Quelles villes pour demain ?
A l'occasion de la sortie du numéro "Quelles villes pour demain ?" de l'hebdomadaire le 1, réalisé en partenariat avec Sorbonne Université, découvrez l'article rédigé par Florence Huguenin-Richard, maîtresse de conférences en géographie et aménagement à la faculté des Lettres de Sorbonne Université.
Vers des transports à la carte ?
Paru dans le numéro 318, « Quelles villes pour demain ? »
FLORENCE HUGUENIN-RICHARD
GÉOGRAPHE
Maîtresse de conférences en géographie et aménagement à la faculté des Lettres de Sorbonne Université, elle a publié La Ville à pied : expériences piétonnes (L’Harmattan).
Depuis une bonne décennie, l’idée la plus prégnante des transports urbains de demain concerne le véhicule autonome sans conducteur, ouvrant la voie vers un futur « robomobile ». Certains promettent monts et merveilles (moins d’accidents, moins d’embouteillages, des gains de temps et d’accessibilité) ; d’autres de profonds changements sociétaux, économiques, urbains. En attendant une voiture, même intelligente, reste une voiture. Cette vision du futur est construite au regard des systèmes de transport existants, encore largement dominés par l’usage massif de la voiture individuelle. Elle est conditionnée aussi par le contexte économique mondial. En effet, depuis une dizaine d’années, constructeurs automobiles et opérateurs de transport historiques sont soumis à la concurrence des nouveaux géants du numérique et des nouvelles technologies (GAFAM – Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft – et NATU – Netflix, Airbnb, Tesla et Uber). Les États et un certain nombre de métropoles se sont trouvés entraînés dans le sillage de cette course à l’innovation.
Concomitamment, par hybridation, le déploiement de la mobilité électrique et connectée a permis l’émergence de petits engins individuels plus rapides que la marche à pied, comme les trottinettes en free flotting – c’est-à-dire en libre-service et sans station – ou les gyropodes, etc. Et plus récemment encore, la crise sanitaire du Covid-19 a donné un coup de pédale inattendu à la pratique du vélo. De grandes métropoles comme Berlin, Bogota, Mexico, Paris, aménagent dans l’urgence des réseaux de pistes cyclables (les fameuses coronapistes). En gros, elles sont en train de réaliser à la hâte ce qu’elles avaient traîné à faire depuis quarante ans.
À vrai dire, nous sommes entrés dans l’ère de la robotique et de l’intelligence artificielle depuis longtemps, au gré de l’imprégnation des nouvelles technologies dans nos vies et dans nos villes, souvent sans y prêter attention. Dans une acceptation très large, la robomobilité consiste à confier tout ou partie de ses capacités à se déplacer à une machine ou à un algorithme : en utilisant une application GPS ou en activant la fonction d’aide au parking sur une voiture, par exemple. Ces développements peuvent ainsi offrir des perspectives très intéressantes pour tous ceux et toutes celles qui éprouvent des difficultés dans leur mobilité, tant au niveau physique que cognitif (à commencer par se repérer dans l’espace ou lire un plan). L’intelligence artificielle appliquée à la ville (la smart city) a d’ores et déjà investi de nombreux domaines, dont les transports. Par exemple, avec l’information en temps réel des conditions de circulation sur différents supports dont les smartphones, avec la mise en partage d’une flotte de vélos ou de véhicules sur un territoire. Plus encore, le partage des données des différents opérateurs de transport urbains au sein d’un système intégré (le MaaS : Mobility as a Service) permet aux usagers de pratiquer beaucoup plus facilement qu’auparavant l’intermodalité (l’utilisation de plusieurs modes au cours d’un même déplacement).
Alors quels transports dans la ville de demain ? En tant que spécialiste des mobilités urbaines et de ses enjeux, j’imagine toujours plus de piétons et de cyclistes, peut-être aussi des petits engins individuels hybrides pour les enfants et les personnes âgées, entre autres, qui retrouveront leur droit de cité. Les rues seront accueillantes, attractives, ombragées et sûres. Des transports en commun permettront de se déplacer plus loin, en dehors du quartier. Ils fonctionneront en continu, jour et nuit. Accessibles à tous et à toutes. Nos métros, nos trams et peut-être des petits véhicules légers autonomes, rapides, fluides, climatisés, sécurisés, propres. L’on se déplacera sur des chaussées mieux partagées entre les différents usagers, ou bien suspendu à des rails. L’on trouvera des voitures encore. On respirera un bon air.
Retrouvez l'article en intégralité et l'intervention de Florence Huguenin-Richard, invitée de Grand Bien Vous Fasse ! consacré à la ville de demain et présenté par Ali Rebeihi sur France Inter.