Partenariat franco-indien : « Je suis reconnaissant envers Sorbonne Université et l'IIT Delhi pour cette incroyable expérience »
Rahul Gupta et Dinesh Sharma, doctorants à l'Institut indien de technologie de Delhi (IITD), ont passé les trois derniers mois en échange à Sorbonne Université.
Rahul se spécialise en ingénierie biochimique et biotechnologie avec une spécialité en biologie du cancer, et Dinesh est dans le domaine de la biologie computationnelle. Durant leur programme d'échange, ils ont travaillé sur divers projets de recherche, des projets collaboratifs et des expériences culturelles.
Parlez-nous de vos parcours.
Rahul Gupta: Après avoir obtenu un diplôme de licence et une maîtrise en technologie, j’ai poursuivi un doctorat en ingénierie biochimique et biotechnologie à l'IITD, avec une spécialisation en biologie du cancer. Ma thèse vise à étudier le rôle des ARN non codants dans l'instabilité du génome dans le glioblastome (les tumeurs malignes les plus courantes dans le cerveau).
Dinesh Sharma: Je me spécialise en biologie computationnelle. J'ai obtenu un diplôme de licence en sciences biomédicales et une maîtrise en bio-informatique. Je suis actuellement au milieu de mon doctorat, axé sur les investigations physico-chimiques des séquences génomiques et le séquençage de nouvelle génération.
Qu'est-ce qui vous a donné envie de venir en échange à Sorbonne Université ?
RG: Lorsque j'ai été informé de l’échange d’expériences à Sorbonne Université, j'ai sauté sur l'occasion. J'ai rejoint l'équipe du Professeur Ahmed Idbaih et du Docteur Maïté Verreault à l'Institut du Cerveau de Paris (ICM) car je voulais explorer la recherche de candidats médicamenteux liée au glioblastome.
DS: J'ai été inspiré par un projet spécifique dirigé par le professeur associé Clément Carré, qui étudie les ARN de transfert et leur biologie. Je voulais vraiment faire partie de ce projet, et heureusement, le professeur Carré a été satisfait de mon parcours scientifique et j'ai pu me joindre à l'équipe d'Épigénétique transgénérationnelle et biologie des petits ARN à l’Institut de Biologie Paris Seine.
Qu'avez-vous fait à Sorbonne Université au cours de ces derniers mois ?
RG: L'équipe de l'ICM a eu la gentillesse d'accueillir certaines de mes expériences de doctorat. J’ai ainsi pu travailler dessus, en plus de collaborer à un projet entre nos équipes de recherche indiennes et françaises. J'ai également eu la chance de pouvoir explorer l'analyse de données à partir d'échantillons de patients atteints de glioblastome.
DS: Je me suis concentré sur l'analyse des fragments d'ARNt, un projet novateur dans l'analyse du séquençage des ARN. Plus précisément, j'ai travaillé sur la validation des hypothèses de l'équipe concernant les mutations qui provoquent la fragmentation des ARNt. Ce travail a impliqué un changement de ma spécialité habituelle en biologie computationnelle vers un travail expérimental plus pratique.
Qu'avez-vous appris de vos collègues français ?
RG: Beaucoup de choses ! J'ai apprécié l'infrastructure et les installations pour la recherche sur le cancer à l'ICM, ainsi que l'occasion d'observer des chercheurs avec des spécialités différentes. Il était très intéressant d'observer, par exemple, l'installation pour les animaux et de voir l'isolement des cellules immunitaires à partir d'échantillons sanguins de patients atteints de cancer.
DS: Mes collègues m'ont aidé à plonger dans les aspects plus expérimentaux de la génération de données. J'ai acquis des informations inestimables sur la façon dont leurs données sont générées, en utilisant notamment des mouches à fruits. À l'IITD, j'analyse généralement des données qui ont déjà été générées, mais à Sorbonne Université, j'ai vraiment compris comment cela se fait, d'où cela vient.
Qu'avez-vous pu enseigner à vos collègues ?
RG: J'ai pu leur enseigner certaines techniques de biologie moléculaire dans la recherche sur les cellules cancéreuses, ainsi que des connaissances sur les techniques spécifiques aux ARN non codants. J’ai aussi pu partager mon analyse de données de patients atteints de cancer pour décrypter les ARN non codants. Ces données pourraient être cruciales pour la recherche sur le glioblastome.
DS: J'ai présenté à mes pairs de nouveaux outils informatiques et des compétences en programmation, ainsi que la manière de préparer une délicieuse cuisine indienne – mon kheer et mes pakoras ont remporté un franc succès !
Quelles différences avez-vous remarqué entre nos deux universités ?
RG: Déjà, Sorbonne Université est très ancienne, des centaines d'années, contrairement à l'IITD. L'Inde a obtenu son indépendance en 1947, et les Instituts indiens de technologie, comme le nôtre, ont été créés juste après. Nous apprenons beaucoup de Sorbonne Université, en termes de structures de recherche. C’est particulièrement utile alors que l'Inde s'efforce aujourd’hui de construire un répertoire de patients atteints de cancer.
