Restauration d’une série d’oeils en verre représentant des pathologies du 18ème siècle
Les collections d’anatomie pathologique du Musée Dupuytren sont conservées sur le campus Pierre et Marie Curie sous le pilotage d’une équipe dédiée à la gestion des collections scientifiques et patrimoniales de Sorbonne Université (Pôle Patrimoine, Bibliothèque de Sorbonne Université).
Actuellement engagée dans un projet de numérisation et de mise en ligne des collections sur le portail SorbonNum, Eloïse Quétel, responsable des collections Dupuytren, a identifié dans le cadre du projet plusieurs objets candidats à la restauration du fait de leur importance scientifique et historique, et de leur état de conservation – dont cette étrange réunion d’oeils de verre…
Ce présentoir fait partie d’un petit ensemble de pièces provenant de l’ancienne Académie royale de chirurgie (XVIIIème siècle) et se compose de 45 globes oculaires en verre soufflé et émaillé, insérés dans une plaque de bois recouverte d’un velours noir, entourée d’un cadre et déposée sur un lutrin. Par ailleurs, la ligne inférieure du présentoir était déjà lacunaire depuis plusieurs décennies (le présentoir comportait à l’origine cinquante-quatre globes) et avait été masquée par une bande de velours noir (fig.1).
Cette pièce étant particulièrement rare et nécessitant une restauration importante, deux restauratrices spécialistes du verre et formées à l’Institut national du Patrimoine sont intervenues en juin 2021 (fig.2).
Au-delà de l’encrassement et de l’empoussièrement généralisé de la pièce, sept globes oculaires étaient cassés et lacunaires et quatre étaient fissurés. Afin de les traiter, les globes oculaires cassés ont été démontés et déposés au sein de coupelles pour observation (fig.3, 4 et 5). Le démontage a notamment permis de retrouver des fragments ayant appartenu à d’autres globes oculaires. En effet, certains globes cassés avaient été remontés à la fin des années 1970 avec des morceaux d’autres globes (probablement en provenance des globes disparus aujourd’hui sur la partie basse du présentoir).
Lorsque les globes étaient globalement complets, ils ont été nettoyés à l’acétone et reconstitués en réalisant des collages et consolidation à la résine acrylique ou vinylique. Lorsque les globes étaient lacunaires, une sphère en résine époxy optique, chargée de microsphères de verre et teintée en surface avec un mélange de résine acrylique et de colorants, a été réalisée pour servir à la fois de support et de comblement aux fragments (fig.6, 7 et 8). Après nettoyage à l’acétone et à l’eau déminéralisée, les fragments ont été collés sur les sphères en résine avec du Paraloïd®B72 dilué dans l’acétone. Les globes ont été fixés dans leurs emplacements avec des bandes de papier Japon collées et en périphérie avec une colle vinylique.
Les globes oculaires présentant des fissures ont été consolidés avec une résine acrylique et lorsque cela était nécessaire, un comblement a été réalisé avec une teinte colorée en surface.
Tous les autres globes oculaires ont été nettoyés avec de l’acétone pour ôter les résidus de résine et de l’eau déminéralisée. Le velours a été dépoussiéré par micro-aspiration et à l’aide de bandes adhésives. La plaque de verre, qui recouvrait l’ensemble des globes, a été nettoyée avec de l’éthanol et de l’eau déminéralisée additionnée d’un tensio-actif. Des traces subsistant malgré ce nettoyage, celle-ci a été remplacée afin de faciliter la lecture de l’ensemble de la pièce et des globes oculaires (fig.9) et la plaque de verre originale a été archivée.
Enfin, les quelques morceaux de globes qui n’ont pas pu être identifiés ont été conservés au sein de sachets Minigrip® maintenus à l’aide d’un fil au niveau du lutrin de présentation et le velours de la partie basse du présentoir qui était décolorée a été remplacée par deux systèmes de montage sur carton neutre (fig. 10).
Le déroulement des interventions a été consigné dans un rapport d’intervention permettant de documenter l’« avant/après » de la restauration. Cet ensemble rarissime, petite encyclopédie visuelle de pathologies de l’œil du XVIIIème siècle, a réintégré les collections Dupuytren où il est désormais prêt à traverser plusieurs autres siècles.