Les humanités numériques : une trandiscipline naturelle pour Sorbonne Université
Alors que le numérique se développe de manière exponentielle, on ne peut ignorer ce que cet outil peut apporter aux Lettres et Sciences humaines.
Elisabeth Angel-Perez, Vice-présidente Recherche et Innovation, nous montre en quoi la nature pluridisciplinaire de Sorbonne Université la prédispose à s’investir activement dans cette « transdiscipline » que constituent les humanités numériques.
Que recouvre l’expression « humanités numériques » ?
Les humanités numériques sont une transdiscipline. Le concept est double. D’une part, il nous invite à penser les convergences entre technologie et humanités et à considérer une méthodologie de recherche qui met les nouvelles technologies au service des humanités, au cœur des disciplines relevant du champ des Langues, Lettres et Sciences Humaines (LLSH). Cela va de la fouille de texte en littérature à l'édition augmentée, en passant par les humanités biomédicales, les études de terrain en géographie, la reconstruction virtuelle du patrimoine archéologique, etc. Il nous incite, d'autre part, à réfléchir à ce qu’est l’humain numérique que nous sommes devenus. Les humanités numériques peuvent concerner tous les domaines disciplinaires des LLSH.
En quoi sont-elles un enjeu important aujourd’hui pour Sorbonne Université ?
Sorbonne Université, avec ses trois facultés, est par nature pluridisciplinaire. La coexistence dans notre université des LLSH et d'une remarquable force de frappe en sciences des données et en intelligence artificielle, fait émerger des synergies entre les disciplines de manière naturelle et presque évidente. Cette transversalité des approches s’incarne, en outre, dans la présence parmi nous de l’artiste numérique Kaspar Ravel, en résidence depuis un an. Notre université peut s’enorgueillir de compter la première bourse ERC (European Research Council) en humanités numériques en France, portée par Glenn Roe. Fédérer le champ des humanités numériques à Sorbonne Université pour recenser nos forces en interne et les valoriser s'impose.
Outre une façon de penser sa discipline à l'aune de l'outil informatique, les humanités numériques invitent également à avoir un regard sur les changements culturels déterminés par les nouvelles technologies. Ce nouveau champ disciplinaire impose de s’interroger sur sa pratique de recherche et sur la façon dont ces nouveaux outils - d’encodage, de fouille de données, d’exploration, etc. - influencent la recherche en LLSH, en proposant une nouvelle méthodologie. Autrement dit, les humanités numériques nous demandent de penser ce que ces nouveaux outils font à la recherche. Les humanités numériques invitent également à s’interroger sur le risque éventuel d’un « déterminisme technologique » (nos pratiques et notre façon de penser pourraient finir par être déterminées par les outils). Développer ces outils ne va pas sans une réinterprétation de la manière dont nous pensons notre rapport au monde et construisons notre rapport aux savoirs.
Quels étaient les objectifs et les enjeux de cette première journée « Humanités numériques » organisée le 18 janvier 2023 ?
Il s’agissait d’abord de faire un état des lieux des travaux actuellement menés dans ce domaine dans les trois facultés. Nous avons reçu un très grand nombre de réponses suite à l'appel à manifestation d'intérêt pour cette journée. Nous avons pu constater l’incroyable diversité et richesse des humanités numériques à Sorbonne Université, telles qu’elles sont portées à la fois dans des structures disciplinaires (laboratoires ou unités de recherche) que dans les Instituts et Initiatives dont la mission première est de favoriser l'interdisciplinarité au sein de notre établissement. Il est précieux de faire se rencontrer les chercheurs et chercheuses investis dans le domaine des humanités numériques afin qu’émergent des synergies, des problématiques partagées et, pourquoi pas, des projets communs.
Cette journée a également été l’occasion de présenter des outils et dispositifs d’accompagnement déjà en place, mais encore méconnus par notre communauté. Parmi eux, citons par exemple les unités mixtes de service, comme CERES, implantée à la faculté des Lettres, obTIC, adossé à Scai, ou encore la plateforme Plemo3D.
Le troisième objectif était de recenser les besoins (technologiques, financiers et humains) afin d’améliorer le soutien aux équipes de recherche.
Enfin, il s’agissait de structurer un champ disciplinaire fort, pour la recherche mais aussi pour la formation, et d’en renforcer la visibilité à Sorbonne Université et dans l’Alliance Sorbonne Université, mais aussi au plan national et international, Nous allons également travailler en partenariat avec les autres universités de Lettres et Sciences humaines au niveau national et international pour agréger les savoirs et faire avancer la connaissance. Nous avons déjà commencé à construire des collaborations fructueuses avec d’autres universités du centre parisien, notamment Paris Sciences et Lettres et l’université Panthéon-Sorbonne très engagées dans le domaine des humanités numériques. Au niveau européen et international, nous souhaitons développer des coopérations scientifiques et promouvoir des cotutelles avec nos partenaires soit dans le cadre de l'Alliance 4EU+, soit dans le cadre des partenariats stratégiques.
Comment pensez-vous fédérer les humanités numériques à Sorbonne Université ?
Nous sommes en train d’affiner notre travail de cartographie en identifiant, au sein de notre communauté, les personnes intéressées, utilisatrices ou expertes dans un domaine de recherche en lien avec les humanités numériques.
Au printemps prochain, une seconde journée thématique sera organisée. Elle aura pour objectif de proposer aux chercheuses et chercheurs qui n’avaient pas pu intervenir précédemment d’exposer leurs travaux, d’inviter nos collègues de l’Alliance Sorbonne Université et, bien entendu, d'identifier les moyens nécessaires au plein développement de ce champ disciplinaire.