur de la science ouverte, ne doit cependant pas nous faire oublier qu’une publication sur cinq au sein de notre université reste inaccessible (sauf par le biais d’abonnements très coûteux).
La question du système d’évaluation de la recherche reste la clé de voûte de la science ouverte, n’est-ce pas ?
Tout à fait. Si l’on veut faire évoluer les pratiques de recherche et les principes d’ouverture et de partage, il est nécessaire de faire évoluer le système d’évaluation de la recherche. Il faut progressivement cesser de valoriser le facteur d’impact de la revue ou la quantité d’articles publiés au profit de la qualité intrinsèque du travail scientifique. C’est pourquoi, dans le prolongement de sa politique d’ouverture, la gouvernance de l’université a naturellement porté ce changement : d’abord en adoptant dès 2021 une politique de valorisation des actions pour la science ouverte dans l’évaluation interne, puis en signant la déclaration de San Francisco sur l’évaluation de la recherche (DORA), enfin en rejoignant très récemment la coalition européenne COARA et en signant, en novembre 2022, l’accord sur la réforme de l’évaluation de la recherche.
Le Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (HCERES) s’inscrit désormais dans la même dynamique puisqu’elle inclut dans sa grille d’évaluation des indicateurs relatifs entre autres à l’ouverture des publications.