Sur une note plus légère, en Inde, la pause déjeuner est plus courte !
DS: J'ai remarqué cela aussi. Les horaires de bureau et l'équilibre entre vie professionnelle et vie privée est mieux défini en France. J’ai vu des gens faire du jogging pendant leur pause du midi ! C’est rare en Inde. Cela dit, en 60 ou 70 ans, notre pays s'est modernisé et s’est vite rattrapé en ce qui concerne les sciences et la technologie. Mais ce serait bien d'injecter un peu plus de flexibilité française dans notre culture de travail.
Pourquoi une approche mondiale de la santé est-elle importante ?
RG: Tous les problèmes de santé, les cancers ou les maladies liées au style de vie nécessitant une attention urgente, peuvent grandement bénéficier de ce partage de ressources.
À titre d’exemple, le glioblastome affecte de nombreuses personnes en Asie, aux États-Unis, en Amérique du Nord et du Sud, et en Europe, où ce cancer et d’autres maladies du cerveau sont en augmentation. Pour trouver des solutions, il est important d’avoir de nombreuses perspectives. Les données de patients provenant de plusieurs pays peuvent révéler, par exemple, certaines prédispositions pour différentes ethnies dans le développement des cancers. Toutes ces réponses peuvent nous permettre de former une perspective globale et un état d'esprit plus large.
DS: En tant que génomiste, ces différences entre les personnes sont très pertinentes. Lorsque nous entrons dans le génome, nous apprenons quelles sont nos différences génétiques dans toute leur complexité. Il est important de comprendre ces différences entre les populations. Pendant mon séjour à Sorbonne Université, j'ai travaillé dans un laboratoire axé sur l'épigénétique. Nous étudions les changements subis par l'ADN et l'ARN au-delà des séquences et les modèles qui apparaissent chez différentes personnes de différentes régions.
Je pense que dans la décennie à venir, nous nous engagerons encore davantage dans des échanges culturels et techniques en élargissant et en diversifiant notre champ de recherche pour le bien commun.
Quels sont les aspects les plus stimulants et les plus difficiles de vos recherches actuelles ?
RG: L'aspect le plus stimulant réside dans la compréhension de certains candidats ARN non codants qui sont cruciaux pour le développement de nouveaux biomarqueurs pour le glioblastome.
Le doctorat en lui-même est l’un des aspects les plus difficiles, mais ce n’est pas surprenant – il y a toujours des périodes pendant lesquelles les recherches ne se déroulent pas comme prévu.
Un défi particulier dans mon domaine est de prendre soin des lignées cellulaires. On ne peut pas prendre une journée de congé quand cela nous chante et les laisser pousser, il faut s'occuper de ces cellules comme si elles étaient nos propres enfants. Cela nécessite une attention constante. Cela dit, je suis toujours motivé par mon souhait de contribuer aux connaissances sur le cancer, et espérons-le, un jour trouver un traitement.
DS: Pour moi, la partie la plus stimulante, particulièrement pendant cet échange à Sorbonne Université, a été l'exploration novatrice de l'ARNt. Étudier comment l'ARNt est impliqué dans la dérégulation et la régulation à la hausse de certains gènes est un aspect passionnant de mes recherches. Les défis résident dans la spécificité des opérations de séquençage et de machine – parfois le processus d'ajustement peut prendre plus d'un mois.
De quelle manière cette expérience a-t-elle été enrichissante, tant sur le plan professionnel que personnel ?
RG: Professionnellement, apprendre de nouvelles techniques et observer différentes approches de recherche a été enrichissant. Sur le plan personnel, visiter Paris pour la première fois, découvrir la culture française, la langue et la cuisine, a été une expérience merveilleuse.
DS: Cette expérience a élargi mes connaissances en génération de données. Pouvoir contribuer à l'analyse du génome, que je considère comme l'avenir de notre domaine, a été très précieux.
Personnellement, c'était très enrichissant d'explorer Paris, de découvrir différentes cultures et de voir en vrai des monuments emblématiques que je ne connaissais que via les manuels scolaires. C'est la première fois que Rahul et moi voyageons en dehors de l'Inde.
Avez-vous des anecdotes à nous partager ?
RG: Je me suis découvert une passion pour le pain au chocolat ! Heureusement, nous avons des boulangeries Paul à New Delhi, je pourrai donc continuer à savourer mon nouveau petit-déjeuner quotidien. Autrement, j'ai apprécié de pouvoir enfin pratiquer le français que j’ai appris à l’école !
DS:Nous avons fait des déplacements aux quatre coins de Paris et quelques escapades en Italie certains week-ends. C’était intéressant d’observer ces différences de culture ! Même du nord au sud de Paris, il y a des différences.
Un dernier mot ?
DS: Je tiens à remercier Sorbonne Université de nous avoir accueillis. C’était une expérience inestimable professionnellement et personnellement. Je n’ai pas assez de mots pour décrire cela.
RG: Tout comme Dinesh, je suis reconnaissant envers Sorbonne Université et l'IIT Delhi pour cette incroyable expérience. Cela augure une collaboration fructueuse entre nos deux établissements dans la recherche sur la santé globale.